BILLY GIBBONS « Hardware »
Dans son troisième album solo, Billy Gibbons s’est déchainé. Placé sous le signe du rock et du blues, cet « Hardware » aux vrombissantes guitares est aussi un clin d’œil appuyé au puissant « Eliminator » de ZZ Top, puisqu’il affiche sur sa pochette une version stylisée de la légendaire Ford B V8 de 1933 customisée hot rod qui illustrait le 8ème LP studio à succès des fameux barbus texans. Un sacré challenge relevé 40 ans plus tard !
12 titres bien baraqués, (dont une reprise) au blues rock rugueux comme ce désert californien du Mojave où il a été capturé, au bien nommé Escape Studio aux confins de Palm Springs, on ne risque décidément pas de s’ennuyer avec ce nouveau disque du chanteur-guitariste de ZZ Top. Et dès le premier titre Billy Gibbons fait vibrer son instrument à la puissance létale. « My Lucky Card », dans le plus pur style blues-rock texan, distille son énergie comme le vieux bourbon titre peu à peu ses degrés d’alcool au fond du fût. Et le speed ne fait que gagner en intensité avec « She’s On Fire », propulsée par l‘urgence de ses guitares, dans le plus pur style ZZ Top, un des titres les plus addictifs de l’album. Quant à la bien nommée « More-More-More », comment résister à l’intensité de ce rock allumé, comme un feu d’artifices du 4 juillet qui en réclame toujours plus ? Blues classique et intemporel comme un single de chez Chess, avec « Shuffle, Step & Slide » Gibbons nous rappelle avec toute son experte énergie où sont précisément ses racines. Afin de souffler un peu, la très réussie « Vagabond Man », comme un titre des Stones à la « Waiting On A Friend » ou « Wild Horses », nous entraine sur son slow beat nostalgique et c’est juste magique ! Puis avec l’entêtante et néanmoins quasi psychédélique « Spanish Fly » notre texan s’aventure jusqu’au bayou de la Louisiane pour en extraire la moelle substantielle d’un blues-rock enfiévré comme la moiteur des marais. Avec « West Coast Junkie » on revient au style « rentre dedans » dans lequel ZZ Top s’est si bien distingué depuis l’aube des 80’s : rapidité y rime avec dextérité pur un ardent festival guitaristique capable d’enflammer le bûcher d’un prochain Burning Man.
Portée par ses insouciants chœurs féminins et toute son énergie, la fantasque et quasi twistée « Stackin’ Bones » mériterait largement de figurer sur la BO du prochain Tarentino. « I Was A Highway » classique de chez classique perpétue la tradition rock sudiste intemporelle de ZZ Top sur son beat ultra simple et pourtant si diablement efficace, porté par ses lyrics si répétitifs qu’on peut, dès la deuxième écoute, chanter à tue-tête en même temps que ce vieux Billy. Quant à l’imprononçable « S-G-L-M-B-B-R » l’espace des dix premières secondes on se demande si Gibbons n’est pas en train de reprendre le mythique « Purple Haze »… mais en fait, non, ce n’est qu’une illusion sonore. Et pourtant il me semble bien retrouver ce riff identifiable entre tous à plusieurs reprises sur cette chanson. On va dire que notre ZZ Top s’amuse ! Et donc nous aussi. Seule reprise du CD voici la joyeuse « Hey Baby, Que Paso », empruntée aux sémillants Texas Tornadoes, le super-groupe de tejano musica né de l’union des légendaires Doug Sahm, Flaco Jimenez, Louie Ortega et Augie Meyers ; et s’il fallait la qualifier en un mot ce serait indubitablement « fiesta » pour un des titres les plus précieux du CD. Enfin, pour clore cet excellent « Hardware » Billy fait du rap… non, je rigole… quoi que ? Déconcertant talk over entre Tom Waits, Jim Morrison et Johnny Cash, sur un parfait accord de guitare aux accents de « TV Dinners », il multiplie les références au Lizard King mais aussi au Joshua tree et in fine à toute la mythologie de l’Ouest Américain qui est, ô étrange coïncidence, le thème central de ce bel album qui n’a pas fini de résonner tout l’été.