FRANKIE GOES TO HOLLYWOOD L’APOGEE
Voici 30 ans, pour BEST – et le Mini JT sur TF1- GBD croisait le fer avec les Frankie Goes to Hollywood à l’aube de la publication de leur second et hélas ultime LP intitulé « Liverpool », comme leur ville natale. C’est pourtant à Londres que je retrouvai Holly Johnson, Paul Rutherford et la joyeuse bande de FGTH, lesquels, incroyablement militants pour des sensations pop, étaient déjà en pointe de la lutte contre le SIDA et la défense du prolétariat.
La publication du 2e LP de Frankie Goes to Hollywood marque, hélas, le chant du cygne de cette pure sensation pop. Publié en octobre 1986, « Liverpool », en hommage à leur ville natale, hélas, malgré les jolis tubes « Warriors of the Wasteland » et « Rage », ne retrouvera jamais tout à fait la flamme de leurs trois méga-hits précédents l’inoxydable « Relax », le punché « Two Tribes » et la chanson magique de Noël « The Power of Love ». Un troisiéme single « Watching the Wild Life » ne parviendra pas au sommet des charts. Et puis, surtout, au sein du groupe les tensions se multiplient entre Holly Johnson et le reste du groupe. Il faut dire que le capricieux Wolfgang y joue un rôle équivalent à celui de Yoko Ono dans le naufrage des Beatles. FGTH se désintègre et Holly se lance alors dans une carrière solo, enregistrant deux albums pour MCA, mais sans jamais renouer avec le succès. En 98, aux States, un groupe d’imposteurs se fait passer pour FGTH et tourne dans quelques clubs avant que l’on ne découvre la supercherie. Néanmoins le groupe se réunira une dernière fois au début des années 2000 pour un concert donné sur VH-1. Avec seulement deux LP, FGTH aura néanmoins réussi à marquer durablement l’histoire du rock, normal on a l’habitude lorsqu’on vient de Liverpool.
Publié dans le numéro 223 de BEST sous le titre :
LA VOIX DE FRANKIE
« Qui eut dit que plusieurs années après « Relax », on entendrait encore Frankie Goes To Hollywood, futile phénomène pop d’une saison ? Qui eut dit surtout que, sur les sujets les plus graves, on l’écouterait ? Interview de son chanteur Holly Johnson par Gérard BAR-DAVID »
Christian LEBRUN
Dans ce studio de Liverpool, Holly (Johnsonl et Paul (Rutherfordl créent dans le génie la dynamique d’un groupe de fusion. « Et si on leur chamboulait vraiment la tête ? », devait s’interroger Holly. Agrafé sur un mur, un poster de Frank Sinatra à LA tranchait sur la grisaille de Liverpool. Sur papier glacé, la photo était ainsi légendée: « Frankie Goes To Hollywood ». Hollywood, c’est justement là où tout aurait pu commencer pour Frankie. Trevor Horn, dans son bureau panoramique sur Sunset Bd aurait signé le groupe avant de les emmener bouffer leur poids en homard au très luxueux Palm’s sur Santa Monica Blvd. Et la grande machine du marketing se serait mise en branle pour imposer FGTH sur le marché florissant des clubs gay de Southern California à la manière de Village People. Cependant, « Relax » était salement plus subversif qu’un insipide « YMCA ». Sorti en 83, le maxi prône la libération sans condition de la tète et du sexe. Irrésistiblement dansant. «Relax » se heurte pourtant à la censure. Pour le British Board, le clip dégage de trop fortes effluves de sperme et de soufre.Trop tard, toutes les poitrines males ou femelles arborent déjà le célèbre T Shirt « Frankie Says… ». En un seul maxi pari gagné. Frankie impose son funk pop. Après l’aventure Buggles (« Video Killed The Radio Star ») et ABC, Trevor Horn, master-blaster producer monte son label Zang Tuum Tumb sur la lancée de Frankie et Propaganda. Le monde découvre effaré et hébèté le son vertigineux du power pop ZTT. « Relax, le fais pas, lorsque tu veux jouir. jouir… jouir… ». La jouissance sauce Frankie est un plat qui se mange chaud. Mixé, remixé, version « massacre » or not, Frankie se démultiplier sur un seul produit et ca fuse à 180°. FGTH récidive, haut dans les charts avec « Two Tribes », mais change son leitmotiv sexe pour un pacifisme