GAINSBAR DAVID SON Of A BITCH À LA MAISON GAINSBOURG

Serge Gainsbourg5 Bis rue de Verneuil, une adresse que je n’avais pas fréquentée depuis plus de trois décennies, l’hôtel particulier de Serge Gainsbourg, lorsque je l’y retrouvais jadis pour nos entretiens. Désormais élevé à la dignité de musée, par tout l’amour et par toute la ténacité de Charlotte Gainsbourg, qui a porté toutes ces années ce projet à bout de bras, pour le voir enfin aboutir. Et je sais que Serge, là où il est, observe et juge ce lieu aussi classieux que son incroyable prolongement de l’autre côté de la rue, le Musée Gainsbourg adossé à un Gainsbarre à l’hallucinante verrière digne de celui de l’Overlook de « The Shining ». Sauf que je n’avais pas prévu d’encaisser un tel choc émotionnel…

GainsbourgUn Musée Gainsbourg ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=gainsbourg ), je parie que Serge n’aurait pas boudé son plaisir de le visiter. Hélas il a tiré sa révérence depuis trop longtemps. Pourtant, désormais par toute la magie de ce Gainsbar David son of a bitch à la Maison Gainsbourg, il n’aura jamais été aussi vivant. Devant la porte noire de l’hôtel particulier, la voix de Charlotte dans le casque de l’audioguide nous chuchote : « Poussez la porte et entrez ». Alors, à cette invitation, on franchit la porte laquée de noir. Tout au long de la visite, cette voix nous porte, à force d’irrésistibles souvenirs d‘enfance dans cette maison de poupée qui l’a vue grandir. Car le lieu est minuscule et le réaménager pour l’ouvrir au public n’était pas aisé ; c’est d’ailleurs pour cette raison que les visites se font à quatre personnes maximum… et que la liste d’attente est longue comme le périphérique. On accède directement au salon. Je retrouve un décor à la fois familier et un peu bouleversant.  Tout est sombre et tapissé de noir.  Mais le premier objet qui m’attire comme un aimant, c’est ce banc en fer forgé où je me posais et cette table basse où pour caler mon magneto Nagra, je devais bouger deux bibelots de 10 cm, ce qui faisait invariablement pester Serge assis face à moi car chaque objet avait une position idéale et devait demeurer à sa place. Là, je ressens carrément une boule au ventre tant tout est resté en l’état, comme si le maitre des lieux allait soudain dévaler l’escalier pour réapparaitre. Dur de ne pas verser une larme en entendant encore dans ma tête l’écho de sa voix me taxant de petit gars et son rire résonner juste en fermant les yeux.

GainsbourgCertes, le piano droit n’est pas vraiment là où il se trouvait auparavant, de même je cherche désespérément la platine tourne-disques si emblématique et design Transcription 300, fabriquée par IMF Electronics qu’utilisait l’artiste ; et l’Homme à la Tête de Chou n’est là plus là, tout de suite à droite, car il a traversé la rue pour trôner au fond du Musée Gainsbourg. Mais c’est un privilège de pouvoir visiter ce lieu de création d’une incroyable intensité et les trésors artistiques qu’il renferme, du poster nu de BB aux disques d’or, en passant par sa caméra Beaulieu, ses synthés ou son piano à queue. Sans oublier la table pleine de décorations et d’insignes, que ses potes policiers lui offraient au fil de ses virées nocturnes, lorsqu’ils raccompagnaient Serge à son domicile. Il y a même quelques paires de menottes ! On sait que Bob Dylan aime aller s’imprégner des lieux d’habitation de ses héros musicaux, il a ainsi visité les maisons de Neil Young ou de Kurt Cobain, moi je parie qu’un jour il franchira cette porte. À l’époque où Fulbert, le maitre d’hôtel de Serge m’introduisait pour mes interviews, je ne connaissais que le rez de chaussée avec la cuisine et le petit WC sous l’escalier. La voix de Charlotte justement nous guide jusqu’à la cuisine où elle égrène ses souvenirs, comme cette chambre d’enfance… qui se trouvait de l’autre côté du mur de la cuisine et qui est désormais murée car elle était louée aux voisins qui l’ont finalement récupérée.

Gainsbourg by Tony Frank

 Cuisine Gainsbourg by Tony Frank

Pour la première fois donc, je gravis l’escalier qui mène au premier étage et je découvre son bureau où entouré de tous ses livres il aimait taper ses textes sur son énorme machine à écrire. La chambre dite des poupées, minuscule boite à bonbons qui était l’antre de Jane, la salle de bains. Mais le plus émouvant c’est cette garde-robe composée uniquement de trois T shirts, trois chemises, trois vestes et une demie douzaine de ses Repettos qu’il portait hiver comme été, sans jamais mettre une seule chaussette. Et la plus grosse claque, c’est bien entendu la suite parentale de Jane et Serge à la moquette usée là où il avait l’habitude de se lever. Charlotte nous fait revivre leurs séances de cinéma sur écran géant et cette immense complicité père fille. J’ai presque du mal à respirer tant la pièce reste toujours imprégnée de l’odeur âcre de la nicotine de toutes les cigarettes fumées ici qui persiste même après trente années passées.

Gainsbourg C’est carrément groggy que je ressors pour aller visiter l’expo permanente du Musée de plusieurs centaines d’objets aussi intimes que personnels qui retracent tout le parcours de Gainsbourg depuis l’enfance. Charlotte y a recréé précisément la moquette et le dallage classique à cabochons de l’hôtel particulier et on a véritablement la sensation d’être toujours chez Gainsbourg. Hallucinant ! Je ne vais bien entendu pas vous décrire le catalogue des tous ces artefacts si précieux, mais on ne peut s’empêcher de plonger dans son élogieux bulletin scolaire ou de se laisser porter par le spectacle de ses peintures, rares puisqu’il les a quasiment toutes détruites, à l’exception d’une petite dizaine. Un auto-portrait totalement émouvant de sa sœur Liliane ( Voir sur Gonzomusic LILI & LULU GINSBURG ) et lui enfants. Sa première déclaration d’œuvre à la SACEM qui n’est pas encore la SACEM, des contrats, des coupures de presse, mais aussi la fameuse lettre envoyée par Bardot, lui adjurant de renoncer à sortir « Je t’aime moi non plus… » ; lui proposant même de le dédommager pour le désagrément… dingue ! A travers tous ces trésors, la vie de Gainsbourg défile comme dans un kaléidoscope et elle est sacrément plus grande que nature. Une dernière photo attire mon regard, Serge est de dos sur scène face à un immense public. C’est son tout dernier concert, cet été 88 au Leysin Rock Festival et c’est la toute dernière fois que j’ai parlé à Serge. Comme pour ce pèlerinage d’aujourd’hui, j’étais accompagné de ma femme Anne, qui était aussi son attachée de presse pour la télé et qui avait passé tant de temps en sa compagnie, car, de la répétition au filage jusqu’à la générale, les journées et soirées étaient longues à la SFP. Dans les coulisses de Leysin, notre fils alors âgé de deux ans jouait à nos pieds et Serge s’en amusait. Il était fier et heureux de chanter pour tous ces petits gars qui l’attendaient. C’est la dernière image que je garde de lui. Merci Charlotte d’avoir ravivé tous ces merveilleux souvenirs. Next time, on ira diner au Gainsbarre où la carte exclusive propose même des lobster rolls… around the bunker sans doute 😎… comme dans les palaces que Serge fréquentait.

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