UNBURYING THE GEMS : STINA NORDENSTAN
C’est sûr et certain, Stina Nordenstam est très largement moins médiatisée que les gonzesses d’Abba ou la cool Nina Persson, la chanteuse des Cardigans, mais c’est justement ce qui fait de Stina Nordenstam un de ces « joyaux cachés » qu’affectionne tant l’ami Ramon Pipin. En six albums la brune suédoise aura su envouter quelques connaisseurs avant de disparaitre aux abonnés absents depuis vingt ans, depuis on la surnomme Stina Tourneur 🤓.
Par Ramon PIPIN
Voici certainement l’une des artistes les plus singulièrement talentueuses ayant jamais foulé, et de manière bien trop éphémère, les allées de la musique : Stina Nordenstam. C’est une jeune suédoise de 22 ans, qui sort son premier album « Memories Of A Color » en 91, où s’exprime sa culture jazzistique (héritée de la collection de 33 tours de jazz de son papa : NDREC) et l’influence de Billie Holiday suivi de « And She Closed Her Eyes » en 94, qui sera consacré meilleur album suédois de tous les temps en 2013. Et c’est un choc en effet ! Aux confins du jazz et de la pop, sa voix si fragile est en même temps parfaitement maîtrisée. C’est presque un souffle, d’une intimité prenante, d’une justesse parfaite et d’une portée émotionnelle qui ne s’oublie pas, immédiatement reconnaissable. Elle a de plus signé toutes les chansons aux mélodies somptueuses et aux arrangements de sa plume, avec la présence de la trompette de Jon Hassel et d’un chœur d’enfants. C’est un album extraordinaire, qui tranche dans les sorties de cette année 1994, Oasis, Blur ou Nirvana. De la musique d’extra-terrestre qui vous emporte en frissonnant.
Elle enchaîne avec « Dynamite » où elle triture ses sons de guitare et ses rythmiques en un opus déroutant puis « People Are Strange », un album de reprises (Doors, Prince, les Everly Brothers ou Leonard Cohen) d’une incroyable audace : on reconnaît à peine les œuvres originales. Suivront 2 autres LP : « This Is Stina Nordenstam » puis « The World Is Saved » en 2004, featuring Brett Anderson de Suede, aux accents plus pop et apaisés. Et depuis 19 ans donc, c’est le silence radio et la disparition, l’une des plus troublantes de l’histoire du rock, comme Richey Edwards des Manic Street Preachers ou Teddy Vrignault des Frères ennemis. Ses chansons, à la fois douces et terribles, peuvent vous hanter lorsqu’on entre dans cet univers feutré et troublant. Je recommande vivement de prendre son visa, mais le voyage est addictif et ses textes souvent morbides et mélancoliques ne prêtent pas à la gaudriole. Elle a, c’est évident influencé beaucoup d’artistes, collaboré avec Vangelis, Yello et Mew ainsi que Nine Horses, le groupe de David Sylvian et Steve Jansen mais sa voix nous manque terriblement. Mutique, refusant la promotion, hantée par ses problèmes psychiatriques autistiques qui semblent malheureusement avoir pris le dessus sur sa carrière artistique, Stina Nordenstam demeure incontestablement une très grande.