mi-amer et forcené. Frankie say… okay pour les calins, mais avant tout, il faut cesser la baston planétaire. Illustration virulente, la vidéo projette l’Asemblée Générale de I’ONU dans une arène. Leaders rouges et étoilés boxent jusqu’au sang, et pour une fois c’est le leur, pas le nôtre. Holly s’offre également Hollywood dans le foulée en chantant « Relax » in extenso dans le film de Brian de Palma « Body Double ». Frankie est si fasciné par le format maxi 45 tours ! N’est-ce pas la preuve d’un certain nombrilisme ? C’est aussi la détermination finale de tout faire en Cinémascope. Maxi, les disques, maxi, le son, maxi le sexe, maxi le show. Welcome to Twelveinch-land. À la base, le groupe ne voulait d’ailleurs sortir qu’exclusivement des 12-lnches. Frankie, sous la pression, transige pour un album, mais ce sera un double LP. Gonflé ! « Welcome To The Pleasuredome » aurait pu se contenter de compiler les hits déjà publiés : Cinémascope oblige, la galette est géniale. FGTH nous balade de Pink Floyd à Santa Esmeralda en passant par Wings, Led Zep, Bolan ou Bowie. Bruitages, séquences sonores, on se laisse éjecter d’un rock grandes orgues volontairement rococo à la Queen, pour se retrouver dans des gags salaces style « Xmas records » des Beatles. Frankie voyage plus loin avec les oreilles. Et même dans le temps. Dis-moi ce que tu reprends et je te dirai qui tu es; FGTH- on le savait depuis les face « B » des maxis- a produit à ce jour quelques covers saignantes. Le « War » d’Ewin Starr- AVANT Springsteen-, le « Born To Run » de Bruce the Boss – justement !- le « Sufragette City » de Bowie et enfin le « Roadhouse Blues » des Doors. Sans oublier le «Do You Know the Way to San Jose » de Dionne Warwick ». Après le re-mix décevant du titre, Frankie endosse l’habit de Santa Claus pour nous offrir le velours pop et l’amour de son « Power of Love » aux réminiscences 10cc/Moody Blues (« Nights in White Satin »). Merry Xmas et les rois mages en prime dans le clip, FGTH renoue avec la tradition anglaise – McCartney. Lennon, Slade etc…- du power single de Noël. Le pouvoir de l’amour, certes, mais c’est un amour pervers: la face B est une jolie collection de délires et d’insanités éclatées dans le genre « et surtout ce Noël n’oubliez pas de jouir ».
Avec Frankie, la géographie déménage aussi ; Liverpool se téléporte à Amsterdam pour l’enregistrement de ce tome II des Aventures de FGTH. Sorti depuis deux mois, le disque attaque son second hit, en cette veille de tournée. Entrainement intensif dans une banlieue paumée de Londres, le show s’est rodé sur un mois de répètes. C’est justement la dernière répétition, mais les deux chanteurs ont pris la tangente. Paul Rutherford est en mission à Dublin pour assurer une télé et Holly Johnson, plongé jusqu’au coup dans les affres de ses préparatifs de vacances, destination USA a préféré recevoir l’envoyé spécial de Best chez lui, à la maison.
PASTEUR
À Fulham, le home sweet home de Holly est une baraque de briques rouges anonyme dans une rue clonée du grand Londres. Holly tient à préserver son jardin secret. Il n’a pas oublié ces groupies qui ne vous Iâchent pas d’une semelle. À l’instar de cette Française, dont l’obsession chronique était de vouloir faire des cadeaux à Holly à toute heure du jour ou de la nuit. Elle dormait sur le pas de la porte ; un enfer pour le laitier…mais pas seulement ! Et puis, il y a toutes ces toiles d’artistes contemporains, la seule vraie défonce de Holly, un véritable aspirateur de royalties. Elles sont bien assurées. Mais on ne sait jamais; d’ailleurs, aujourd’hui elles sont bien en sécurité dans un coffre de banque. Clownesque, romantique ou sardonique, Holly a usé tous ces masques un à un sans jamais se révéler. Cette fois ce sera différent. Dans le séjour cuisine du Holly Mansion son compagnon Wolfgang s’affaire en cuisine pour préparer le thé. Dans un coin, le témoin rouge luminescent de l’alarme clignote comme une Betacam: action !
