DURAN DURAN AU ZENITH
Mieux vaut tard que jamais, une semaine après le grand show d’un Duran Duran littéralement monté au Zénith, Zen Smith nous retrace non seulement ce concert hors normes mais aussi et surtout l’extraordinaire Rédemption d’un new wave pop group British de garçons-coiffeurs devenus bien malgré eux d’authentiques et inoxydables héros du rock, inspirant à leur tour une myriade de formations. Voici la légende des Duran Duran, au nom inspiré d’un personnage de « Barbarella », projetée en live sur la fameuse scène parisienne de la Porte de Pantin pour un public manifestement chauffé à blanc.
Pour mémoire, Zen Smith est un des rares artistes à se retrouver des deux cotés du miroir de Gonzomusic… d’abord en tant qu’artiste ( Voir sur Gonzomusic WAITING 4 WORDS … CHAMPIONS OF THE WORDS , WAITING FOR WORDS À L’INTERNATIONAL et aussi WAITING FOR WORDS « Dignity » ) mais aussi en tant que contributeur et ardent amant de la musique ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Zen+Smith ). Quant à Duran Duran ( Voir sur Gonzomusic DURAN DURAN « Notorious » , DURAN DURAN « Future Past » , DURAN DURAN « Duran Duran » et aussi DURAN DURAN « Danse Macabre » ) c’est une anecdote que j’adore raconter : invité au premier Festival du vidéo-clip qui se tenait à Saint Tropez en octobre 1984, je me retrouve dans un avion d’Air Inter en partance pour Nice, mais bloqué plusieurs heures sur le tarmac par une cellule CGTiste en grève. Sur le siégé d’à côté est assis un Anglais, cheveux mi longs, belle gueule. Et puisqu’on a tout le temps de papoter, notre conversation finit par ressembler à un dialogue de « La cantatrice chauve ». « Ah … vous allez aussi à Saint-Tropez… ah vous aussi vous venez pour le Festival… ah vous bossez aussi dans la musique…ah vous êtes dans un groupe… ah moi je suis journaliste… ah vous faites quoi dans le groupe… ah vous êtes chanteur… de Duran Duran… moi j’écris pour BEST… ». Mémorable rencontre avec Simon Le Bon… qui m’invite très fair-play et pas du tout vexé que je ne l’ai pas reconnu, dès le lendemain sur le yacht loué par EMI pour boire un verre…40 ans plus tard, le même Simon Le Bon prouve de la manière la plus cinglante sur la scène du Zénith qu’il n’a pas perdu la flamme…
Par Zen SMITH
« Si tu te débrouilles pour durer assez longtemps, on finira par te prendre au sérieux » (Iggy Pop)
« Tu sais, j’ai démarré estampillé « Underground », puis « Mainstream », « Kitch », « Has Been »… et maintenant je suis « Culte » » (Jean Michel Jarre)
Ces deux citations résument à merveille la carrière de Duran Duran. Qui aurait misé un kopek sur les « garçons coiffeurs » à la fin des 80’s et imaginé une seule seconde qu’ils seraient là, triomphants, 40 ans plus tard ? Si la France redécouvre le fameux groupe de Birmingham, leur come-back international remonte déjà à 2003 et le « Reunion Tour » qui voyait le line up original (Simon Le Bon, Nick Rhodes et les 3 homonymes Taylor – sans aucun lien de parenté – John, Roger et Andy) tourner triomphalement au Japon, US et UK (de mémoire, 10 Wembley Arena Sold Out, un record), rafler un Brit Award en 2004 pour l’ensemble de leur carrière et surtout interpréter à la cérémonie et de manière magistrale « Hungry Like The Wolves », « Ordinary World » et un « Wild Boys » d’anthologie qui mettra KO tout le parterre des artistes hype d’alors (Justin Timerlake, Franz Ferdinand et autres Killers), les rois de la pop reprenaient leur couronne et ne comptaient pas cette fois la laisser filer. S’en suivront 6 albums et autant de tournées triomphales, une induction au Rock Hall Of Fame, des stades et festivals… et surtout, une reconnaissance artistique par leurs pairs, la plupart des médias musicaux, le public…
Et la France dans tout ça ? Il y a toujours eu un rapport complexe entre les DD et la France. C’est chez nous qu’ils ont enregistré beaucoup de leurs chefs d’œuvres (« Seven & The Ragged Tiger », « Big Thing » et le magistral side project sous le nom d’Arcadia, « So Red The Rose », considéré par beaucoup comme THE album New Wave par excellence), la tournée « Strange Behaviour 87 » les avait vu triompher avec 2 Bercy archi sold out… suivi l’année d’après par le début de la fin en France, l’échec du « Big Thing » et un Bercy à moitié vide. Puis ce seront les montagnes russes. Une Cigale complète pour la tournée intimiste et acoustique du « Wedding Album » qui marquait leur (premier) come-back, porté par les hits « Ordinary World » et « Come Undone » en 1993, suivi d’un Zénith modérément rempli l’année d’après pour la tournée « électrique », une absence de plus de 10 ans, un Zénith encore moins rempli en 2005 pour le « Astronaut Tour » et depuis… rien à l’exception de quelques évènement « privés » et peu accessible aux fans.
