FABRICE EBOUÉ AUX FOLIES BERGÉRE
Clown décapant, humoriste cynique et funambule Fabrice Eboué était jeudi soir aux Folies Bergère pour les dernières de « Adieu, Hier » son 4ème stand up aux vannes acides bien ficelées, qui ont su vigoureusement agir telle une Eboué de secours fort salvatrice, pour extirper d’un naufrage inévitable les zygomatiques en péril de l’ami JCM en passe de se noyer dans un océan de morosité déchainée.
Par Jean-Christophe MARY
Réseaux sociaux, militantisme exacerbé, Cancel Culture, la crise du Covid n’aura fait qu’accélérer l’émergence du nouveau monde, Fabrice Eboué se sent déjà dépassé. « Maintenant partout des avertissements : l’alcool le tabac. Nous à l’époque c’était un …cancer surprise ! Et puis vous avez vu ce qui est marqué sur les jouets ? Attention à ne pas avaler les piles. C’est vrai que nous l’époque, on se gavait. Moi mes préférées, c’est les petites rondes à l’apéro, en cacahouètes ». Fabrice Éboué est incontestablement un des humoristes français les doués de sa génération. Corrosif, décapant, depuis ses premières apparitions au Jamel Comédy Club, depuis il trimballe son humour noir avec une aisance et une fausse désinvolture. Dans ce nouveau spectacle, il fait ses adieux au monde d’hier, nous parle du nouveau monde, celui de l’après covid, un monde qui le dépasse. Il est 21h10. Cheveux ébouriffés, calvitie naissante, T. shirt, baskets et pantalon noir, à peine entré en scène au son d’une musique électro qui bastonne, le voilà sur le ring, réglé au quart de tour, prêt à déclencher ses vannes. L’humoriste a ce don de créer dès son entrée en scène un lien immédiat avec son public.
C’est ainsi qu’il choisit plusieurs spectateurs qui vont être ses cautions tout au long du show. Cet artifice est bien connu du stand-up, mais lui le manie de façon virtuose. Ainsi, il va cibler au parterre une famille (un couple et ses deux enfants de 9 et 12 ans), un jeune couple de métis, deux banquiers, un jeune homme bière à la main dont il demande de retirer sa casquette et un retraité qu’il rebaptise le « doyen ». Plusieurs générations qu’il va prendre à partie pour pointer l’évolution de notre société. C’est le fil rouge d’Adieu hier. Durant près d’une heure trente, il passe au prisme de son kaléidoscope, notre société qu’il a de plus en plus de mal à comprendre, tant il se sent dépassé par le « nouveau » monde. Il se moque de tout et de tout le monde, à commencer par lui-même. Sa calvitie, son âge, ses proches, son père camerounais « qui dévore tout dans un poisson, la queue mais aussi la tête jusqu’à lui sucer les yeux, sa mère normande de la mode du métissage dont il se moque avec régal « Des métis, on en voit partout aujourd’hui au cinéma. Aux Césars, ils vont même bientôt inventer « le métisse d’or ». A une jeune femme visiblement assise avec son conjoint : « C’est votre premier noir madame ? ».
Même l’anniversaire de son fils qui fête ses 9 ans y passe : « J’avais demandé aux parents de venir récupérer leurs gosses à 16h. A 15h, j’en pouvais plus, je les ai tous mis sur le palier ». Répliques grinçantes, images noires, rien ne l’arrête quand il passe les malheurs de la vie à la moulinette et balance les pires horreurs avec un naturel et un sourire déconcertant. Entre le cynisme et l’autodérision, non seulement il déclenche le rire sur les pires atrocités du monde mais prend surtout un malin plaisir à observer la réaction du public. Car assister à une performance de Fabrice Eboué, c’est comme visiter un petit musée des horreurs où le rire se transmet d’un simple regard, d’un simple geste de la main, un simple mouvement du corps. Lui a cette gestuelle particulière, celle de se balancer d’avant en arrière sur ses jambes comme pour mieux hypnotiser ces futures cibles dans le public.
On se laisse porter par le rythme, la pulse de ces vannes qu’il enchaîne à la vitesse de la lumière. A travers une mise en scène sobre et efficace on prend crampes de rire sur crampes de rire et on a du mal à reprendre son souffle. Et ce soir le public rit aux éclats sur tous les sujets : Nordhal Le Landais, Depardieu, Palmade, l’homosexualité, la pédophilie. L’humoriste a zéro limite. Les riches, les pauvres, les handicapés, la mort, la vieillesse, les enfants, ce soir tous les personnages qu’il passe à la loupe en prennent tous pour leur grade. Aux féministes « Le rock ça finit dans les chiottes, le rap ça finit dans la chatte ». Véritable jongleur de mots, il met en parallèle monde d’hier et l’actuel, aborde d’un ton décalé et provocant des thèmes comme les transgenres où les prêtres pédophiles. Attention, ce stand up est corrosif. Très corrosif. Mais quand c’est joué avec une telle précision, un tel sens de l’autodérision, on ne peut qu’en rire aux éclats. Les trois dates parisiennes sont sold out. Mais souriez, de nouvelles dates viennent d’être ajoutées ; du 05 au 08 Juin 2024. Dépêchez-vous de réserver.
Les Folies Bergère. 32 rue Richer, 75009 A 21h. De 24 à 62€.
Un grand merci à Frédéric Jérôme et à ses équipes pour l’accueil toujours aussi bienveillant.
All pix by Jean-Christophe MARY