« Et si on attaquait par le dernier slogan ?
Frankie Say… Use a Condom !!! » (utilise un préservatif). On l’a fait imprimer sur des T-Shlrts signés Carherine Hammet et tout l’argent recueilli sera versé à la version anglaise de l’Institut Pasteur pour financer la recherche sur le SlDA. En France. Votre lnstitut Pasteur fait un boulot épatant. En Angleterre, nous avons le même problème qu’aux USA : Thatcher et Reagan s’en lavent les mains et la maladie avance inexorablement, c’est une tragédie.
Si « Frankie Say… use a condom » c’est juste de |’info pour les kids ?
Et c’est essentiel. Comme cette pub anti-drogue que vous diffusez à la télé en France; tu sais celle qui dit : « La drogue c’est de la merde », c’est une super influence pour les gamins. En Angleterre vous aviez ce poster d’ado légendé: « l’héro peut de détruire »: la campagne française te parait plus efficace ? Pour moi, la pub française va bien plus loin. Pour quelque obscure raison, le poster anglais exacerbe le glamour négatif de la défonce, en montrant des kids qui ressemblent à Brando au James Dean en jeans et T Shirt, l’œil complètement dilaté. En France vous attaquez le problème à la base, back to school.
La courbe ascendante de la drogue en Angleterre suit très exactement celle du chômage : COFD !
À Liverpool, justement, le chômage est particulièrement virulent et tu vois tous ces kids zoner dans la rue la tête polluée par l’ennui, sans espoir de futur. J’ai d’ailleurs contribué à un LP pour cette cause, mais hélas on ne l’a guère entendu à la radio.
Pourquoi ne pas avoir participé au Red Wedge
(voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/combats-rock.html
Personne ne me l’a proposé.
Tu aurais accepté ?
Je n’en sais rien. Je trouve leur projet politique trop artistiquement flou. Moi je ne suis pas à 100% socialiste, car je ne suis pas persuadé que cela puisse fonctionner à l00 %. Je ne suis pas non plus un affreux rétro-conservateur. Pourtant, idéalement le socialisme me fascine, car il est parfait. Mais un socialisme effréné me parait voué à l’échec.
En tant que leader de FGTH réalises-tu l’impact que tu peux avoir sur les ados ?
C’est une drôle de responsabilité : avoue que je ne suis pas très qualifié pour être l’orateur moraliste de la jeune génération. Pourtant j’y songe sans cesse.
Ce n’est pas une question morale, mais une question de survie?
C’est vrai, mais les deux vont de pair. ll n’est pas très heureux pour une rock star de se confondre avec l’autorité traditionnelle du prof ou du politicien. Mais si tu parviens à éviter le piège en montrant qu’en fait la défonce est anti-mode et anti-rock, là tu modifies l’image de marque et le pari est gagné. Surtout en Angleterre où la musique la mode et l’art nagent dans le même bocal.
Tu parlais tout à l’heure de Catherine Hammet, êtes-vous lié à d’autres stylistes ?
Pour nos costumes de scène, nous travaillons en général Anthony Price. Mais, en ce moment il est débordé par la boutique qu’il vient d’ouvrir à South Molton St. Il bosse aussi pour Bryan Ferry et les Duran Duran. Comme Tony Price ne pouvait pas assurer, nous sommes allés voir Catherine Hammet.
Pourtant là tu portes bien une cravate Jean-Paul Gaultier ?
Jean-Paul Gaultier serait un créateur idéal pour nous, mais il vaut mieux pour nous continuer à nous associer avec des stylistes anglais.
Car vous êtes un groupe anglais et vous entendez; le rester. Es-tu fier d’être anglais ?
Au fond de moi oui, même si je suis conscient de tout ce qui cloche dans nos mentalités anglaises. J’ai assez voyagé pour comprendre que les Anglais sont dans l’ensemble assez réacs et paranos, souvent égoïstes, face à tout ce qui peut se produire dans le reste du monde.
Ces trois années passées avec Frankie t’ont ouvert les yeux ?
Sans une once d’hésitation; il existe heureusement d’autres modes de vie. ll v a des pays bien plus fascinants que l’Angleterre, avec des cultures plus vivaces. Par exemple, j’aime Paris avec un « A » majuscule, c’est une ville géniale bien plus esthétique que Londres.
