OCTOBRE EN MAI ET L’ENVOL DES NUS

OctobreVoici 42 ans dans BEST GBD interviewait pour le même papier sans doute les deux plus grands guitaristes de la scène rennaise, soit l’ex-Marquis de Sade Frank Darcel qui venait de recruter Patrick Vidal l’ex-vocaliste de Marie et les garçons pour ses nouvelles aventures avec Octobre et Frédéric Renaud, ex-MDS et brillant guitariste des Nus, qui nous a quittés bien trop tôt voici déjà 12 ans, pour la publication de leur premier LP éponyme . Et un peu plus d’un an après la disparition de Frank et à la veille de la sortie tant espérée du mythique coffret intégral Marquis de Sade puis l’an prochain d’une nouvelle compilation hommage à sa mémoire avec entre autres Daho, Opispo, les Nus, Sax Pustuls et CHASSEUR… flash-back émotionnel.

OctobreDaho ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=etienne+daho ), Marquis de Sade ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Marquis+de+Sade ), Ubik ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Ubik ), Niagara ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Niagara ) mais aussi Republik ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Republik  ), Sergeil Papai ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Serge%C3%AF+Papai ) et bien d’autres, vous le savez sans doute déjà, j’ai bien souvent documenté ce rock de la Côte Ouest hexagonale qui a su me toucher, sans doute comme aucun autre, au fil des rencontres successives, pour notre mag de la rue d’Antin, dans la capitale du rock Français, comme on disait alors, porté par tous ces merveilleux acteurs de la scène rennaise. Un an après le tragique décès de l’ami Frank Darcel, à qui les musiciens rennais avaient su saluer par un concert tribute ( Voir sur Gonzomusic  ) et à la veille de la publication  du fameux coffret intégral Marquis de Sade sur lequel Frank darcel travaillait au moment de sa disparition et pour lequel ses freres d’armes de MDS ont repris le flambeau, puis l’an prochain sans doute une toute nouvelle compilation en hommage à l’immense guitariste producteur mais aussi auteur de romans remarquables ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/vilaine-blessure.html et aussi  https://gonzomusic.fr/larmee-des-hommes-libres.html), cette double archive Octobre/ les Nus extraite du BEST 178 de mai 1983 se révèle juste émotionnelle.

 

 

Publié dans le numéro 178 de BEST sous le titre :

 

PETITS MARQUIS

 

OctobreL’hiver touche presque à sa fin, le soleil éclaire timidement les rues de Rennes. Le printemps ? On dirait bien. Un à un, les enfants et les petits neveux du Marquis sortent de leur tanière. L’après Marquis de Sade à Rennes, c’est l’atomisation : les groupes se sont multipliés, les galettes de vinyle ont pris leur envol les unes après les autres Ubik Rippe Rigue and Panique avec Daniel Pabœuf, l’un des deux Sade Pustuls. Marc « 83 » Seberg dissimule sous son pseudonyme la voix de Philippe Pascal sur un premier album. Premier LP aussi pour les Nus : Christian Dargelos et Frédéric Renaud sont aussi passés par le club Marquis de Sade. Quant à Frank Darcel, il joue aux tout-terrains entre le second LP d’Octobre, son propre groupe, et les singles d’Etienne Daho (Junior ?) comme « Le grand sommeil ». Octobre en avril, pourquoi pas. Plus d’un an s’est écoulé depuis « Next Year in Asia » ; Darcel et sa bande s’étaient fondus dans la nature. Pas de tournée, pas de gigs, black-out complet en dehors du LP. « Ac-teurs » gentiment plébiscité par les hit-parades, le groupe n’aurait-il pas dû foncer dans la brèche ? Moi, j’aimais bien la musique sans pouvoir m’habituer à la voix du chanteur. Lorsqu’il se lançait en anglais, c’était encore pire, vous savez « non ? Alors Berlitz. Octobre, aujourd’hui, a changé de set, de cordes vocales, Patrick Vidal, ex- Marie et les Garçons, succède à Eric, un nouvel Octobre s’annonce. Pour tenter de le percer, j’ai tourné avec Frank Darcel les pages neuves de cette éphéméride.

Frank Darcel« Je ne regrette pas d’avoir enregistré « Next Year in Asia » avec Eric », me lance Darcel, « Il s’est passé très peu de temps après « Rue de Siam » (le dernier MDS) et peut-être avais-je peur de perdre la main ? En tout cas, nous avons foncé, on s’est embarqué avec Eric sans trop le connaitre. À l’usage, iI s’est révélé qu’on ne s’entendait pas sur les mêmes choses. Nous avons passé toute l’année dernière à refuser tous les concerts qu’on nous proposait. On a essayé sur trois scènes en Bretagne et était évident que ça ne collait pas. Plutôt que de détruire Octobre sur des gigs ratés, on a attendu de trouver un autre chanteur. Lorsque tu te sors d’une expérience qui a plutôt bien marché comme Marquis de Sade, lorsque tu montes un nouveau groupe, tu as un gant à relever. Ce qui signifie que tu ne peux pas te permettre de faire n’importe quoi. Mais je reste persuadé que, si MDS est devenu un groupe de référence, c’est de manière négative, dans la mesure où il n’y avait rien d’autre à l’époque: on nous remarquait d’autant plus. » « Paolino Parc », le nouvel album, se laisse porter par des rythmes funky et tropicaux. C’est HaIrcut 100 en moins marshmallow. Parfois, Darcel sonne comme Carlos Alomar période « t Young Americans » la tendance vire sur le blanc, le baromètre monte. « Paolino Parc est situé en Italie », explique Frank Darcel, c’est bien connu, le soleil n’y manque pas. Patrick a écrit le texte et l’idée vient d’un film de Bertolucci. J’aime les mots et les images qui tournent autour de l’idée de parc et Paolino Parc, cela sonne bien ; donc, à partir de là, ça suffit. Nous sommes plus influencés par une culture cinématographique que par la rock culture en général. Je ne crois pas que cet album soit un disque de rock and roll, parce que ma vie n’est pas du rock and roll. Je vis la nuit, je zone dans les boites, dans les bars. J’aime les morceaux qui déménagent en boite, c’est là que je découvre la plupart des disques. Je surveille le nombre de pulsions par minute (BPM), je m’amuse à autopsier les rythmes. »

