EN TOURNAGE AVEC NIAGARA

Daniel et Muriel Assez

Voici 30 ans dans BEST, GBD accompagnait Daniel et Muriel de Niagara à Vittel pour assister au tournage de leur vidéo-clip pour « Assez », réalisé de main de maitre et par nul autre que Daniel Chenevez, l’occasion de compter avec lui ses nombreuses casquettes de producteur, réalisateur, auteur-compositeur, graphiste etc… Flashback !

Assez Niagara Vittel A la fin des années 80, Niagara, le groupe fondé par Daniel Chenevez et Muriel Moreno incarnait avec Etienne Daho, le fer de lance du « son » rennais. « Quel Enfer » leur second LP était sorti depuis des mois, mais en enchainant les hits comme des perles, le duo n’avait manifestement pas dit leur dernier mot coté hits. Réalisateur des clips du groupe, Daniel avait choisi Vittel pour y planter sa caméra et son décor pour leur fringuant et funk « Assez ». J’avais eu le privilège d’accompagner Niagara, à la fois pour la télévision (Daniel avait déjà composé le générique de mon émission de radio. J’avais joué les intermédiaires entre Daniel et Patrice Drevet, mon boss à la télé, pour qu’il compose le générique de notre émission « Drevet vend la mèche! »: NDR) et bien entendu pour BEST, l’occasion rêvée de juger sur pièces le travail de Daniel derrière la caméra et d’évoquer avec lui son incroyable coté « couteau-suisse » artistique, même si depuis Rennes, je commençais à maitriser le sujet ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/la-nostalgie-niagara.html , https://gonzomusic.fr/niagara-le-boum-tchiki-boum.html et aussi https://gonzomusic.fr/niagara-quel-enfer.html ). Souvenir souvenirs….

Publié dans le numéro 248 de BEST sous le titre

SOLEILS DIVERSDaniel Niagara

« Il a tout essayé mais n’en a jamais assez, de la composition à la mise en images, en passant par l’enregistrement, Daniel Chenevez met personnellement la main à la pâte Niagara et trouve en plus le temps de rayonner au delà… » Christian LEBRUN

Septembre 87, studio ICP. Bruxelles
Dans la salle de contrôle du studio le plus friteux de Belgique, Daniel dirige le retour en «Vélomoteur» des Calamités.

Janvier 88, studio lCP, Bruxelles

Basculant dans son fauteuil de « producer « , Daniel supervise tous les stades de mise en boite du futur Niagara.

Mars 88, studio Plus Trente. Paris

Coude à coude avec Dominique Blanc-Francard. Daniel assume sa co-paternité du mix final de l’album « Quel Enfer ! »

Mars 88, imprimerie Offset, Montreuil

Dans le bureau du photograveur, Daniel contrôle avec soins les films de sa pochette.

Mai 88, jardins du casino, Vittel

L’œil rivé au viseur de sa caméra 35 mm. Daniel tourne «Assez», le premier clip de l’album.

Septembre 88, 18éme arrondissement, Paris

Dans sa chambre sous les toits, penché sur son ordinateur. Daniel assure la programmation des sons du générique de l’émission « Drevet Vend La Mèche » sur FR3 qu’il vient de composer.

Novembre 88, 15éme arrondissement, Paris

Le monteur film aux gants blancs repasse inlassablement à Daniel la
même scène du clip qu’il a shooté pour l’artiste Zackman ( Le neveu de Serge Gainsbourg NDR).

Assez Niagara VittelEcriture, composition, interprétation, arrangements, production,
design et graphisme, réalisation de clips, multi-activiste rock Daniel « Niagara » Chenevez a-t-il vendu son âme au dieu du temps Chronos pour réussir a coiffer toutes ces casquettes ?
Lorsque tant de formations optent pour le réconfort rassurant de la délégation outrancière, les Niagara maîtrisent absolument tout ce qui touche de
près ou de loin leur pop/rock acidulée au rhythm and blues. Volonté marquée d’indépendance forcenée. pointillisme exacerbé. Sens hypertrophie de l’auto-challenge ou autre ferveur, quelle est la clé de l’exponentielle Chenevez ?

