CAT STEVENS “Tea For The Tillerman 2”
J’ai du mal à l’écrire… 50 ANS … 50 ans après sa sortie, le sublime “Tea For The Tillerman” revient mais loin d’être une simple réédition, l’album a été intégralement ré-enregistré, ré-orchestré et ré-inventé, toujours avec la complicité du fidèlissime Paul Samwell-Smith, et l’on se dit que seul un magicien tel que Yusuf/ Cat Stevens pouvait avoir une idée aussi belle et aussi craquante.
C’est comme retrouver un très vieil et fidèle ami, perdu de vue depuis longtemps et qui aurait vieilli autant que nous. Un demi-siècle s’est écoulé depuis la sortie de son « Mona Bone Jakon » illuminé par le magique « Lady d’Arbanville » publié en avril 1970, et à peine six mois plus tard, le 23 novembre 1970, Cat Stevens nous éblouissait à nouveau avec un LP encore plus beau, encore plus puissant et encore plus addictif, le sublime “Tea For The Tillerman” porté par ses hits imparables, « Wild World », « Sad Lisa », mais aussi la délicate « Where Do the Children Play » et le bouleversant « Father and Son ». Comme le Pink Floyd « Dark Side of the Moon » plus tard ou encore le Neil Young “Harvest”, “Tea For The Tillerman” figurera en bonne place dans la plupart de nos discothèques de teen-agers, accompagnant nos booms et nos périples, rythmant carrément nos vies. Alors, redécouvrir aujourd’hui en 2020, cet album mythique, mais de manière alternative puisque toutes les chansons ont été à nouveau ré-enregistrées chez nous en France au studio La Fabrique à Saint Rémy de Provence. Et écouter à nouveau ce « Thé pour le timonier 2 » revisité est une totale émotion. Entouré de musiciens hors pair et par son producteur si fidèle Paul Samwell-Smith, Yusuf/ Cat Stevens a re-imaginé avec tout le prisme de sa sagesse – Steven Demetre Georgiou est agé de 72 printemps, il en avait 22 à l’époque !- ce qui constitue sans doute son meilleur album. Et dés le premier titre, « Where Do the Children Play » la magie opère. Certes, la voix est plus burinée que celle du jeune Cat, le rythme est encore plus délicat et l’on ne peut s’empêcher de chanter à l’unisson ces paroles qui ont su autant marquer nos consciences de manière si indélébile. « I know we’ ve come a long way/ We’re changing day to day” et ces mots prennent soudain ici tout leur sens. Même sensation avec la suivante « Heart Headed Woman », sans doute empreinte d’une nouvelle mélancolie et d’un incontestable blues vibrant pour faire battre nos cœurs.
Par contre, avec « Wild World » c’est un choc culturel, l’ami Yusuf la téléporte entre Kurt Weill modèle « Opéra de Quat’ sous » et l’âme klezmer d’un violon échappé sur son toit, anyway une adaptation bien fun ! C’est ensuite le retour d’une vieille copine : « Sad Lisa », qui est naturellement toujours aussi triste à nous faire pleurer des rivières. L’un des slows-braguette de nos 70’s se laisse porter par le courant des somptueux arrangements de violons tracés par Paul Samwell-Smith. Cependant une faiblesse, une fêlure peut-être se fait entendre dans sa voix et le spleen n’en est que plus intense. « Miles From Nowhere » encore plus dépouillée, un poil ralentie, n’a guère changée. « Lord my body has been a good friend » chante-t-il, et à nouveau ces paroles de jeune Cat n’en sont que plus prophétiques lorsque soudain, le rythme s’accélère, et le vieux Cat déploie une lumineuse énergie qui nous emporte aux confins de… la country-music, carrément sublime ! Entrainée par des violons jusqu’aux confins de l’orient « But I Might Die Tonight » navigue entre « les mille et une nuits » et l’Inde. Plus folky que jamais, « Into the White » nous enveloppe de blanc avec son manteau neigeux. Mais c’est avec « On the Road to Find Out » totalement bluesy que Yusfuf prend sans doute le plus de liberté avec le lui-même d’il y a 50 ans. On croirait un vieux standard du blues du bayou, interprété sur le porche d’une cabane et c’est juste saisissant. Mais il faut compter avec la plus cinglante réussite de toutes ces chansons réinventées, « Father and Son ». Déjà, la version originale fait aisément monter les larmes aux yeux, mais là c’est franchement stratosphérique puisque le jeune Cat tient le role du fils avec les vocaux de 1970 tandis que le vieux Cat chante avec sa voix d’aujourd’hui sur un lit d’arrangements veloutés concoctés par son brillant producer. Et dans ces temps troublés, masqués, distanciés ce dialogue vieux sage/ jeune con prend ici un sens tout particulier et si contemporain. Enfin, ce joyeux parcours à remonter le temps s’achève sur la fugitive chanson-titre de 58 secondes et l’on ne peut s’empêcher de remettre une pièce dans le juke-box pour écouter à nouveau ce joyau si familier et pourtant si distinct. Choukran Yusuf Islam
Encore une fois , très belle et sensible chronique mon cher GBD ! Qu’il est agréable de te lire car l’émotion que me provoqua , tout comme toi, à l’époque Cat Stevens devenu Yussuf, est magnifiée par le temps et sa voix même burinée et les arrangements sont proprement d’une grande classe ! Alors bravo au vieux sage ! Merci de nous le rappeler. Belle fin de jour et des bises. P.