LA NOUVELLE VAGUE ORIENTALE DE MINIMAL COMPACT

 

 

Minimal CompactVoici exactement 30 ans, en mars 1986, pour BEST, je tendais mon micro à un authentique allumé : Samy Birnbach, l’âme de la formation expérimentale Minimal Compact. À cheval entre la Belgique de leur label Crammed Discs et Israël, leur base arrière, les Minimal Compact savaient subtilement mêler la chaleur de leurs racines orientales au souffle glacé de la New Wave, comme le feu fait parfois fondre la glace. Rencontre avec Samy Birnbach, après son concert, dans les backstages forcément underground du Rex-Club.

C’était un peu après la sortie de l’album « Raging Souls » (voir kronik https://gonzomusic.fr/minimal-compact-raging-souls.html), sans doute l’album le plus abouti de Minimal Compact. Produit par Colin Newman qui était également signé en tant qu’artiste sur Crammed et qui avait réalisé les LP des Virgin Prunes, « Raging Souls » sous sa pochette arty signée Russell Mills ( graphiste des Cocteau Twins, Japan et autres Nine Inch Nails) est un sacré album aussi attachant qu’expérimental, à l’image de ce concert d’il y a trois décennies dans ce Rex-Club si bas de plafonds où s’est soudain abattue toute la puissance de cette nouvelle vague orientale. J’ajoute qu’en ce tes temps- reculés, Samy Birnbach avait encore une chevelure, ce qui n’est hélas plus le cas aujourd’hui 😉

 

Publié dans le numéro 212 de BEST sous le titre :

Minimal Compact by JY Legras

Minimal Compact by JY Legras

 

MINIMALISME

Catacombes ou Notre-Dame? Ce soir, le Rex Club est un drôle de sanctuaire-rock. Jeunes gens vêtus de spleen se pressant contre les portes d’acier; sourires figés et chevelures qui défient les lois de Newton, les aficionados virulents de Minimal Compact rappellent étrangement le premier public de Cure. Extase, ferveur, passion, curiosité, Minimal dérange les mentalités trop ordonnées et l’indifférence vole en éclats.

Sur scène, la voix de Samy Birnbach s’élève au-dessus du brouillard synthétique comme un râle optimiste, comme un rire aux frontières du morbide. Noir. Blanc. Monochrome. Elle emporte les âmes, comme le Charon de la mythologie, au confluent de l’Europe et de l’Asie. Oum Kalsoum et Ian Curtis ont dû copuler comme des déments pour produire un tel rejeton: inclassable. Samy et ses sbires ont des racines ancestrales qui remontent au sacrifice d’Isaac. La nuit des temps s’empare du rock and roll pour l’illuminer d’un nouvel halo. After show, Samy attaque un bloc de foie gras et répond aux questions de BEST dans un parfait imbroglio de français et d’anglais:

« La musique de Minimal Compact est très orientée Orient.

Oui, d’une certaine façon. J’écris tous les textes et nous composons ensemble. L’Orient, c’est notre instinct. Ça sort comme ça de nos têtes, sans calcul. Jusqu’à l’âge de quatorze ans, j’ai grandi en Israël avant de voyager un peu partout en Europe; Suisse, Autriche, France, Grande-Bretagne, Hollande.

En 79, l’album de Rami Fortis, le guitariste de MC, est sorti en Israël chez CBS. Tu écrivais ses textes. Était-il le premier punk israélien?

Non, pas exactement punk. Le rock était basique, même si le côté provoc’ avait pour l’époque une certaine consonance avec le punk. Pour le public hébreu, nous étions alors simplement fous.

Comment se déroulaient les concerts?

Un soir, nous avons joué au Philharmonie House Orchestra. Tous les gens ont été absolument choqués. Il y avait des tomates, des pommes de terre, des carottes … mais pour une fois c’est le groupe qui les balançait sur le public, histoire de changer un peu. Le public a pu faire la soupe. Rami est devenu un monument, mais plus personne en Israël n’a voulu prendre le risque de nous programmer sur une scène.

Aujourd’hui vous inventez un nouveau rock européen.Raging Souls

Oui, tout à fait, l’Euro-rock contre le lamentable rock british. Sauf Joy Division, qui était un groupe génial, sans frime et bourré de feeling, sans aucune concession à la mode. Ce que New Order a fait plus tard n’était pas acceptable, même si je reconnais en « Blue Monday » un joli succès de club.

On vous compare aussi aux Talking Heads.

David Byrne est un sacré charmeur. Je l’aime des tout débuts jusqu’à « Remains ln Light ». Des Talking Heads d’aujourd’hui, je n’aime hélas que quelques chansons.

Que racontes-tu dans les textes de Minimal?

Un peu de tout, des histoires personnelles sur la relation entre les êtres. « Raging Souls », notre dernier LP est de loin le plus romantique. C’est l’AMOUR, mais les deux faces de l’amour, le côté chiant et le côté extase.

C’est important que les gens comprennent tes textes?

Oui, pour certaines chansons. Ça dépend, certains titres ne sont que des flashes atmosphériques; des instantanés où se mêlent l’anglais, l’hébreu, le français, l’irakien pour jouer sur les diverses sonorités. Si elles sont aussi différentes entre elles, c’est que j’ai l’angoisse de l’ennui. La routine me fait flipper. Voilà pourquoi rien n’est jamais définitif dans Minimal Compact. Souvent, sur l’instant, les textes sont modifiés pour saisir un moment privilégié. C’est une façon de dépasser les mots pour se libérer. Mon critère à moi, c’est de rentrer en transe. Si elle est totale, alors c’est gagné. »

Minimal Compact brouille autant les cartes que ses nationalités. Le groupe refuse les étiquettes de « politiques », torturés » et tout ça … que lui colle Libé. Il n’y a pas que cela dans la vie, Minimal c’est la même chose. L’homme est peut-être un givré politisé, il n’en reste pas moins irrationnel. Samy Birnbach incarne ce no man’s land qui existe en chacun de nous.

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