Mais pourtant tu vis à Londres, pas à Paris ?
Pour l’instant, je n’ai pas le choix. Disons que je me sacrifie pour le boulot.
Vu de l’extérieur, on comprend mal comment fonctionne la mécanique FGTH ?
Un des membres du groupe va trouver une base , poser un rythme sur une cassette et il va me la remettre pour que j’écrive le texte et la mélodie. Par exemple, sur le dernier album, il y a ce titre « For Heaven’s Sake ». Nous étions en studio pour bosser sur le LP et les garçons se sont mis à jammer. Nous avons enregistré l’intégralité et j’ai tout réécouté le soir dans ma chambre d’hôtel. Le lendemain, je me suis mis au piano pour écrire le texte sur la ligne basse/guitare/batterie puis la mélodie a suivi. Parfois j’ai déjà mon idée, c’était le cas pour « Relax », et nous l’achevons en studio.
À ce propos, pourquoi « Liverpool » n’a-t-il pas été enregistré à Liverpool ?
Nous sommes partis en Hollande pour réduire le coût astronomique de l’enregistrement. « Welcome To the Pleasure Dome » pesait déjà plus de 500 000 £ivres (600.000€) et cette fois nous avons carrément dépensé plus. Grosso modo la somme conjuguée des deux LP dépasse le million de £ivres.
Bon plan !
Heu…oui si l’on parvient à vendre assez de vinyles pour renflouer le gouffre de la production. Mais je crois bien que cela ira.
On dit que les rock-stars sont égoïstes, j’ai pourtant l’impression que tu penses souvent aux autres.
Il y en a bien d’autres qui pensent comme moi. Et il y a surtout ceux qui s’opposent à des tas de choses, spécialement en Angleterre où le fossé entre les classes sociales reste abyssal. Les travailleurs ne vivent pas vraiment comme les bourgeois à l’aube du XXIe siècle. C’est vrai dans tout le pays et c’est hélas encore plus crucial dans une ville comme Liverpool.
Et, bien entendu, papa Johnson n’y est pas banquier !
Bien entendu. Ma famille est une famille ordinaire d’ouvriers.
RÊVES
Au début, lorsque « Relax est sorti, il projetait une certaine idée de liberté totale pour le sexe et la vie en général. Maintenant, j’ai l’impression que tu as renoncé à ton côté « terroriste » de la liberté ?
Je n’ai pas vraiment changé : ma croyance dans une liberté extrême n’a jamais été entamée. Je ne renoncerai jamais au plaisir de s’amuser totalement. Mais désormais nous devons être beaucoup plus vigilants dans notre manière d’user de cette immense liberté, c’est tout. Je ne cherche pas à m’immiscer dans le plaisir des autres ni à empêcher quiconque de faire quoi que ce soit. La seule condition c’est de ne pas s’abîmer pour ne pas abîmer les autres.
Le message de Frankie c’est aussi : « Ragez dur ! »
Oui, car nous touchons à l’esprit humain. La vie quotidienne au jour le jour opprime cet idéal de liberté. « Rage Hard ! » c’est aussi : ragez contre le système des classes et ses remparts honteux ! « Rage Hard » c’est encore le subtil esclavage de la télévision qui fausse les cartes en imprimant un mode de vie tout à fait manipulé. C’est maintenant qu’il faut rager dur pour respirer un peu plus librement. Il faut savoir s’accrocher très fort à ses rêves pour atteindre tout ce qu’on souhaite. Mais lorsqu’on est môme, ce système nous pompe toute notre imagination. On nous apprend que seule une minorité peut gagner, moi je sais que c’est faux.
C’est ta manière de dire aux kids: Soyez tout ce que vous voulez !
C’est drôle. non, mais c’ est aussi toute la philo de la disco music depuis « Saturday Night Fever » : be what you want. C’est un peu plus niais, mais le message est le même.
Lorsque tu étais un petit Holly, rêvais-tu d’être une rock star ?
Je voulais être un personnage comme Bowie. Lorsque j’étais ado, Bowie était mon unique héros.
Es-tu un vinyl junky ?
