QUAND GBD APPRENAIT GRAHAM PAR CŒUR

Graham ParkerVoici 42 ans dans BEST GBD allait effectivement bientôt connaitre Parker par cœur ! En effet, le leader des Rumour s’était affranchi de la formation avec laquelle il avait enregistré pas moins de cinq excellentes galettes. C’est donc libre comme l’air et solo que le fringuant natif de Hackney, banlieue de Londres que Graham Parker venait défendre « Another Grey Area » injustement éreinté par la presse rock British qui lui reprochait sans doute d’avoir atomisé son groupe et plutôt encensé par notre presse hexagonale. Flashback…

Graham Parker by Jean Yves Legras

Graham Parker by Jean Yves Legras

Mod un jour Mod toujours, Parker nous livre ses débuts dans la musique lorsqu’il était un jeune mod British. Dans cet entretien, on apprend également que Graham Parker a beaucoup écouté Otis, qu’il n’est jamais stoned sur scène, laissant ce plaisir au public qui vient l’applaudir et qu’il préfère s’en aller, si d’aventure pareille mésaventure devait arriver, en s’ouvrant le bide à l’aide d’une baïonnette, à la manière du héros du film de guerre «The Bofors Gun », plutôt que d’avaler des comprimés ou de s’étouffer dans son propre dégueulis… and that’s rock and roll…« Another Grey Area » ce premier LP solo était produit par Jack Douglas, réalisateur entre autres de John Lennon, rencontré à LA avec the Knack (Voir sur Gonzomusic LA SAGA JACK DOUGLAS Épisode 1LA SAGA JACK DOUGLAS Épisode 2  et aussi  LA SAGA JACK DOUGLAS Épisode 3  )

Publié dans le numéro 168 de BEST sous le titre :

PARKER POWER

Dans le fauteuil régence du salon d’un palace parisien, le mec avec des lunettes de soleil s’en prend plein la gueule à travers les vitres. Le soleil joue de la matraque et les arbres qui fleurissent dans le parc projettent les images idéales d’un printemps parisien plus mythique que le décor de Gene Kelly pour « Un Américain à Paris ». Graham Parker doit rêver d’une balade en solitaire à Saint-Germain des Prés ou aux Halles, mais il est bouclé à son hôtel et, vu le nombre de journalistes-intervieweurs-chroniqueurs qui font la queue, il ne risque pas trop d’avoir le temps d’aller admirer un coucher du soleil sur la Tour Eiffel.

« Tu sais, j’ai longtemps cru que tu étais américain à cause du feeling que tu pouvais dégager.

A l’origine, la plupart des musiques que j’aimais étaient américaines ; alors, je présume que j’ai dû être marqué par la soul et le R and 8, c’est un point commun que j’avais avec les Rumour. Mais on peut dire la même chose des Beatles ou des Stones.

Musique de l’âme, mais aussi musique du corps : aimais-tu danser ?Graham Parker

Lorsque j’avais f 7 ans, j’allais dans des discos où l’on dansait sur des trucs soul, ska ou blue beat. A l’époque, j’avais choisi d’être mod parce que les mods écoutaient Otis Redding, Prince Buster and The All Stars… Tu te rends compte, on dan-sait sur « One Step Beyond » et les mecs de Madness têtaient encore leur mère. Dans ces soirées, on était surtout motivé par l’envie de ramasser une nana. On vivait en bande, en gang ou en tribus, mais je crois que tu en as besoin lorsque tu es ado.

Quel était le meilleur moyen de brancher une fille ?

Il fallait avant tout savoir danser et se fringuer. Ça va peut-être te faire rire, mais j’avais au moins trois costards. Lorsque tu commences à grandir, tu as aussi envie de soigner ton apparence, tu veux ressembler à un homme, alors tu te déguises avec un costume et une cravate. Ça te donne envie de claquer les doigts dans le rythme et de danser pour qu’on te remarque. Ainsi, lorsqu’arrivait le slow, tu n’avais aucun mal à lever une fille.

Et le légendaire côté bagarreur des mods?

Moi, ça ne me plaisait pas trop. Mais cela ne m’a pas empêché certaines fois de me faire bourrer la gueule par des types qui étaient sous speed. En général, c’était pour une histoire de nana, lorsque tu approchais trop d’une petite protégée par un gang de mauvais mods. Pour moi c’était l’aspect le plus négatif du mouvement.

Tu n’as effectivement pas l’air très violent.