OctobreDarcel avoue que, dans la musique, il doit y avoir une part de calcul : le choix d’une démarche, celui des instruments et le dosage du cocktail d’influences, mais si l’inspiration est essentielle, elle reste inconsciente. « Un album se construit comme un bouquin. Il lui faut une introduction. Il faut aussi faire attention à l’agencement des titres. Si deux mots se heurtent côte à côte, on peut changer l’ordre d’un morceau, parce qu’il faut que cela reste harmonieux. Il faut que l’album se tienne à tous points de vue. » Octobre ne trahit pas le Marquis, « Rue de Siam » portait déjà les prémices d’une atmosphère plus aérienne. Peut-on reprocher à Frank Darcel de vouloir dépasser les murailles du ghetto rock ? «

 Lorsque je vols Octobre chez Europe 1, je n’ai pas l’impression de vendre mon âme au diable. Tout ce que je souhaite, c’est qu’on parle de nous, ainsi nous verrons de plus en plus les moyens de nous réaliser en dépassant les contingences matérielles ».

Contre l’image mythique du loser, le guitariste d’Octobre brandit le succès symbole d’indépendance. Le funk vif a des chances de plaire au plus grand nombre, c’est le but du jeu. Concessions or not concessions ? Nuts. Tous ces fans, de ceux de New Order à ceux de Chagrin d’Amour, ont rendez-vous à m Paolino Parc ».

 

Les NusLes autres peuvent jeter l’autre oreille vers Rennes, vers les Nus. Les Nus, c’est drôle, je les avais démolis aux premières Transmusicales. Pas aux secondes. Entre-temps, les Nus avaient pris le temps de mûrir. Rock climatique assez tendu, la nudité arbore ses influences : MDS des origines, Stranglers, Doors et un nuage de cold-wave. Les compositions de Frédéric Renaud plongent leurs racines vers les buvards et les Green Monsters du psychédélisme militant. D’ailleurs, la photo de pochette au « fish eye » est un clin d’œil aux Stones et aux Byrds qui ont utilisé ce procédé sur des albums de l’époque (une compilation et « Turn Turn Turn »). Christian, sur scène, chante un peu comme une Piaf rock des textes où il dose réalisme et poésie. Mais sur disque, le son n’éclate pas, on dirait qu’il est bridé et du coup, les Nus font leur auto-critique. « On a dirigé nous-mêmes l’enregistrement, là où nous avons failli, c’est dans le respect des sons. » Frédéric Renaud juge sans complaisance un premier album mis en boite dans des conditions difficiles. C’est encore la faute à l’abominable Docteur Low Budget qui sévit, hélas, un mal chez les groupes français. Dur pour le rock car petit budget se traduit par studio de variété. Pour passer de Karen Chéryi aux Nus sans bifurquer par les Sex Pistoia, il faut faire preuve d’un éclectisme plutôt louche. Dans ce cas, les ingénieurs ne prennent aucun risque et bonsoir la pèche : « C’est peut-être de notre faute, nous aurions dû essayer d’être beaucoup plus violents », me balance Frédéric en descendant un Coca. Les Nus ont bouclé la cold-wave, comment se sont-ils réchauffés ? « Le besoin. Tout le monde en a marre. On a un peu trop touché le fond de la déprime et de l’autocomplaisance. L’époque pesait trop lourd dans la tête des gens, ça les empêchait de regarder vers l’extérieur » Mais qu’importe le lieu/La révolution continue », dans « Genet Jean » les Nus exhibent leur soif d’évolution, mais elle n’exclut pas la hargne. « Hier, j’ai cassé un téléphone de rage ; parfois c’est un rituel nécessaire. J’adorerais par exemple, brûler ma guitare, la jeter dans les flammes à la fin de « Genet ». C’est aussi déprimant que lorsque tu viens de faire l’amour. Lorsque tu casses ta guitare comme le faisait Townshend, c’est un achèvement Ce rituel tout au bout d’une heure de folie et tu réalises que tu n’as plus rien : c’est le contraire du Happy End. » Frédéric est sincère, c’est rare chez les rockers qui sont toujours prêts à flamber-flasher. Cependant les Nus n’ont aucune envie de se rhabiller, ils n’ont rien à planquer.

Publié dans le numéro 178 de BEST daté de mai 1983BEST 178.

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