MUSICIEN

Daniel Chenevez: « C’est ce que j’ai commencé a faire voici neuf ans avec
mes premiers groupes. Je me considère avant tout comme musicien, le
reste s’est greffé peu à peu par nécessité. Lors de nos premiers concerts a
Rennes, nous étions obligés de faire nos affiches nous-mêmes parce qu’il
n ‘y avait personne pour s’en charger à notre place. De même, nous n’étions
pas satisfaits de la manière dont nos premiers clips avaient été réalisés, on
s’est dit: pourquoi ne pas le faire nous-mêmes ? Mais ce que je tiens à
préciser c’est que pour l’écriture, la réalisation et tout le reste, Muriel
(Moreno) et ses idées sont omniprésentes. On ne fait jamais rien sans
qu’elle ne soit d’accord. De toute façon, notre son est autant dû à Muriel
qu’à moi. »

Calamités

Calamités

PRODUCTEUR

« A l’époque de mon premier 45 tours Les Espions, je ne connaissais
rien à la réalisation, mais je sentais les choses m’échapper et ce sentiment
ne me plaisait pas du tout. Pour « Tchiki Boum » avec Muriel, Daniel
Pabœuf nous a apporté son expérience du studio. Directement confrontés a l’enregistrement, nous avons découvert qu’il était possible de reproduire sur le disque absolument tout ce qu’on avait dans les oreilles. Comme nous avions une idée très précise de ce qu’on voulait entendre, nous nous sommes sentis capables d’assurer seuls la production du premier album. C’est facile lorsque tu sais ce que tu veux et surtout ce dont tu ne veux pas. Quant aux productions extérieures à Niagara, ça fonctionne totalement au coup de cœur. Je ne me vois pas produire n’importe quoi pour l’appât du gain. En 84, j’étais archi-fan des Calamités. Au cours de la tournée Niagara il y a deux ans, j’ai rencontré un pote à elles qui m’a filé leur contact. Je les ai appelées, on s’est rencontré. La seule chanson qu’elles n’avaient jamais enregistrée c’était « Vélomoteur ».
Après, il a fallu les convaincre de suspendre leurs études pour enregistrer.
Pas question en tout cas de leur coller le «son » Niagara, mais au contraire
d’essayer de produire le mieux possible les Calamités sans les censurer. Je
savais qu’elles n’avaient pas eu les moyens de bosser leurs chansons
pour exploiter tout leur potentiel. Je souhaiterais complètement produire d’autres choses. Comme les Satellites. Lorsque j’écoute leurs disques, les idées se bousculent au portillon, j’entends des trucs que j’aimerais faire avec eux. Mais je ne les ai jamais rencontrés et j’ignore si ça les branche. »

GRAPHISTE

« Pour nos pochettes ou nos affiches, il serait si simple de coller un joli
dessin, mais nous tenons à montrer des photos du groupe. À partir d’une
telle constante, rien n’est plus banal qu’une photo. Mais on essaie à chaque fois d’amener quelque chose de différent. C’est plus compliqué, donc
plus intéressant. Nous utilisons aussi les nouvelles techniques comme la
paint-box pour bidouiller. Pour suivre le truc jusqu’au bout, il
faut aussi se pencher sur la fabrication, la qualité du carton utilisé, le
vernis, le gaufrage, il faut savoir ce qu’il est possible d’obtenir en photo-gravure, quelles couleurs utiliser, quelles modifications effectuer, etc. On est loin de connaître tout cela par cœur, mais lorsque nous rencontrons le photograveur, il n’a pas l’impression de s’adresser a des martiens. »

