RICHARD BELLIA LE FRANC-TIREUR ROCK Épisode 1
Il compte incontestablement parmi les photographes rock qui comptent, ceux de l’après première génération des Legras-Gassian, Richard Bellia, aussi talentueux que discret a clic-claqué kodak tant et tant de héros du rock depuis le cœur des années 80, the Cure bien sûr, sans doute ses « clients » les plus fidèles, mais aussi Nirvana, Bowie, That Petrol Emotion, the Clash. Seul frenchie parmi les staff-photographers du mythique Melody Maker, le natif de Longwy a toujours farouchement défendu son indépendance, publiant lui-même son hallucinant pavé de 5,6 kg, le bien nommé, « Un œil sur la musique » ou ouvrant sa propre galerie de photographie. Portrait d’un farouche franc-tireur du rock… Épisode 1 !
Très « atta-chiant » ce garçon, décidément… aussi attachant que chiant et pointilleux et aussi talentueux. Sacré caractère. Mais une vraie douceur intérieure et une bluffante intégrité artistique d’écorché-vif. Et, forcément un regard captivant, un regard qu’il exacerbe dans son sublime ouvrage titanesque « Un œil sur la musique » qu’il faut poser sur ses genoux pour mieux le visiter tant il est vaste…et pesant. Richard Bellia appartient à ce club très fermé des photographes rock, sans doute moins de dix talents dans l’Hexagone, parmi les Youri Lenquette ( Voir sur Gonzomusic L’ENQUÊTE SUR LENQUETTE et aussi L’ENQUÊTE SUR LENQUETTE PART TWO), Pierre René-Worms ( Voir sur Gonzomusic DAHO TOUT EN HAUT DE L’AFFICHE) , Pierre Terrasson ( Voir sur Gonzomusic TERRASSON ET LUMIÈRES ) ou le discret Richard Dumas. Mais ce qui distingue Bellia avant tout, en dehors de sa grande gueule, c’est son incommensurable sensibilité. Et si ses photos nous atteignent droit au plexus solaire c’est justement pour cette raison-là. Rencontré au milieu des 80’s avec Barbarian, qui était la correspondante rock de Libé à l’époque, Richard Bellia est une vieille connaissance dont le talent ne connait nulle érosion. Épisode 1: de Longwy à Londres en passant par sa méthode de franc-tireur assumé…
« Cela me fait tout drôle de t’interviewer depuis tout ce temps.
Moi, j’ai ce souvenir incroyable avec toi, d’avoir un jour décidé de garder mes photos 6X6 dans des petites plaques, avec une petite feuille en verre de chaque côté.
Et tu m’en as offert une.
Je l’ai fait une fois dans ma vie, donc j’ai acheté une boite de feuilles en verre, il y a une photo de toi que je t’ai offerte et tu m’as dit qu’elle avait été cassée.
Le verre, oui.
Et toi tu t’es pris une balafre, juste sous le même œil.
Exactement.
Et c’était en octobre 1988 et je n’ai pas utilisé de cache 6X6 en verre depuis. Donc personne d’autre que toi ne peut le revendiquer.
La photo hantée d’un photographe vaudou (rire) ! Mais à part jouer les Barons Vendredi de la pellicule, quand je t’ai rencontré au milieu des années 80, tu vivais en Angleterre, à Londres où tu photographiais des groupes incroyables dont the Cure, évidemment, New Order, That Petrol Emotion… dont la plupart étaient aussi mes « clients » pour la presse ou la télé.
Mais tu n’es pas sans ignorer que je suis très tatillon en matière de photographie. J’utilise deux techniques différentes, qui sont l’imprimerie et la photographie proprement dite.
Oui, inventée par Gutenberg.
Et entre Gutenberg et Niepce il y a 500 ans. La différence entre imprimer des documents et faire de la photo, l’homme aura mis cinq siècles pour s’en rendre compte.
Nous sommes en Angleterre au milieu des années 80 … qu’est-ce que tu fiches en Angleterre ? Comment un petit gars comme toi se retrouve à Londres ?
Je viens d’un petit village en Lorraine. En fait, je voulais faire de la photo de musique, photographier des musiciens. J’avais commencé fin 80, avec un concert de the Cure. J’avais vu l’été d’avant the Cure et le Clash à un Festival et c’est là que je me suis dit : voilà, je sais ce que je veux faire, je veux faire ça. J’avais un pote qui était entré avec son appareil photo et il m’avait montré ses clichés. Et c’est ainsi que j‘ai eu le … déclic. J’ai travaillé avec deux copains lorrains, on faisait des journaux de rock ensemble, qui avaient des noms tels que Rock Non-Stop ou encore Rock FM.
Des fanzines ?
Voilà, c’étaient des fanzines. Et les copains qui étaient avec moi disaient : il ne nous arrivera rien tant qu’on restera le cul posé en Lorraine, il faut qu’on se barre pour que ça fonctionne. Ce qui les a poussés à monter à Paris pour tenter de faire avancer leur carrière. Mais moi je suis arrivé à Paris et j’ai fait : « non, il n’y a pas moyen, je ne vais jamais y arriver ; cela ne me convient pas ». Et en fait, j’avais trouvé un squat à Londres. J’avais des copains à Londres, il y avait une autre énergie à Londres qui m’attirait comme un aimant.
