SQUEEZE « East Side Story »
Voici 40 ans dans BEST GBD analysait ce qui constituait sans doute le nec plus ultra de la discographie de Squeeze, le colossal « East Side Story ». Produit par Elvis Costello himself – qui assure les chœurs sur la soulesque « Tempted »- et Dave Edmunds pour le titre « In Quintessence », l’album porte la formation de Chris Difford et Glenn Tillbrook jusqu’à la légende. Flashback…
Ce n’est certes pas la première fois que j’évoque le groupe de Londres sur ce site ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/pour-toute-la-pop-magique-de-squeeze.html et également https://gonzomusic.fr/squeeze-babylon-and-on.html ), mais c’est surtout avec cet album-ci, le flamboyant « East Side Story » que Squeeze transforme le plomb en or avec telle une pop music gorgée d’harmonies. Quatre décennies plus tard ce 4ème album de Squeeze, fleuron du label A&M n’a pas pris une ride.
Publié dans le numéro 156 de BEST sous le titre :
LES VRAIS ROMANTIQUES
Squeeze a-t-il enfin trouvé le producteur idéal, celui qui sait vraiment amplifier les qualités et gommer presque tous les défauts ? C’est la première question qui rebondit dans ma tête alors que « East Side Story », LP n° 4 du groupe, fait joujou sur ma platine TD. Depuis « Cool for Cats », j’ai toujours eu un faible pour le romantique et discret rock de Squeeze : une pop sensible et intelligente, mais surtout des vocaux très purs. Ce sont eux qui contribuent avant tout à créer cet espèce de pastel musical qui les distingue de beaucoup de marchands de soupe. Depuis les Beatles, on a souvent tenté d’exploiter la formule sans jamais vraiment y parvenir. Combien de Romantics, Any Trouble, Silencers, Greg Kihn, Klaatu et autres s’y sont cassés les dents? «East Side Story » est un tableau minutieux et figuratif, mais c’est avant tout une toile de maitre. II suffit de lire la signature d’Elvis Costello sur la feuille de production et on a déjà tout compris. Elvis a en effet produit 13 des 14 titres que compte l’album. Quant à « Quintessence », qui ouvre la première face, il porte le label Dave Edmunds de qualité et nul ne pourrait s’en plaindre. Squeeze fait du sentiment, dans le style, « je t’aime mais je cours tout seul », mais ça me touche cent fois plus que les soi-disants nouveaux romantiques comme Spandau Ballet ou Adam et ses fourmis piratées à Gary Glitter. Les vrais romantiques n’ont nul besoin d’un jabot de dentelle ou d’une veste a galons pour exprimer un amour transi ou même un état d’âme. Grace à Elvis, Squeeze joue en nuances sur un esthétisme sixties dans la forme, qui camoufle, en fait, une conception très moderne de sa musique. Totalement dénuée d’agressivité. C’est une recherche de I’harmonie qui parait presque intemporelle. Écoutez « Woman’s World », « Is That Love » ou « Someone Else’s Heart» et laissez-vous doucement porter par ce flux mélancolique qui ne manquera pas de vous envahir, doucement, sans jamais vous choquer ou vous brusquer. « East Side Story », c’est comme une croisière en bateau, un fleuve tranquille que l’on descend en se laissant bercer par le courant. Lorsqu’il se fait plus fort, comme dans « Someone Else’s Bell », on a juste envie de bouger, pas de mordre. Comme ces Beatles, lesquels justement étaient très gentils! Squeeze, sans jamais glisser dans la lourdeur ou pire, la faute de goût, semble tenir la distance, même lorsqu’il ,s’essaye aux rythmes rockabillysants comme dans « Messed Around » ou countrysants avec « Labelled With Love ». Même les violons de « F Hole » passent sans casse le mur du son. Cette histoire de l’East Side somme toute ressemble au printemps : les fleurs de Squeeze crèvent le bitume du rock dans les cités et secrètent leur parfum pour la tête. Si le groupe persévère ainsi dans la fraicheur, il a toutes les chances de gagner son pari tranquille du « pop is beautiful ».
Publié dans le numéro 156 de BEST daté de juillet 1981