POUR TOUTE LA SÉDUCTION DU SWING CRÉOLE DU TC QUARTET

Tony ChasseurTC… pas Matik ( RIP Arno) … mais TC Quartet, soit le Tony Chasseur Quartet. Publié voici déjà quelques mois, leur superbe album, le bien nommé « Tant à partager » est un florilège des plus beaux standards de la musique créole, mais dépouillés, allégés même de tout arrangement superflu pour en extraire de manière acoustique et émotionnelle leur pureté des origines. Et c’est juste bouleversant. Rencontre avec un jeune vétéran de cette belle âme antillaise qui n’oublie jamais, malgré les ans, les trop longues souffrances de l’esclavage.

Tony ChasseurEn découvrant « Tant à partager », j’imaginais partir la rencontre des papys du zouk jazz, vétérans de cette musique Antillaise à la crinière blanche à l’instar des Buena Vista Social Club de Cuba. Hé bien… non, pas du tout, Tony Chasseur est même plus jeune que moi, autant pour mon fantasme de Compay Segundo de la Martinique ! Juvénile, souriant et cool, le leader du Quartet a bien du mérite d’accepter de répondre à mes questions naïves :

« Bonjour Tony… donc je sais désormais que TC Quartet signifie Tony Chasseur Quartet?

C’était pour faire court et puis pour ne pas identifier totalement le quartet puisque c’est un travail commun avec les frères Fanfant, Thierry à la basse et Jean Philippe à la batterie et David Fakeure au piano.

En fait, tu ne voulais pas tirer la couverture à toi ?

Il n’était pas question que ce soit un album de Tony Chasseur tout court, je voulais vraiment que ce soit très clair. On cherchait un nom pour le groupe et puis finalement TC Quartet s’est imposé, comme une évidence pour cette formation.

Tony Chasseur

1983 – 1ère photo devant un micro

Pour le béotien total  que je suis sur la musique Antillaise, pourrais me résumer un peu ta longue carrière ?

Voilà, je suis Martiniquais, né à Fort de France. J’ai évolué très tôt dans les piano-bars de la ville.  Ce qui a fait que j’ai rencontré beaucoup de musiciens dans ce milieu. Au début des années 80, je décide d’en faire mon métier.  Et c’est ainsi que je pars à Paris où démarre vraiment ma vie professionnelle. Fort heureusement, je suis pris sous les ailes de certains amis qui sont déjà sur place, notamment les chanteurs de Kassav qui m’avaient déjà repéré chez nous dans les piano-bars justement. C’est le début de nombreuses rencontres avec Malavoi, par exemple, que je rejoins pendant deux ans. C’est ensuite Mario Canonge qui m’offre de travailler avec lui. J’avais aussi eu des aventures avec des grands groupes comme La Perfecta, avant de me lancer dans mes albums personnels qui ont remporté un certain succès aux Antilles. J’ai aussi fait énormément de séances de studio, avec de nombreux artistes et musiciens, à la fois pour la musique Antillaise, mais aussi pour la variété française et la musique africaine. Aujourd’hui, parallèlement à TC Quartet, je suis chef d’orchestre d’un big band de créole jazz qui s’appelle Mizikopeyi (musique au pays)  où nous sommes 17 sur scène.

On peut dire que tu as une carrière éclectique !

J’ai été élevé dans les années 70, avec une explosion de toutes les grandes et belles musiques qui nous ont marqué et qui marquent encore aujourd’hui.  De surcroit, nous sommes à un carrefour musical dans la caraïbe où la Martinique est au centre. Nous recevons toutes les influences et ma démarche a toujours été de chanter toutes les musiques qui vivent dans mon pays, du mieux possible. Donc je pratique énormément de styles différents.

Ça s’entend sur l’album. Mais comment parviens-tu à rester toi-même parmi tous ces sons diversqui t’animent ?

C’est clair, le public, comme certains musiciens, me disait : « mais toi, tu es un artiste zouk, tu es un artiste jazz, tu fais de la variété internationale, tu fais du reggae, tu fais quoi ? ». Et en fait, si le public s’y retrouve c’est l’essentiel. Donc mon identité s’est construite comme ça et aujourd’hui le public que je draine aux Antilles attend cela de moi. Ça fait partie de de moi cette dimension internationale. Certains chanteurs qui font partie de la musique afro-américaine nord-américaine, sont des références vocales pour moi.