Quand l’annonce du Zénith 2025 fut faite, personnellement, je n’y croyais pas et fut stupéfait de voir 90% des tickets s’écouler en moins de 48h. Je savais bien qu’un public existait en France pour eux. Quand je mixe en soirée, je vois bien l’accueil réservé au Fab 5 sur les Dance Floor, que ce soit chez les Gothiques ou les Metalleux (la scène Metal voue un véritable culte à Duran et beaucoup de groupes les ont repris, notamment l’excellent tribute de la scène alternative, ska, hardcore paru en 1997 avec Deftones, Bjorn Again ou Reel Big Fish)… ou quand on discute avec notre public de nos influences et toute cette scène. Jusque, pour l’anecdote, mon opticien Pictave qui est un véritable fan hardcore ah ah ! Mais comment allaient réagir les médias ? On sait la haine farouche que portait Manœuvre à l’endroit des Duran, instaurant un véritable embargo dans les colonnes de Rock « haine » Folk. Soit on les descendait, soit on n’en parlait pas. Heureusement, les temps ont changé et … les médias ne servent peut-être plus à grand-chose tant la vente des tickets a été éclair avant même qu’un article ne puisse sortir nul part.
Et nous voilà donc au Zénith ce mardi 21 octobre. Un mix générationnel intéressant, beaucoup de parents quinquagénaires ayant emmené leur descendance 20/30 ans, parfois même de plus jeunes. La salle est en configuration assise même dans la fosse, ce qui m’inquiète un peu en termes d’ambiance. Une DJette aussi inutile que ridicule (titres souvent mixés à l’arrache, de qualité sonore parfois limite – non cocotte, on ne télécharge pas un titre sur Youtube pour le mixer en DJ set – et surtout ces poses ridicules en mode « Air DJ », genre je tourne des potards qui ne servent à rien pour faire genre) fait patienter poliment avec de gros hits 80’s (Depeche Mode, 2 fois en 3 titres, INXS massacré et autres).La playlist qui suit, concoctée par Duran Duran sera beaucoup plus efficace.
C’est à 21h05 que démarre donc la 1ère date de cette 2nde partie de Tournée entamée le 29 Avril 2023, 4 mois à peine après le « Future Past Tour » de 2022. C’est l’inquiétant instrumental « Velvet Newton » qui ouvre le bal avec un clip tout en image de synthèse, un vaisseau spatial s’approchant de la terre avec nos 4 cosmonautes Duran, Andy Taylor ayant à nouveau quitté le groupe en 2009 et surtout, se soignant d’un cancer depuis quelques années… aidé d’ailleurs financièrement par le groupe, et moralement par Simon qui l’accompagne beaucoup dans l’épreuve. Andy participe d’ailleurs à plusieurs titres du dernier album, « Danse Macabre » et est impliqué dans le « lost album » de 2009, « Reportage », qui devrait enfin sortir prochainement. Ce clip est-il un clin d’œil à l’œuvre de SF clippée par Russel Mulcahy en 1985 et le mythique film mi SF / mi concert, Arena porté par le clip tout autant mythique, « Wild Boys » ?
Les nappes de synthé du « professeur » Nick Rhodes raisonnent pour lancer un « Night Boat » version encore plus dark que l’original de 1981. Le son est limpide, cristallin et la voix de Le Bon magnifique.
