PHIL MANZANERA LONELY ROXY

Roxy MusicVoici 41 ans dans BEST, GBD était carrément ému de rencontrer Phil Manzanera pour la sortie de son 4ème LP solo, le bien nommé instrumental « Primitive Guitars ». Le fringuant guitariste de Roxy Music évoquait également durant cet entretien au George V, la sortie toute proche du successeur si attendu de « Flesh And Blood », le prodigieux « Avalon » qui serait hélas le chant du cygne de la formation de Bryan Ferry. Flashback !

TPhil Manzanera rois mois après cette interview, menée au printemps 1982 avec le guitariste de Roxy Music, le temps allait sacrément s’accélérer avec la publication d’« Avalon » et la venue de Bryan Ferry à Paris  dans un palace encore plus prestigieux que le George V, puis qu’il s’agissait du Ritz, place Vendôme. Parfait gentleman, et aristocrate résolument prolétaire, j’ai donc eu le privilège de tendre mon micro au fameux natif de Washington, dans le comté de Durham ( Voir sur Gonzomusic BRYAN FERRY de « Avalon » à « Avonmore » ) mais bien entendu, comme pour Phil Manzanera j’ignorais que « Avalon » serait l’ultime LP de Roxy Music, ce groupe hallucinant découvert en 1972 sur la scène du bataclan lors de leur tout premier concert hexagonal. Autre coïncidence incroyable, dans ce même numéro de BEST 167, je tendais mon micro à la fois à Phil Manzanera ET à Brian Eno ( Voir sur Gonzomusic QUAND BRIAN ENO N’ETAIT PAS ENCORE ANTISÉMITE  )… flashback !

 

Publié dans le numéro 167 de BEST sous le titre :

 

 

GUITARE SOLOPhil Manzanera

 

Tout va de travers. Je me lève du pied gauche et démarre la chaîne hifi avec un disque de Roxy Rusic, en avalant mon grapefruit. Petit à petit, le brouillard se dégage en laissant du jeu à mes cellules. Le jour ?… mercredi. L’heure ?… retard ! Le chasseur du George V a encore raté son coup, il n’a pas su me coincer avec sa porte tournante ; pourtant ça n’est pas faute d’avoir essayé. Sur le marbre, les tennis font des claquettes et me conduisent droit au bar où m’attend Phil Manzanera derrière son demi de Badoit. Sur fond de muzak et de conversations cosmopolites, on échange une poignée de mains. Tandis que les serveurs jerkent d’une table à l’autre en agitant des bouteilles d’Orangina, nous nous éclipsons vers un salon parallèle. Phil Manzanera est à Paris pour présenter son nouvel et solitaire album, « Primitive Guitars », en attendant le nouveau Roxy. Enregistré dans le studio perso de Phil, le Gallery, en trois périodes d’une semaine étalée de mars en août, « Primitive Guitars » est un instrumental d’instantanés musicaux :

« C’est le disque le plus personnel que j’aie jamais fait. Sur tous mes autres projets, en dehors de Roxy, j’ai toujours associé un certain nombre de gens, simplement parce que j’avais envie de m’amuser en studio avec une bande de copains. Mais l’année 81 m’a particulièrement marqué, au point de chambouler ma vision de la vie ; ça fait exactement une décennie que je suis musicien professionnel et ma femme a eu son premier enfant. Depuis la naissance de Chloé Louise, ces sept derniers mois ont bouleversé mon mode de vie. C’est marrant, je lisais des interviews de gens comme Lennon qui s’étalaient sur leur vie de famille et tout le trip ; moi, je trouvais ça fort ennuyeux ; aujourd’hui, je comprends mieux. J’avais mon studio à portée de la main et j’ai senti que je devais exprimer tous ces sentiments qui se bousculaient dans ma tête.

 

Pourquoi avoir choisi un instrumental ?Phil Manzanera

 

Parce que j’avais envie que ce disque soit le plus personnel possible. Or, je suis guitariste ; mon expression, c’est le langage guitare. J’ai bien songé un moment à chanter, mais ça aurait été beaucoup trop douloureux.

 

Pourquoi douloureux ?