Oui et d’ailleurs on vient tout juste de perdre l’immense Harry Bellafonte ( Voir sur Gonzomusic So long Harry Belafonte star et héros des droits civiques  )

Tout à fait et d’ailleurs son père était Martiniquais voilà et sa mère Jamaïcaine. Il y a également Al Jarreau qui m’a aussi beaucoup influencé.  Mais il y a également Ruben Blades pour la musique latine, Bob Marley pour le reggae, sans oublier Nougaro. Tout cela fait partie de mon univers. Et puis à un moment, tu dois trouver  ta personnalité, donc ma personnalité c’était de brasser toutes ces influences et de créer quelque chose qui me soit personnel.

Alors effectivement, moi ce qui m’a surpris en te rencontrant, c’est que je m’attendais à trouver un  grand père de 80 balais. Une sorte de Buena Vista Social club antillais. Un Compay Segundo Martiniquais !

Tony Chasseur

1988 – Sakiyo

C’est vrai, j’ai 40 ans de carrière, il est vrai que j’ai commencé jeune. J’ai eu la chance de ne pas souffrir de mon métier. Il y a eu des hauts, des bas, des moments difficiles, mais disons qu’aujourd’hui, je suis assez heureux dans mon itinéraire et c’est vrai que ça peut paraître constituer une longue carrière.

Mais ce n’était pas juste par rapport à ta carrière. C’est surtout par rapport à l’album. Le son de l’album, le choix des chansons qui sont des classiques éternels, mais que tu as voulu adapter avec ton expérience à toi.

C’est aussi une idée d’Éric Basset d’Aztec Music qui m’a suggéré d’embrasser l’ensemble des musiques antillaises, en incluant des chansons d’Haïti, de la Guyane ou même de la Réunion dans une démarche acoustique pour leur rendre leur caractère d’origine, un retour à la simplicité de l’acoustique. Car nous revenons à l’essence même de ces compositions. La beauté mélodique et le texte véritablement, et donc avec les musiciens qui sont avec moi sur cet album, les  deux frères Fanfant et David Fakeure, on a sélectionné une cinquantaine de chansons et puis on fait un tri pour arriver aux 13 titres de l’album. La réalisation c’est Jean Phillipe, les arrangements sont de Thierry et David et nous avons opté pour ces tonalités apaisantes. On parie sur la sobriété de la chanson, pour rendre la qualité des mélodies, la qualité des textes avec un accompagnement le plus acoustique possible.

En fait, toute l’idée de cet album c’est que ce n’est pas un album jazz ?

Non.

Ce n’est pas non plus un album de folklore Antillais ?

Non.

C’est ce métissage et ce retour aux sources de la simplicité pour souligner le swing de ces chansons qui retrouvent ainsi leur coté émotionnel.TC Quartet

Exactement. Cela fait des années aussi que nous travaillons ensemble et ces musiciens ont es expériences avec d’autres gens issus de ces contrées d’Haïti, les Antilles Françaises, la Guyane et la Réunion.

Justement, parlons des chansons qui sont d’immenses classiques de la musique créole que vous avez choisi d’adapter à l’instar de « Van levé »

Elle est signée du compositeur Gratien Midonet, qui vit en Nouvelle Caledonie. De mémoire, il n’a qu’une seule chanson qui a marqué fortement et qui est devenue un hymne de toute cette culture avec un texte bucolique et un peu naïf.

« Ti milo » ?

C’est du bélé, la musique typique martiniquaise, une composition d’Eugène Mona inspirée par le grand maitre Ti Émile, une chanson reprise par de nombreux artistes y compris en Guadeloupe.

« Tant à partager »

C’est un titre de Vinicius de Moraes que Ralph Thamar avait repris il y a une trentaine d’années, mais Eric Basset nous a proposé un nouveau texte pour ce grand thème qui est une samba brésilienne. Chez nous, elle fait partie des standards puisque Ralph avait su si bien la populariser.