Et c’est carrément avec « The Wild Boys” que le groupe enchaine. Le public se lève en masse et ne se rassiéra plus pendant près de 2 heures. Il faut avoir un sacré catalogue et une confiance en soi XXL pour sortir un tel hit en ouverture de concert. Et le reste de la setlist va le prouver : « A View To A Kill », « Union Of The Snake » (première fois sur cette tournée, et l’un des premiers 45 tours que mon défunt père m’a offert en 1983, émotion…), le récent quasi Indus’ « Invisible » qui prouve que le groupe est aussi bon dans ces nouvelles productions, le toujours aussi funky « Notorious ». Le public est en transe, chante chaque titre avec passion… c’est la communion tant attendue par le groupe et ses fans depuis si longtemps. Les souvenirs de Bercy 87 remontent à la surface. Et le groupe est d’une efficacité impressionnante. La frappe de Roger est puissante, le groove de John soutient quasiment chaque titre (John Taylor est réputé pour être l’un des meilleurs bassistes au monde), les claviers de Rhodes enveloppent le tout, tantôt en soutien discret, tantôt en lead et Simon est magistral d’aisance vocale.
A leurs côtés, Dom Brown, guitariste du groupe depuis 2009, est la fusion parfaite entre Andy Taylor et Warren Cuccurullo (guitariste du groupe de 1986 à 2001) : les riffs tranchant et rock d’Andy et la technicité et dextérité de Warren (ce dernier fut le guitariste de Frank Zappa, rien que çà). Rachael O’Connor et Anna Ross, elles aussi de longue date dans le groupe, assurent les chœurs féminins. Anna Ross duetisant superbement avec le Bon sur « Come Undone ». Petit regret que Rachael n’ai pas eu « son » moment comme sur le précédent tour sur le sublime « Give It All Up ». Et bien sûr, Simon Willescroft qui agrémente de son saxophone magique certains titres (« Union Of The Snake », « Notorious »…).
Petit détour par le dernier « Danse Macabre », album concept « Halloween » avec des anciens titres du groupes totalement ré enregistrés, des covers et quelques nouveaux titres, avec le mash up « Lonely In Your Nightmare / Super Freak (cover de Rick James) », « Evil Woman » (cover d’Electric Light Orchestra) avant de prendre les fans de la 1ère heure aux tripes avec les puissants « Friends Of Mine » du 1er album, et « Careless Memories » du 2nd suivi du cultissime et sublime « The Chauffeur », une autre première sur cette tournée. Fan Service assuré. Ces titres prouvent d’ailleurs tout le décalage de perception que le groupe avait de sa musique et son style versus celle du public et des médias. Lorsque sort l’album « Duran Duran » en 1981, ils sont « underground », écument les petits clubs et se projettent dans la même scène que The Cure, OMD ou Simple Minds. C’est au cours de la tournée que les salles s’agrandissent et qu’ils voient les rangs du public se remplir d’un fan club plutôt jeune et féminin. Ils n’ont aucune idée finalement de ce qui se passent sur les ondes et dans les médias qui menera au phénomène pop « Fab Five » et une domination mondiale des charts jusque 1985. Et force est de constater que ces titres n’ont rien de poppy.
La suite du show déroule des hits, encore des hits et toujours plus de hits : « Ordinary World », « Come Undone », un « Planet Earth » d’anthologie,« White Lines », reprise énervée et énergique de Grand Master Flash (et sujet de discorde entre certains fans et le groupe), « Hungry Like The Wolf », « The Reflex » avant de finir par un mash up « Girls On Film / Psycho Killer (cover de Talking Heads) ». En rappel, ce sera un magnifique « Save A Prayer » repris à l’unisson par pres de 7 000 voix avant le traditionnel « Rio » de clôture. Le groupe aura prouvé en 2 heures que ce sont avant tout des musiciens absolument exceptionnels. Et c’est certainement l’une des fautes majeures des critiques à leur endroit, et dès 1982. Comme pour beaucoup d’autres groupes d’ailleurs (INXS, Simple Minds, Tears For Fears, FGTH…), peu, voir personne, n’a jamais souligné l’excellence technique de ces musiciens. Et souvent en fait, parce qu’ils ne croyaient pas possible qu’une bande de gamins d’à peine 20 ans puissent maitriser à ce point leur instrument. Beaucoup de rumeurs dégueulasses couraient d’ailleurs à l’époque. « C’est pas eux qui jouent, groupe marketing formé par la maison de disque, blah blah »… Ce qu’ils ne savaient pas ou ne voulaient pas savoir, c’est que cela faisait des années que ces gamins étaient enfermés chez eux ou en local de répete à ne faire qu’une chose 30 heures sur 24…. Jouer, jouer, jouer, jouer. Peaufiner leur son et alterner répétitions et concerts sans discontinuer. Un groupe comme INXS alignait plus de 400 concerts… par an ! Jouant certains weekends 3 fois dans la nuit dans 3 villes différentes.