Nous sommes en quelle année-là ?
En 1985. J’ai commencé par débarquer à Londres pour voir comment ça se passait durant une dizaine de jours ; et il se passait effectivement quelque chose, puisque the Cure avait booké une fameuse salle de concerts qui était l’Hammersmith Odeon. Ils avaient loué la salle pendant une semaine pour se donner tout le loisir de répéter leur tournée mondiale pour l’album « The Head On the Door » et donc, tous les jours à 14 h, j’avais un concert de Cure presque pour moi tout seul. Ou presque. Et j’en ai profité pour passer par un journal anglais, le Melody Maker, à qui j’ai laissé quelques photos que j’avais faites avec the Cure pendant l’été en Suisse et aussi en Grèce. Ils avaient trouvé ça super bien et ils en avaient même publié une. Par conséquent, je suis parti à 23 ans passer une semaine en vacances en Angleterre et lorsque je suis revenu, j’avais vu cinq concerts de Cure, et j’avais mon nom dans la presse musicale anglaise. Je me suis donc dit : je vais revenir. Je vais continuer. J’ai pris mon appareil photo, mon agrandisseur et deux classeurs de négatifs que j’avais déjà faits et je suis allé m’installer dans un squat à Londres. C’est ainsi que j’ai intégré le Melody Maker, je suis devenu officiellement un de leur « staff photographers », en fait un pigiste permanent et l’Uberisation avant l’heure où on te dit : « oui tu es libre, mais tu travailles pour nous tout le temps ! ». Et naturellement, on te jette quand on veut. On était une toute petite équipe de cinq photographes. Et le magazine faisait quand même 80 pages qu’il fallait remplir toutes les semaines. Pendant deux ans et demi, j’étais le seul non-anglais de la bande.
Tu vis un moment incroyable, mais tu avais déjà une écriture photographique. Jean Yves Legras, le photographe de BEST, les mauvaises langues disaient qu’il collait systématiquement les groupes contre un mur. Et toi ?
Si tu es un photographe qui travaille pour un media particulier, forcément à un moment des automatismes se créent. Les rendez-vous vont se faire dans telle salle de concert et vont se dérouler dans tel couloir de maison de disques, ou dans tel hôtel traditionnellement utilisé par le label ou par l’organisateur du concert. Alors naturellement, si tu es affilié à un media et que l’horloge tourne, forcément au bout d’un moment ça fait 15 fois que tu es sur le toit de chez CBS, 12 fois que tu es dans les loges toutes sombres…
… du Palace.
Ou de l’Élysée-Montmartre ou ailleurs et tu fais tes photos dans les horaires d’ouverture des maisons de disques, aussi.
C’est drôle mais pas toujours vrai quand même, tu prends des photos dans les concerts aussi et à cette heure-là les labels sont fermés !
Ça c’est moi, ce n’est pas toujours mes collègues de la presse rock qui ont bien souvent tendance à ne travailler que dans les heures d’ouverture des maisons de disques. Quand les séances photos sont organisées par les labels, c’est toujours forcément un peu la même chose.
En fait, la réponse à ma question c’est : ce qui me distingue, c’est que je ne rentre pas dans le système promo maison de disques, je suis un franc-tireur.
Alors… presque. Je suis effectivement en grande partie franc-tireur, mais il y a aussi en partie un travail avec certaines maisons de disques. J’ai aussi fait ça avec tout un tas de labels très différents, à la fois en France et en Angleterre, mais je n’ai jamais eu d’automatisme avec un label qui me donnerait un fond traditionnel. Toutes mes photos sont faites dans des endroits différents. Ce n’est pas l’usine. Je n’ai jamais non plus été affilié à un journaliste … donc franc-tireur, je l’accepte dans le sens où chaque prise de vue est forcément une histoire différente, par rapport à l’autre, et non pas le dix-huitième artiste de chez Sony qu’on va faire dans le même troquet en face.
Là tu es en train de nous dire que ce ne sont pas des photos qui illustrent les articles ? Ce sont les articles qui illustrent ces photos ?
Non, mais je n’ai pas assez travaillé pour la presse pour pouvoir prétendre à quoi que ce soit, au niveau de ma narration. Chez Libé ou ailleurs, je n’ai jamais été assez présent dans la presse pour pouvoir poser mon coude sur la gueule du journaliste en lui disant : Ah tiens, il va être bien ton papier pour aller avec ma photo, connard ! Oui, j’ai connu deux ou trois fois fois où les photos défonçaient vraiment, où le texte à côté il était là pour rendre la page un peu complète. Mais là, le travail photographique a pris le dessus. Mais c’est juste une fois de temps en temps, c’est vraiment exceptionnel.
