SAINT JULIAN COPE

 

Julian Cope 

Voici 30 ans dans BEST, GBD, accompagné par le fidèle Legras, rencontrait à nouveau Julian Cope, son héros absolument allumé de la nouvelle scène de Liverpool. Le chanteur des Teardrop Explodes s’était auto-canonisé avec ce son troisième LP solo, baptisé « Saint Julian », où il campait un improbable et tout aussi vaporeux messie rock, au sens « Tommy » du terme. Normal, l’ami Julian n’avait-il pas gobé un nombre astronomique d’acides qui l’ont incontestablement laissé scotché ? Flashback…

 

 

Julian Cope by JY Legras

Julian Cope by JY Legras

À l’aube des années 80, quatre groupes anglais focalisaient tous nos espoirs d’un renouveau rock U2, Cure, Echo & the Bunnymen et the Teardrop Explodes. Trente ans plus tard, seuls U2 et Cure ont survécu. Pourtant Echo et Teardrop avaient un potentiel équivalent. Erreur de management ? Abus de substances  hallucinogènes ? Ou tout simplement la faute à pas de chance. Pourtant si Julian Cope semble avoir glissé dans une dimension parallèle, il n’a jamais jeté l’éponge. Après bien des déboires avec les majors (Mercury, Island, American Recording) Cope le rebelle a décidé de leur dire « fuck off »   avant de voler de propres ailes indés et à raison d’un album par an, il continue inexorablement à réinventer son rock décalé sur son propre label Head Heritage. Parallèlement, Julian Cope s’est également affirmé en tant que musicologue réputé, s’imposant en tant qu’expert du rock planant made in Germany, également baptisé Krautrock. Également très branché par le paganisme, il a publié des ouvrages de référence consacrés aux monuments païens, comme Stonehenge. En fait, Saint Julian était un druide qui s’ignorait. 😉 Après la chronique de l’album publiée dans le BEST 225 ( voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/julian-cope-saint-julian.html ) voici dont l’interview…

 

Publié dans le numéro 231 de BEST sous le titre :

 

LE SAINT

Saint Julian 

Le soleil des 80’s venait tout juste de pointer, le pavillon noir flottait sur les ondes FM parisiennes et ma radio pirate, Radio Ibre 88.8 balançait ces albums nouveaux, bandants et psychédéliques. D’abord le « Boy » de U2, puis le « Crocodiles » d’Echo and the Bunnymen et enfin sans doute le plus déchiré de tous « Kilimanjaro » des Teardrop Explodes qui culminaient aux confins de l’halu. Un an plus tard, aux Bains-Douches, pour la sortie de « Wilder, le second LP des Teardrop, Julian Cope particulièrement cassé agite la scène parisienne d’un rock écorché au croisement des Doors et des formations acidées de la légendaire compile « Nuggets ». Hélas, si les Echo and the Bunnymen, leurs concitoyens de Liverpool, réussissent à survivre, lesTeardrop explosent et Julian, leur leader s’en va solo produire quelques galettes fumeuses. En 86, le style Cope semble s’imposer, mais sans Julian, et avec des groupes comme les Mighty Lemon Drops. C’est à ce moment, justement, que l’ex-leader des Teardrop décide enfin de s’éjecter de sa retraite pour balancer son irrésistible hit intitulé « World Shut Your Mouth ». La Taupe 20 british en est toute éblouie et le sourire narquois de Julian s’étale alors chez tous les dealers de vinyle. Sur l’album « Saint Julian», sorti dans la foulée, on voit carrément JC crucifié dans une casse de  bagnole. Symbole de décadence ? Fièvre tardive et poussive de la foi ? Sincère…ou pas ? Après son dernier gig hexagonal au Printemps de Bourges, j’avais tant de questions a poser à Julian !

« « World Shut Your Mouth » était déjà le titre d’un de tes albums solos publié en 84; Julian radoterait-il ?

J’aime assez me répéter. C’est mon refus de devenir un artiste rock évolutif qui me pousse en avant. Les Doors ou Love n’ont jamais changé d’un iota. À quoi cela sert-il de progresser ? ll suffit d’être capable d’articuler.

Sur ton LP précédent « Fried » on te découvrait nu sous une carapace de tortue; qu’en pensait le docteur Freud a l’époque ?

«Fried » était un album très déprimant ; il m’a fallu un certain temps pour m’en remettre. Ma vie d’alors ressemblait à la pochette du disque . Je ne sortais plus jamais de chez moi et ma tête était toute chamboulée.

Tu buvais, tu te défonçais ?Julian Cope

Oui, j’avais pris dix fois trop de LSD et ma tête a explosé. Je ne pouvais même plus parler. J’arrivais encore à réfléchir, mais vaguement, et au niveau de l’expression c’était zéro.

C’était J.C. Shut Your Mouth l

À cette époque, sans doute. Aujourd’hui je suis à la campagne, à Tamworth, un bled des Midlands où je vis entouré d’arbres, de fermes et de vaches. Ça ne m’empêche pas, contrairement à mes contemporains, de faire de plus en plus de bruit. J’ai aussi compris que ma musique, mes doigts et ma voix pouvaient rester acides sans que ma tête soit fatalement démolie.

Parlons de Saint Julian, quanta-t’il été canonisé ?

Saint Julian, c’est le nouveau prophète, un prophète bidon. Il n’a aucune réponse à apporter, alors il se contente de faire semblant. Il rencontre Dieu dans un centre commercial et lui demande de régler tous les problèmes du monde. Saint Julian c’est toute la force de l’ironie, un héros rock et mélodramatique.

À l’époque de Teardrop Explodes tu étais proche de certains groupes comme U2, Echo ou the Mighty Wah, est-ce encore le cas aujourd’hui ?

Non. J’ai l’impression que mes trucs ont pu aider certains jeunes groupes, mais je doute qu’ils aient tout compris. Je pense aux Mighty Lemon Drops par exemple qui auraient pu tout aussi bien s’appeler The Bunnymen Explodes ! Wah ! Il y a un côté militant dans les chansons qui leur échappe totalement. Si la fin du monde devait survenir, je ne serais pas inquiet. Après l’apocalypse, il restera forcément quelque chose. Nous tendons tous irrémédiablement, mais surement, vers la mort. C’est pour cela que la vie est une bataille. Moi je suis un râleur éternel et je n’ai qu’un message à lancer au monde c’est… « nous sommes tous coupables »« 

Si Julian ne tripe plus, il marche désormais au speed des expressos non sucrés. Toute la journée, il avale ses petites tasses de boue noire. D’ailleurs, sur scène, Julian est franchement agité. Il s’est fait construire un pied de micro perchoir  indestructible et sur mesure, car lorsqu’il prenait son pied ( Gag !!!) aucun ne  pouvait résister. Julian se balance d’un bout à l’autre du gig dans ses pantalons de cuir noir. Héroïque, comme le Silver Surfer, les poings serrés, il s’offre même des reprises de Père Ubu et des l3Th Floor Elevator. Plus J.C. que,J.C, Julian est peut-être un piètre messie, mais son rock est incontestablement une véritable résurrection.

Publié dans le numéro 231 de BEST daté d’octobre 1987

 

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