Pas vraiment. Je raffole pourtant de tous les vieux trucs sixties de la Tamla Motown, le funk des 70’s avec Funkadelic/Parliament. T Rex aussi, comme Bowie et Edith Piaf ( Et Holly se met à chantonner « non non non je ne regrette rien…) Moi je ne regrette jamais rien d’ailleurs.
Quel serait ton Top 5 des maxis de Frankie ?
Numéro Un « The Power Of Love » puis dans l’ordre le remix US de« Two Tribes », le « Two Tribes » version carnage avec « War » en « B Side », le premier « Rage Hard », avec la voix de fille au début et enfin le tout premier « Relax », surnommé le « sex-mix ».
Quelle est la plus stupide question qu’on t’ait jamais posée ?
Celle-ci… (rire !)
Okay. Salut..
C’est dur de répondre à une telle question, car j’oublie facilement. Par contre je peux le dire que ce qu’on me demande le plus souvent c’est: « Où avez-vous péché un nom comme Frankie Goes To Hollywood ». Et je raconte mon anecdote sur le poster de Sinatra pour la xième fois«
WARRIORS
C’est comme un re-mix de FGTH, après l’acapella, voici la version instrumentale du Frankie Goes Tour, avec le reste du gang. Tony, le manager du groupe lance sa Ford vrombissante sur les routes scéniques du grand Londres pour me conduire jusqu’au hangar où ses Boys achèvent dans le plus grand secret de tester Frankie live. Brian Nash, le guitariste, Mark O’Toole le bassiste et Peter Gill le batteur ont une sacrée réputation de noceurs. Redoutées par la presse anglaise, leurs exactions diverses, à l’aide de capotes, Tampax et autres protections périodiques, sont entrées dans la légende. En Italie, ils se sont même offert une super mise à l’air culs nus, au détriment d’une des attachées de presse ZTT. Paillards et dissipés, les Frankie n’échappent pas à la légende rock. Au de-là du son, la punkitude reste aussi un état d’esprit. Scène sans public, le hangar est un espace confiné où les watts rebondissent sur les nombreux tags en faisant trembler les parois de bois. Je reconnais sans peine les premières mesures de «Werriors of The Wasteland », le nouveau single. Au tout premier plan. Mark frappe sa basse comme un karatéka. De temps à autre, il oublie son petit rictus de dur au coin de la lèvre pour engloutir une sucrerie pour mômes. Puis, d’un geste nerveux, il projette l’emballage sur une pile d’amplis. Peter, le cogneur, se confond dans ses 999 fûts et ses moustaches. On a du mal à se l’imaginer au volant de sa Ferrari (noire, hélas). Drum machines et véritables peaux de batteries s’accouplent sur le rythme disco rock flamboyant de « Warriors… » et c’est passablement torride.
Brian au fond s’applique sur sa guitare. Visage poupon, il est sans doute le plus cool du groupe après le délicieux Paul Rutherford, qui concilie astucieusement bavardage, drôlerie et actes-coups de poing américains. Frankie, le monstre pop gadgetisé par Trevor « Docteur Frankeinstein » Horn n’existe plus que dans l’imagination de certains rédacteurs rock. Et à ce propos, rappelons que « Liverpool » n’est PAS une production Trevor Horn. Live. il promet d’occuper tout l’espace de nos stades. Pour la tournée, le groupe s’est d’ailleurs adjoint un petit O’Toole, guitariste supplémentaire, le frère de Mark et un claviers. Le résultat est assez décoiffant. Dans un coin. John le roadie français bombe des « Fragile », au pochoir, sur des flying-cases. Lyonnais et déçu par l’hexagone, il ne mange plus que des fish and chips. Damned. ! Le morceau achevé, je retrouve les Frankie et leurs vannes grivoises. Branchés cul et petits pois – leur expression préférée en français-, ils se débarrassent vite de leur côté star amidonnée et tête à claques. Les FGTH sont de braves gars et leurs délires ne sont guère plus terribles que ceux des Stones, des Who et des Beatles de l’époque. L’éthique rock n’a, sans provoc ni capote gonflée, plus aucune raison d’être. Et si Frankie vous gonfle avec ses capotes. C’est que vous n’avez vraiment rien compris au show. Frankie says: « Use a Condom », c’est peut-être mégalo, mais celles de Sinatra sont bien parfumées au whisky. À la vôtre !
Publié dans le numéro 223 de BEST daté de février 1987