U2 « October »
Voici 41 ans dans BEST GBD succombait à nouveau à la séduction rock de U2. Après le vibrant « Boy » qu’il avait matraqué sur les antennes des radios pirates, « October » le second LP des Irlandais tenait toutes ses promesses et bien plus encore. Quatre décennies plus tard ce joyau rock n’a pas fini de briller preuve que décidément les diamants soniques sont éternels. Flashback…
Qui aurait parié que 41 années plus tard U2 demeurerait toujours aussi crucial sur la scène rock. Bono n’avait alors que 21 ans, the Edge seulement 20 ans et sur la pochette de ce second 33 tours ils avaient tous des têtes à avoir séché le lycée pour filer à leur local de répète. Cependant, preuve qu’« October » n’a pas pris une ride, les hits tels que l’héroïque « Gloria », la puissante « I Fall Down » ou la contemplative « October » n’ont rien perdu de leur urgence et de leur énergie si communicative. Si seulement nous étions aussi préservés qu’eux…
Publié dans le numéro 160 de BEST sous le titre :
L’AUTOMNE À DUBLIN
Lorsque j’ai découvert la cassette du nouveau U2 sur le bureau de Christian, Lebrun j’ai bien failli sauter par la fenêtre du penthouse de Best. Dès « Boy », leur premier LP, ces quatre Irlandais vomis du néant sont parvenus à s’imposer à la vitesse du son. Normal, ils en ont aussi la parfaite maitrise. Ce groupe de Dublin a su créer une sonorité parfaitement identifiable : la voix mi-ange, mi-démon de Bono monte et descend comme un volatile pur et sauvage, tandis que l’incroyable petit riff de guitare de the Edge titille nos membranes avec aisance. Si U2 parvient à s’imposer aux States, alors que Orchestral Manœuvres hélas, encore est toujours dans le pudding, c’est grâce à ce petit riff de « I Will Follow » qui tremble comme une feuille sous le vent d’automne. Le portrait sonore de U2 ne serait pas complet sans mentionner le jeu très particulier de Larry : une batterie sèche et énergique qui frappe comme un cœur essoufflé par un trop long effort. Avec The Teardrop Explodes et Echo and the Bunnymen, U 2 a démarré un soudain flashback vers une sensibilité musicale que l’on croyait disparue depuis que les Doors s’étaient refermés. Si U2 a sans conteste la fraicheur et le côté préservé du petit garçon qui illustrait la pochette de son premier album, c’est grâce a une pureté cultivée par le jeu des contrastes.
U2 joue à fond sur une dualité que l’on retrouve dans son titre même : U2, l’avion espion de Francis Gary Powers, les yeux et les oreilles de l’Amérique face à la menace communiste du début des sixties, une sorte de crainte presque occulte et U2 = You Too, toi aussi, l’espoir par la communication, l’ouverture. Si « Boy » pouvait symboliser la naissance, « October » est le signe d’une maturité rapide et surtout cohérente. D’un bout à l’autre, l’album est construit avec beaucoup d’harmonie, sans excès ni remplissage. « October », sans être cérébral, est un disque intelligent : une musique simple pour la tête, qui sait faire vibrer vos artères par une détresse, par un cri lové dans un accord. U 2 a la classe d’un haut sommet, une montagne aux neiges vierges qui crève la couche des nuages pour renvoyer l’éclat du soleil. C’est de la musique d’âme, ce qu’on appelait jadis de la soûl, mais cette fois, elle est blanche. En fait, U2 est peut-être tout simplement en train de réussir le pari râlé par les nouveaux romantiques : trouver une musique blanche et dansante, qui soit une adaptation de la musique noire et non une traduction. U2 ne se contente pas d’adapter, il crée dans une sensibilité étymologiquement romantique un son rock et majestueux qui ne sacrifie pas l’esthétisme à la mode. D’ailleurs, pour cibler U2, moi je crois qu’il est à Lord Byron ce que « Saturday Night Fever » est à Spandau Duran Nouveaux. Octobre, l’automne trace un pont vers l’hiver. Cette année. « October » en sera un pilier, ou l’hiver ne sera pas…
Publié dans le numéro 160 de BEST daté de novembre 1981