BOB MOULD « Here We Go Crazy »
Je l’avais enfin interviewé pour BEST en 1989, cependant Bob Mould était depuis l’aube des 80’s mon autre héros du rock de Minneapolis après Prince, avec ses explosifs Hüsker Dü, bien avant les Replacements ou même Soul Asylum. Bob publiait alors « Workbook », son tout premier LP solo aux éditions Virgin. 36 ans plus tard, le chanteur-guitariste ardent song-writer nous offre en guise de divine surprise ce « Here We Go Crazy », le 15ème album solo d’Oncle Bob, au rock vibrant aussi insurgé qu’écorché, hanté par le tumulte et le combat contre le chaos de l’Amérique de Trump.
Pour ceux qui auraient pu l’oublier, il faut rappeler que lorsque Hüsker Dü, la formation de Bob Mould ( Voir sur Gonzomusic BOB MOULD “Workbook” Mort à 56 ans de Grant Hart, co-fondateur de Husker Dü et aussi BOB MOULD LE DUR D’HUSKER DÜ ) apparait à l’aube des 80’s, non seulement son rock énervé ne ressemble à aucun autre, mais surtout il ouvrira la voie à des groupes de rock cruciaux comme ses concitoyens des Replacements ( Voir sur Gonzomusic MINNEAPOLIS ET LE PARC PSYCHÉDÉLIQUE DE PRINCE : ÉPISODE 3 et aussi DISPARITION DU GUITARISTE DES REPLACEMENTS ) et Soul Asylum ( Voir sur Gonzomusic MINNEAPOLIS ET LE PARC PSYCHÉDÉLIQUE DE PRINCE : ÉPISODE 3 , SOUL ASYLUM “Hang Time” et aussi SOUL ASYLUM PREMIER LIVE IN PARIS ), mais aussi à Nirvana ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Nirvana+Kurt+Cobain ) dont le leader Kurt Cobain n’a jamais caché toute l’admiration et surtout l’inspiration qu’avait pu avoir la punkitude de Mould sur sa propre musique. D’ailleurs, ne dit-on pas que Mould a inventé le grunge avant le grunge ? Quatre décennies plus tard, notre minneapolitain déraciné dans le désert Californien prouve, avec le bien nommé « Here We Go Crazy », qu’il n’a rien perdu de sa « rebellitude » et que son chaos sonique peut constituer un solide antidote au chaos ambiant permanent généré par le 47ème POTUS et sa clique de mauvais garçons blancs, machistes, homophobes, cupides et racistes. En tout, 11 brûlots intenses servent de pare-feu à cette Amérique schizophrène, en totale urgence de titres qui filent à cent à l’heure, et dont le plus long ne dépasse les 3 minutes que de… 7 secondes !
Respect ! Bob Mould a enregistré et produit « Here We Go Crazy » – son premier album depuis « Blue Hearts » en 2020 – au studio Electrical Audio de Chicago avec sa fidèle section rythmique, le batteur Jon Wurster et le bassiste Jason Narducy, qui se joindront également à Mould lors d’une tournée de printemps dans la foulée de la publication de cet explosif nouvel album. Et tout démarre par l’irrésistible chanson-titre, aussi sombre qu’intense, riche de toute cette rage accumulée par l’ex-leader d’ Hüsker Dü puis de Sugar, sachant que cet « Here We Go Crazy » sous ses airs de cool rengaine rock guillerette colle parfaitement à la folie ambiante du trumpisme, comme la camisole de force maintient si bien le forcené. Puis, avec « Neanderthal », on retrouve le rythme de croisière des guitares pulsées, au speed si frénétique, qui sont la marque de fabrique de Mould. Quant à « Breathing Room », elle est hantée par une problématique souvent présente dans l’œuvre du natif de l’état de New York : la perte de l’innocence. Cependant, ce sentiment d’étouffement, de manquer d’oxygène, résonne aussi en écho du climat actuel de chasses aux sorcières, contre les fonctionnaires, les minorités, les LGBTQ+ y compris dans l’usage des mots, dont certains sont désormais bannis des sites officiels, preuve que 2025 est peut-être bien le nouveau 1984. Retour vers le futur du post-grunge, avec l’énergique « Hard To Get », avant de poursuivre en haute intensité avec la venimeuse « When Your Heart Is Broken », portée par son riff irrésistible et tonique à la signature si Mouldesque, sans doute un de mes titres préférés. Puis le speed frénétique se poursuit avec « Fur Mink Augurs », aux guitares amphétaminées assénées comme autant de coups de masse vindicatifs. Avec la sentimentale « Lost Or Stolen », on se rapproche presque d’une ballade acoustique voix guitare, lorsque la destroyée « Sharp Little Pieces » explose dans la désintégration des guitares ultra saturées d’oncle Bob. Aussi sauvage que sur les nerfs, « You Need To Shine » compte aussi parmi mes chansons les plus cruciales de l’album, tout comme la puissant et incantatoire « Thread So Thin », portée par la guitare si identifiable de Mould, un titre qui n’a pas fini de vous vriller les neurones. Puis, le trip dans le désert cali s‘achève sur la ballade amoureuse et mélancolique, presque optimiste même, « Your Side » où sa voix émotionnelle finit enfin par tout casser aux deux tiers du morceau. Vous l’aurez compris, avec ce nouvel album, il existe moult raisons de succomber à Mould et l’insurrection anti-Trump est loin d’être la moindre.