Je suis seulement violent lorsqu’on m’attaque. Un jour, un type m’a attrapé par le col, pour me taper dessus. Mais il n’y était pas allé assez fort, je n’étais pas KO. Ma veste était déchirée, j’avais le nez qui pissait le sang, mais j’étais encore conscient. Je me suis alors relevé, j’ai agrippé le type et j’ai cogné sa tête contre un mur jusqu’à ce qu’il soit out.

Sur scène, tu as déjà rencontré des problèmes ?

Sur scène, c’est différent, je me sens invincible. Lorsque tu es vraiment excité, que tu fais voler ton micro en l’air et que le public hurle, rien ne peut t’atteindre parce que tu n’y songes pas. L’adrénaline qui afflue vers ton cerveau fait de toi un surhomme : les drogues naturelles secrétées par le corps sont les plus puissantes.

Tu n’en utilises pas d’autres ?

Jamais lorsque je monte sur une scène, en tout cas. Je n’en ai pas besoin parce que la scène, c’est comme un plongeon dans une piscine, ça vous réveille instantanément. Toutes les fois que j’ai voulu en prendre avant de jouer, le résultat a été minable. Au bout de deux chansons, tu ne sais plus où tu es, à la fin ou au début du gig. En plus, ça coupe la communication que tu peux entretenir avec le public ; les drogues nous en éloignent. Je crois que tu as une certaine responsabilité par rapport aux gens qui se sont déplacés pour te voir, c’est eux qui doivent être stoned, pas moi.

Où vis-tu en ce moment, Graham ?Graham Parker

Entre Londres et New-York.

Tu préfères écrire aux States ou en Angleterre ?

J’ai conçu la plupart de mes chansons dans mon petit appart’ de Londres.

Justement, parle-moi un peu des chansons de « Another Grey Area ».

Tu sais, même pour moi, certaines sont assez obscures. « Temporary Beauty», par exemple, n’importe qui peut s’y retrouver. Le sujet, c’est aussi bien les poupées qui vieillissent que la musique qui évolue. On peut aussi penser à la gloire. Je crois que beaucoup de choses ont une beauté temporaire. « No More Excuses » est un titre que je voulais utiliser depuis longtemps. J’avais vu un film de guerre en Angleterre, il y a assez longtemps, «The Bofors Gun ». L’action se passait pendant la première guerre mondiale, dans un camp de soldats anglais. Les types avaient pour mission de défendre ce foutu canon coûte que coûte. On y retrouvait en uniforme tous les caractères de la vie courante : le brave mec, le cinglé, le violent, le père de famille. Il y avait surtout un bagarreur surnommé Bully. A la fin du film, ce Bully, qui était détesté par tous, s’empare d’une baïonnette et se la plante dans l’estomac en criant « No More Excuses » ; ça m’est resté. Drôle de manière de s’en aller, mais ça vaut mieux que d’avaler des comprimés ou de s’étouffer dans son propre dégueulis. En fait, j’essaie simplement de trouver les images qui conviennent. Chaque pensée est une image qui balaie la précédente ; pour moi, une chanson doit être avant tout un power trip. » 

Graham Parker a voulu être noir, lorsqu’il écoutait Otis, mais il a découvert que ce qui comptait avant tout, c’était la couleur du cœur. « Another Grey Area », son LP produit par Jack Douglas, est mon disque de chevet du moment. Parker me rappelle un peu les damnés du rock comme Willy (DeVille), Syl (Sylvain), Garland (Jeffreys) ou David ( Johansen) ; lui comme eux font la légende. Dommage que la presse anglaise soit aussi tiède à son sujet ; Graham Parker mérite dix fois mieux que toutes ces critiques. Vous en jugerez vous-mêmes, fin juin, sur les scènes françaises, dans la foulée d’une tournée U.S. de six semaines. « Je ne pleure pas pour attirer ton attention/Je crie pour qu’on m’entende/Et tout le monde écoute/ Mais toi…» (« Crying For Attention »). Si c’est à toi que Parker s’adresse, tu ferais mieux d’écouter, sinon, c’est que tu as la tête aussi dure qu’un châssis de half-track, et dans ce cas, c’est vraiment désespéré. Bois un coup et replonge dans la grisaille, je suis prêt à t’échanger ton exemplaire de BEST contre un carnet de tiercé, là, tu sauras peut-être enfin miser sur le bon cheval.

Publié dans le numéro 168 de BEST daté de juillet 1982

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