Alors c’est sûr que pour les Manoeuvre (oui je sais, je l’aime LOL) et autres, engoncés dans leur perfecto et cachés derrière leurs Ray Ban à se repasser en boucle l’intégrale des Stones et de Led Zep, voir ces petits « nouveaux romantiques » et autres New Waveux à la mèche vaillante, aligner avec élégance musique, image, vidéo, look et concept, ce n’était pas possible. L’autre sentiment frappant, c’est l’amitié, le respect et la synergie entre les musiciens, que ce soit entre les 4 Duran mais aussi leurs comparses Dom, Rachael et Anna. Il y a eu des rires, des blagues, de l’émotion palpable. Il est bon de noter qu’avec U2, c’est l’un des rares groupes encore actifs de cette génération New Wave dont le line up est, à l’exception d’Andy donc, celui d’origine. Certes, il y a eu des absences, mais depuis maintenant 23 ans, John, Nick, Roger et Simon sont soudés comme jamais, réunis par un amour, une passion pour la musique et la scène. Rendez-vous compte. Depuis le 14 septembre 2021, il n’y aura eu que quelques séquences de 4 mois entre chaque tournée. 5 ans sur la route, les mois off pour enregistrer déjà 2 albums. Et ils ont plus de 60 ans ! (Simon fête ses … 67 ans ce 27 octobre !) Alors oui, certains fans hardcore râlent : trop de singles, trop de covers (heu, je vous rappelle que c’est juste le concept de « Danse Macabre » les gars), blah blah blah… Ils oublient juste une chose : tous les fans n’ont pas les moyens de suivre comme eux Duran Duran depuis 20 ans sur les concerts Anglais, Italiens, Allemands etc etc.
Donc nous, ça fait juste 20 ans qu’on ne les a pas vu. Alors oui, le fan en moi aurais bien sur préféré avoir un « Secret Oktober », « All She Wants Is », « Skin Trade », un titre d’Arcadia, plus de titres des récents « Future Past » ou « All You Need Is Now »… mais beaucoup, certainement la moitié du Zénith, n’avaient soit jamais vu le groupe sur scène, soit pas vu depuis 20, voire 40 ans. Et on ne peut pas ne pas voir son 1er concert de Duran Duran et ne pas avoir « The Reflex », « Notorious », « Rio » ou « Planet Earth ». Et malgré cela, ils ont quand même mis en avant ce dernier album (oui, même si ce sont des covers, ça reste des titres revus et « assimilés » à la sauce Duran) en jouant aussi des titres d’albums de leurs débuts. Ce qui compte, c’étaient les sourires sur tous les visages, la communion vécue avec le groupe et 2H de concerts qui resteront dans les mémoires du public et, espérons-le du groupe. Que ce triomphe redonne confiance à Duran Duran en l’amour que leur porte les fans français et que les prochaines tournées n’oublient plus la ville de lumière.
All pix by Fabrice Dematons

SETLIST :
Velvet Newton
Night Boat (« Danse Macabre » version)
The Wild Boys
The James Bond Theme / A View to a Kill
Union of the Snake
Invisible
Notorious
Lonely in Your Nightmare / Super Freak
Evil Woman
Friends of Mine
Careless Memories
The Chauffeur
Ordinary World
Come Undone
Planet Earth
White Lines (Don’t Don’t Do It)
Hungry Like the Wolf
The Reflex
Girls on Film / Psycho Killer
Encore:
Save a Prayer
Rio