« La sirène »

C’est un grand thème de Loulou Boislaville il y a très longtemps, puis une version a marqué les esprits avec celle de Malavoi, chantée par Edith Lefel qui a disparu il y a vingt ans. Dont il fallait se démarquer mais sans  la dénaturer. Car c’était notre but : présenter ces titres qui sont très connues aux Antilles à la fois de manière inédite mais sans choquer l’auditoire.

….  tout en s’éloignant quand même des versions originales …

Oui car nos compatriotes devaient à la fois reconnaitre leurs chansons et se dire qu’ils sont surpris de le redécouvrir  de la sorte. Mais nous avons aussi voulu privilégier la spontanéité en étant nous-mêmes surpris.

« Lamou se an danje » (l’amour sans danger) ?

C’est peut-être le seul titre du CD qui soit plus proche du zouk.

Tony Chasseur

1992 live Martinique

Elle a un côté presque berceuse?

C’est une composition de deux guadeloupéens Guy Houllier et Yves Honoré qui ont une écriture mélodique extraordinaire. C’est la chanson de l’album la plus diffusée aux Antilles car sans doute la plus langoureuse.

« Jou ouve » pour moi la plus belle de l’album. Qui me rappelle le « Someone Like You » de Van Morrison.

C’est une composition de l’ancien leader de Malavoi, Paulo Rosine qui est décédé en 1993. C’est un succès immédiat et Paulo passe dans la lumière. C’est un hymne créole qui a le pouvoir de faire vibrer toute la diaspora tout comme « Gran tomobil » qui est un titre très connu aux Antilles. De toute façon toutes les chansons de cet album sont de très grands hits connus de tous.

« La Guyanaise » très jazzy mais au son on a presque l’impression d’entendre de l’hébreu…

Le créole guyanais est ainsi, il est très différent des autres créoles avec des mots des idiomes bien à eux. Nous l’avons d’ailleurs jouée là-bas et le public après u moment de surprise a franchement adhéré.

« Famn Matinik »  aurait pu être écrite par Carlos Jobim…

C’est parce qu’on l’a adaptée en bossa nova, mais à la base c’est une biguine de Francisco, une variante baptisée biguine lélé. Hélas il est décédé. « Exil » est le premier hit en solo de Ralph Thamar dès qu’il a quitté Malavoi. C’est une rumba à la base, mais nous en avons massivement modifié le rythme. Elle est sortie à la fin des années 80 et elle juste superbe.

Enfin « Apartheid » me fait un peu penser à ce bon vieux Salvador ?

Oui car elle démarre sur cette guitare acoustique extrêmement délicate. On l’a faite un peu jazz bossa langoureux, c’est pour cela que cela te fait penser à Salvador mais à l’origine c’est une chanson de Malavoi qui est un mérengué dont nous avons élagué les arrangements pour lui redonner sa substantifique moelle.Tony Chasseur

Vous avez donné un concert au New Morning dont vous avez capturé le live pour en faire un album en public, il y a vraiment une grande différence de son entre les versions studio acoustiques dont on vient de parler et les versions sur scène ?

Oui car on a d’abord rajouté quelques titres et surtout je suis amoureux des musiciens donc je leur ai permis de s’exprimer plus intensément avec des solos plus longs. Et surtout nous avons improvisé des interventions comme une partie dance-hall sur « La sirène », par exemple, qui donne une belle saveur reggae à la chanson.

Comment va évoluer ton TC Quartet ?

On va rester fidèles à notre esprit, ce sont nos dernières ruades de papys, d’où cette volonté farouche de transmettre cette culture avec ce type d’album pour qu’elle nous survive. »

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1 réponse

  1. ALIENAMOUR dit :

    Le Cd « Tant à Partager » du TC Quartet est vraiment très bien pour l’avoir acheter et je conseille au public d’en faire de même. Et puis pour les avoir vus en concert que ce soit au Jazz Club Étoile (Le Quartet !) et au New Morning (Le Quartet renforcé avec d’autres musiciennes et musiciens), c’est vraiment un bel attelage avec de belles chansons.
    Une très belle interview, en tout cas.

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