REALISATEURAssez Niagara

« Moi je me sens autant enfant de l’image que de la musique. J’ai grandi avec la télé, la pub, le ciné, j’ai toujours assimilé des tas d’images, c’est donc un langage complètement naturel pour moi. Tout môme, je m’intéressais déjà à la manière dont c’était construit et cela me paraissait aussi naturel que le rock. Cela dit, jamais je n’aurais pensé assimiler un jour toutes
ces techniques. Quand tu es en province, que tu montes ton groupe, tu t’occupes avant tout d’écrire des chansons en songeant au cheminement classique des concerts et des disques. Tu es loin d’imaginer qu’un jour il te faudra réaliser toi-même les clips. Aujourd’hui, je ne laisserais cela à personne d’autre car c’est le seul moyen d’éviter les distorsions entre
tes idées de départ et ce qui passe à la télé. Tu dois être totalement précis
avec le décorateur, avec le chef op’ qui s’occupe de la lumière, avec les
stylistes si tu veux que tes images ressemblent a ce que tu as dans la tête.
C’est l’ensemble de ces détails intimes qui détermine la sensation finale. Si tu
dis: je veux un arbre. De quel arbre s’agit-il ? Il peut être grand, petit,
touffu, racho, vert, marron… tu dois préciser quel arbre tu vois pour que
tout le monde puisse voir le même. Tu comprends vite pourquoi il est si délicat de laisser à d’autres le soin de s’occuper de tout cela pour nous.
Dans ce cas, déléguer c’est aussi perdre son indépendance. Faire nos clips nous-mêmes c’est aussi une chance de développer un univers qui n’est pas forcément inscrit au premier degré mais qui est très présent dans nos tètes. Un autre réalisateur aurait une autre vision que la nôtre. il chercherait peut-être a illustrer les paroles au premier degré. « Soleil d’hiver » par exemple est l ‘histoire d’une fille qui se suicide. J’aurais très bien pu filmer des plans d’une
nana qui se noie ou je ne sais quoi. Nous avons choisi un univers complètement onirique, ça élargit le champ de vision. Le clip est une dimension supplémentaire, une troisième dimension en plus de la musique et du texte, qui rapproche ainsi les gens de notre perception de la musique. Dans « Assez » il y a une brochette de personnages issus aussi bien de « La Strada » que de la pochette de « Strange Days » des Doors ; ces clins d’œils sont une complicité qui nous lie
a tous ceux qui partagent ces références.»Daniel

COMPOSITEUR DE GENERIQUE

« Je suis tan de tout ce qui est musiques de feuilletons télé, films et autres
indicatifs. Alors pouvoir en faire à mon tour c’est le plus grand honneur qui
puisse m’arriver. Un générique comme celui de Drevet est un trip d’une minute qui s’expose très rapidement, un rythme destiné a être monté en images. Tu dois donc faire passer beaucoup de choses de manière succincte. Et comme le thème est destiné à passer un maximum de fois, il faut qu’il reste toujours quelque chose à découvrir mème au-delà de la 200éme écoute. »

PUBLICITAIRE

« Sur le clip de « Je Dois m’en Aller » nous avons eu une expérience terrible de l’intervention des sponsors. C’était raté et ca gâchait l’image. Depuis, nous refusons ce genre de parasite à l’intérieur de nos clips. C’est notre univers propre et il touche beaucoup trop au rêve pour qu’on laisse un sponsor interférer avec la triste réalité de son produit. La pub proprement dite c’est autre chose a condition d’avoir toute liberté artistique, mais pour le clip j’aime encore mieux sacrifier mon tournage si les publicitaires doivent s’en mêler. « 

50 TOPPERAssez Niagara

« On ne se pose pas la question de savoir si on fait du rock ou de la
variété. On fait notre musique. On sait que les choses que nous faisons nous
tiennent a cœur et que nous sommes complètement indépendants des maisons de disques et du showbiz. On peut être country sur une chanson et rhythm and blues sur une autre, mais c’est le même groupe et cela s’entend. Le Top 50 ne change en rien notre manière de nous exprimer. On se laisse guider par notre feeling. Nos prochaines chansons seront peut-être
planantes a moins que Muriel ne craque sur le Mystère des Voix Bulgares, mais on ne se force jamais. »

CONCERTISTEDaniel et Muriel

« Sur scène nous sommes onze pour reproduire au minimum tous les
arrangements des disques en plus des trucs spéciaux pour le live. Deux cuivres, deux choristes, une basse, une batterie, une guitare, deux claviers, un percu: un tel big band t’offre toute la souplesse de le moduler. Tu peux en jouer comme d’un instrument pour créer un truc intimiste ou complètement orchestré. La tournée s’étire sur trente dates françaises et vingt a l’étranger dont l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, l’Espagne, la Yougoslavie. la Tunisie, le
Canada, Malte, Madagascar et peut-être l’Angleterre. »

DUETTISTES

« Grosso modo, on se partage les tâches avec Muriel. Son feeling est primordial, elle a une sensibilité très forte. Moi je suis plus en charge de tout le côté technique qui la gonfle. Mais ses idées sont présentes partout dans la musique. Quant aux clips. c’est assez difficile d’ être a la fois derrière et devant la caméra, automatiquement une part plus importante m’incombe, mais Muriel ne rate jamais un montage. »

Rock and Roll attitude pour pas de deux. en éliminant les intermédiaires, les Niagara relient directement leur cerveau à notre écran par un jack invisible. Et si leur pop technicolor déborde largement le gris du quotidien, qui saurait le leur reprocher ?

Publié dans le numéro 248 de BEST daté de mars 1989BEST 248

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.