Alors, justement parlons de photos exceptionnelles… Youri Lenquette par exemple, sa photo exceptionnelle, celle que tout le monde connaît, c’est Kurt Cobain avec un flingue jouet. Pierre Rene-Worms c’est Joy Division ou Daho… et toi, quelle pourrait être ta photo la plus emblématique ? Ce serait une de the Cure évidemment…mais laquelle ?
J’ai des photos que les gens connaissent, même sans connaitre mon nom. Je peux en revendiquer une dizaine avec the Cure, avec the Clash, avec Nirvana, avec David Bowie…
Et toi, celle qui fait le plus battre ton cœur ?
C’est la couverture du bouquin, parce qu’en fait c’est tellement de gens en même temps et qui étaient tellement là pour tout, sauf pour se faire photographier, que réussir à se dire : je vais prendre deux secondes de ma vie pour faire ces mecs-là, qui ne sont pas là pour être photographiés. Les gens qui sont au premier rang d’un concert, ils sont là pour écouter de la musique et point barre. Il y a zéro pour cent d’eux qui pensent photographie. Et je n’ai pas fait 15.000 photos ce jour-là, j’en ai vraiment fait deux. Je suis arrivé devant eux et je leur ai demandé à tous si je pouvais la faire.
Ah c’est bien !
Je fais toujours ça. J’assure toujours auparavant un contact visuel, comme on dit, avec les gens que je compte photographier, car je trouve ça indispensable. Cela ne marche pas sinon.
Car ce serait tireur… mais pas franc !
Voilà, dans franc-tireur il y a tireur et il y a franc…. Exactement.
Et côté rock-stars, LA photo emblématique du style Bellia ?
C’est forcément the Cure.
Voilà. Mais… laquelle ?
Il y en a une qui va sortir bientôt, mais j’attends que le groupe l’annonce. Et the Cure ils sont toujours en retard sur tout… toujours. Et là un bouquin doit être publié sur eux et qui devait sortir il y a deux mois (l’entretien date de décembre 2021 : NDR) et ça sera le premier bouquin autorisé sur the Cure depuis celui de 1987 intitulé « 10 Imaginary Years »
C’était par rapport à « 3 Imaginary Boys » !
Voilà et le livre résumait les dix premières années de the Cure. Depuis, des centaines de mecs ont monté leur micro-boite d’édition pour rédiger un bouquin écrit à la première personne, pour résumer tout leur amour de the Cure; mais un bouquin validé par le groupe, il n’y en pas eu depuis tout ce temps. Le nouveau s’appelle « Curepedia » et c’est Simon Price qui en est l’auteur. (En fait, la sortie du livre serait repoussée à … aout 2023 ! : NDR) ça va sortir en Angleterre, aux USA et en Allemagne. Je le sais, car les éditeurs m’appellent pour négocier les droits de ma photo.
Et pas en France ?
Et toujours pas en France.
Mais c’est une photo récente ?
Non, une photo qui date de 1985, justement.
Ça date des fameux concerts de l’Hammersmith Odeon ?
Ces concerts-là datent effectivement de septembre, mais je suis revenu deux mois plus tard, la tournée était prête et ils étaient en train de faire la promotion du disque. Ils tournaient les Enfants du Rock et des machins comme ça et je m’étais glissé dans l’équipe. C’était le moment où ils marchaient sur l’eau, le moment où le générique de l’émission était justement l’instrumental de leur chanson « Just Like Heaven ». Mes premières photos à Londres de cette session sont celles où l’on voit Robert Smith jouer avec une toupie, dans les sous-sols du label Fiction. Après, la télé française est arrivée et ils sont allés tourner au pub d’à côté. On a traversé la route et on est allé au pub et j’ai pris la photo en question, en ombre chinoise de Robert Smith, dans le pub en face de chez Fiction, pendant qu’il accorde son interview aux Enfants du Rock. »
À suivre…
Voir sur Gonzomusic Épisode 2: de Lana Del Rey à la prison de Metz en passant par son usage immodéré de « Bladrunner » de l’ Hasselblad… RICHARD BELLIA LE FRANC-TIREUR ROCK Épisode 2
UN OEIL SUR LA MUSIQUE est disponible à :
HELL O GBD
un de mes grand moment rock n roll , c’est avec richard , quand il a organisé un bus pour voir le Velvet Underground à Prague , INNOUBLIABLE , une vrai aventure rock r roll…. un trip punk du vomit des jambes cassées, de la drogue , dormir dans les vestiaires du Sparta de Prague, vaclav Havel , derrière nous au concert les larmes aux yeux …
et surtout le Velvet au complet , avec peut-être le meilleur concert de cette tournée qui avait laissé dubitatif la presse parisienne ( libé entre autres) avec les « c’etais mieux avant » mais ne l es ont jamais vu avant car trop jeunes les rageux …. warfff
toujours aussi plaisant de te lire
tps://section-26.fr/martin-dupont-revenants-de-la-cold-wave/
tiens on parle de moi dans Section 26 :
biz MICHEL