 

Pour les autres, tiens… Le risque avec un instrumental, c’est qu’il apparaisse beaucoup trop abstrait. C’est pour cela que j’ai choisi un trip géographique : au fil des deux faces, tu te balades dans tous ces endroits où j’ai passé mon enfance, en Amérique du Sud ou ailleurs. Je suis né à Londres. Mon père travaillait pour une compagnie aérienne. Ma mère était colombienne. Avec eux, j’ai d’abord vécu à Cuba, jusqu’à l’arrivée de Castro, puis à Hawaï A chaque fois, je changeais d’école. Ensuite, nous sommes partis au Venezuela puis en Colombie où j’ai au moins une soixantaine de cousins. Lorsque mon père est mort, j’avais 15 ans ; nous sommes rentrés en Angleterre où j’ai fini mes études. Dix-huit mois plus tard, en 71, je montais sur scène pour la première fois avec Roxy. L’album retrace fidèlement ce cheminement. Toutes les compositions sont placées dans un ordre géographique précis. « Criollo », le premier titre, tourne autour du « tiplé », un instrument colombien traditionnel à quatre sets de trois cordes. J’ai visualisé cette musique en imaginant quatre mecs du coin d’une rue de Bogota avec ces « tiplés » et la foule qui les observe. Entre chaque titre, j’ai placé un petit segment de dialogue. Chacun d’entre eux a un rapport étroit avec des gens qui ont travaillé avec moi ces dix dernières années. C’est un peu documentaire, mais ces musiciens m’ont initié à une technique différente. Sur ces segments, tu devrais reconnaitre Roxy en studio, à l’époque où nous enregistrions « For Your Pleasure » Eno après son départ de Roxy, le jour où il a débarqué chez mes parents pour me faire écouter « Here Come the Warm Jets », John Cale pendant la production de son album « Fear », Split Enz et enfin Kevin Godley et Lol Creme avec lesquels j’ai failli monter un groupe, juste avant « Manifesto ».

 

Et ce nouveau Roxy Music, alors ?

Roxy Music

Nous venons juste d’en finir le mixage, mais l’album n’a pas encore de titre définitif. Il devrait sortir en mai, et « More Than This », le simple qui en est extrait, fut programmé pour la fin mars. Cette fois, nous n’avons pas enregistré au Gallery, mais au Power Station et à Compass Point. Nous n’avons fait que les démos chez moi.

 

Je ne savais pas que Roxy Music pratiquait la démo ?

 

Généralement, ça n’est pas le cas, mais pour des raisons fiscales, nous préférons enregistrer à l’étranger. De plus, nous avions préparé plus de trente morceaux dans tous les styles possibles, ainsi, une fois en studio, notre choix pour ce nouvel LP ne pouvait pas être limité. A la fin, nous avons extrait neuf chansons. C’était la première fois que nous nous retrouvions dans une telle position.

 

Pourquoi ne pas avoir fait un double ou un triple ?

 

Honnêtement, je ne crois pas que nous en serions capables, à cause de la somme de travail que cela engagerait. Roxy est un groupe de perfectionnistes qui soignent le moindre détail. Si tu savais quel temps nous passons sur un simple, tu ne parlerais pas de triple LP. D’ailleurs, même nos démos nous ont pris un temps fou.

 

Ce qui signifie que vos maquettes sonnent aussi bien que les versions définitives ?Roxy Music

 

 Parfois, elles sont encore mieux. J’aimerais bien qu’un jour on puisse les sortir, mais les autres ne l’accepteraient jamais. C’est pour cette raison que mes LP solos sont en réaction par rapport à ce phénomène : de temps en temps, je redécouvre l’erreur et sa spontanéité ».

Jet set oblige, Phil se défile à Londres. Dernier souvenir de Paris, il glisse dans sa poche un cendrier de l’hôtel, en souvenir. Les beaux jours revenus, il débarquera avec ses petits camarades pour une tournée française. Et comme Roxy vous en donne plus, ils se produiront sous forme de package avec King Crimson. Alors… Roxy you soon, comme on dit là-bas.

 

Publié dans le numéro 167 de BEST daté de juin 1982Stones

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