THE MONEYGOROUND : LE “TOMMY” SECRET DES KINKS
C’est un opéra-rock méconnu qui ressurgit 50 ans après sa sortie, « Lola Versus Powerman and the Moneygoround, Part One » est aux Kinks ce que “Tommy” était aux Who … mais bien moins médiatisé et avec un personnage unique qui doit autant à Ray Davies que Tommy à Pete Townshend. Pour célébrer le demi-siècle de ce précieux LP, le leader des Kinks a composé et écrit un « one man show opera rock » avec le dramaturge Paul Sirett et confié le rôle central au chanteur/ musicien/ acteur Ben Norris, juste époustouflant tout au long de ce spectacle de 60 minutes diffusé en exclu sur YouTube.
“Although the streets are empty we are not alone”, entre pandémie et confinement “Anytime” des Kinks parait juste prophétique. Pourtant la chanson, sur ce huitième album-studio des Kinks fête ses 50 ans ces années. Pour célébrer ce demi-siècle « Lola Versus Powerman and the Moneygoround, Part One » ressort boosté de versions inédites de ses hits « Lola » , « Anytime » ou « Apeman » doublé d’un opéra-rock version one man show diffusé vendredi sur le net. Et tout commence par une brune aux cheveux longs cuir noir, images noir et blanc d’un Londres de 2020 désert en écho à la « Lola » des Kinks. « We are not alone”, dit elle. “Anytime you are down, I’ll be there to see you through…”. Cette chanson de 71 résonne en miroir de 2021 où nous sommes confinés depuis des mois. Les paroles en vidéo défilent sur de brillantes images d’archives des Kinks et animation de l’homme de Vitruve de De Vinci qui illustre la pochette de « Lola Versus Powerman and the Moneygoround, Part One ».
On suit la brune mystérieuse, qui pénètre au mythique studio Konk des Kinks, caresse négligemment en passant de la main une flight-case marquée The Kinks. Et ensuite, direction le cabaret « Le chat noir « ( sic !) pour un « Lola » version dessin animé cartoons 60’s d’aventures irrésistibles où la belle boit du champagne en séduisant. So cool so kitch… « The Moneygoround, a play for one actor » (une pièce à un acteur) a été écrite à quatre mains par Ray Davies et le dramaturge Paul Sirett ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/le-grand-retour-de-la-lola-des-kinks.html ), mais le plus bluffant reste l’incroyable performance de comédien, de chanteur et de musicien Ben Norris qui incarne non seulement la voix, mais aussi l’âme de Ray Davies. Et dès le premier medley, il s’accompagne au piano électrique pour interpréter avec brio les plus grands hits des Kinks. Tout d’abord “Tired of Waiting For You” vocalisée de sa voix angélique ; puis “You Really Got Me” si puissant et martelé au piano. Dans la foulée, il enchaine “All Day and All of The Night” et enfin “Set Me Free” … juste sublime !
Puis, Norris monologue à la première personne du singulier, comme s’il était Ray Davies, expliquant qu’à cette époque, au tournant des 70’s, au lieu de se concentrer sur ses chansons, il s’était retrouvé forcé de mener au tribunal un long et inégal combat juste pour conserver les droits… de ses propres compositions: « Vous croyez que c’était facile de composer ces hits ? » s’interroge-t-il avant de poursuivre, « Non, cela n’a jamais été facile. Et pendant 5 ans je me suis battu de procès en procès. Et cela finissait par peser lourdement sur ma créativité. »
La pièce mêle habilement chansons et monologue. Notre héros s’adresse à la cour : « Je n’ai jamais voulu m’enrichir Votre Honneur. Mais je ne voulais pas mourir étouffé par la dictature du « recoup » ( des avances) dû aux maisons de disques ( Des années durant les labels dépensaient sans compter pendant l’enregistrement de leurs artistes… puis leur refacturaient ces « avances » en retenant leurs royalties jusqu’à ce qu’ils aient récupéré leur investissement. Johnny Hallyday était ainsi des années sur la paille, tout juste salarié de chez Phillips, dépensant plus qu’il ne gagnait : NDR) Tout ce qu’il me fallait c’était de composer un tube. Je voulais trouver un son neuf, mais je ne savais pas quoi. Mon père m’a conseillé de mettre du banjo. ». Puis il évoque sa femme et ses deux jeunes enfants, qui rajoutaient du stress à son stress pour nourrir sa famille. « Malgré tout notre succés, on était quasi en faillite. Et, pendant ce temps-là au tribunal, il y avait ces débats sans fin sur le point de savoir qui détenait les droits de mes propres chansons. Tout semblait si simple lorsque nous avons commencé… » Des documents et des photos de l’époque illustrent le bien nommé « Got To Be Free » inspiré par cette situation pesante.
« J’étais tellement soulagé, lorsque le juge a jugé infondées toutes les charges qui pesaient contre nous. Mais on nous a poursuivis à nouveau, mais cette fois aux USA. Tout ça pour un contrat que j’ai signé alors que je n’avais que 18 ans et mon jeune frère 16 ans. Je ne pouvais pas imaginer toutes les galères qui découleraient de ce fichu bout de papier. J’avais signé avec un type à Londres qui m’avait persuadé qu’on ferait un maximum de blé. Il nous a envoyés aux USA … sans contacter le puissant syndicat des musiciens américain… qui nous a mis direct à l’index, nous interdisant de jouer dans tout le pays ». Retour à Londres encore plus fauché. Pour sauver les Kinks de la banqueroute, il doit à tout prix créer un nouveau son et c’est ainsi qu’en se promenant à Tottenham Court Road, il tombe en arrêt devant une en vitrine où étincelle cette sublime Dobro National Steel guitar éblouissante. Ce sera elle Lola ! Il raconte alors comment il a vaincu son blocage d’auteur coincé entre le stress des procès et le stress de pourvoir aux besoins de sa famille pour créer la sublime pop song ultime : « Lola ».
« This time tomorrow where will be on a spaceship somewhere…” chante-t-il , c’est “This Time Tomorrow”, cool song interprétée face à un décor de ciel étoile qui sert d’écrin à ce bijou de composition. Tout au long du show se mêlent la voix de Ben Norris et les chansons originales des Kinks, comme ce puissant « Powerman ». Il évoque également les endroits sordides et cheap, où son agent américain l’a convié, comme l’obsession de l’argent des cabinets d’avocat à NY qui lui a justement inspiré la chanson titre « Moneygoround ». Puis c’est au tour de l’autre hit majeur du LP « Apeman » de résonner mixé aux Kinks originaux, avant de nous éblouir d’une cinglante « Lola »… en version acoustique. Ray Davies voulait un mega-tube dans son histoire… et bien le voilà incontestablement , telle est la morale de l’histoire. 50 ans après sa sortie, ce show est juste une révélation, un « Waterloo Sunshine » juste… éblouissant !
Le Moneygoround des Kinks est encore dispo au lien suivant… mais ne trainez pas à cliquer car il devrait très vite disparaitre