NAWEL BEN KRAÏM « Je chante un secret »

Nawel Ben KraïemCela fait bien longtemps que je l’attendais… vingt ans au moins… voire trente … Nawel Ben Kraïem est en effet la digne fille spirituelle de l’« orientalisme désorienté » d’Amina Annabi, dont elle partage l’origine tunisienne et du folk berbère émotionnel de Souad Massi , sans oublier la bonne fée Rachid Taha qui veille sur elle comme sur nous de là-haut dans les étoiles. Subtil mélange de poésie, de folk, de slam, de raï, de world music, de français, d’arabe et de tendresse infinie, nous sommes tombés amoureux de ce lumineux « Je chante un secret ».

Nawel Ben KraïemC’était juste la semaine dernière, lorsque j’ai succombé au charme artistique de cette troubadour orientale. Avec sa guitare acoustique, sa sensibilité à fleur de peau et ce « je ne sais quoi » de rauque au fond de la voix, comme une Kim Carnes au pays de la world-music, Nawel Ben Kraïem nous faisait découvrir son nouvel album « Je chante un secret ». Quelques chansons en écoute, d’autres interprétées en live et acoustique pour découvrir ce disque kaléidoscope. Bien sûr, on a immédiatement songé à Amina (Voir sur Gonzomusic AMINA « Yalil » et aussi AMINA « La lumière de mes choix » ) dont j’avais déjà chroniqué  le sidérant « Yalil » dans BEST  à l’aube des 80’s, comme au folk apocryphe de Souad Massi. Mais au-delà de ces comparaisons la jeune Nawel porte son art en étendard car elle est d’abord poète. Elle scande ses mots, entre performance, récitation et slam et nous séduit de prime abord par son parti pris de se jouer de la musicalité des mots pour les sortir de leur contexte. De même, épaulée par le guitariste éxercé Nassim Kouti, et à la prod le Transglobal Underground Tim Whelan et Mitch Olivier (dont le palmarès inclue  Bashung sur « Le cimetières des voitures » et « Play Blessure », les Rita Mitsouko avant de bosser avec de très nombreux rappeurs hexagonaux.), la chanteuse mêle intrinsèquement musique électronique et instruments traditionnels pour inventer sa propre fusion entre orient et occident, entre tradition et modernité. Tout commence par ce « Paris-Tunis » de poésie scandée qui résume si bien son parcours et ses deux amours, au sens Joséphine Baker du terme. Pourtant, la chanson me rappelle quelque peu un autre « Paris », celui de Taxi Girl version Mirwais/ Daniel Darc en 84 … jolie entrée en matière.

Nawel Ben KraïemFolk mélancolique et acoustique « Délivrance » est un petit bijou de légèreté et d’émotion, entre chant Français, chant arabe et poésie récitée au nom de l’amour. Puis sur l’émotionnelle « Mon ventre sait » chaloupée sur un air de bossa, Nawel pousse sa voix légèrement éraillée qui fait toute sa personnalité. Pulsé par les darboukas, porté par le oud avant de partir en séquences synthétiques, « Moujarad » est un quasi-rap d’un style aussi cool que novateur, qui bifurque sur « Fête secrète » une samba orientale endiablée pour sans doute l’un des titres les plus cools du CD. Idir, le héros du folk kabyle a beau nous avoir quittés voici deux ans (Voir sur Gonzomusic RIP IDIR, LE DYLAN KABYLE ET DAVE GREENFIELD DES STRANGLERS ), il reste toujours vivant dans nos cœurs, la preuve par cette jolie reprise d’« Enfances ». De sa voix rauque, la chanteuse évoque « Ma région » avec à la fois force et faiblesse, dans cette balade aérienne. Presque trip hop « A l’intérieur coule la mer » est une poésie déclamée avec douceur et intimité lorsque « En chemin » est un superbe blues oriental, comme si Janis Joplin pouvait être originaire du Maghreb, sur un texte chair de poule où elle évoque avec flamme son pays. Un peu Velvet Underground « Nous ne sommes pas sans recourt » joue la douleur sur ses distorsions presque psychédélique, puis vient mon morceau favori de cet album l’explosif « Echtah » , un rock  puissant et incantatoire au feeling des gnawas qui ont su si bien envouter Led Zeppelin que ne renierait pas l’ami Rachid Taha. Là où il est, il sait qu’il peut fièrement revendiquer cette filiation avec Nawel. Enfin, tout s’achève sur « J’ai perdu mes carnets », texte chuchoté sur un simple piano sous des chœurs angéliques en guise d’épilogue. Et l’on se dit que décidément ce « Je chante un secret » porte bien mal son titre car c’est un secret à ne surtout pas garder mais bien à divulguer… massivement !

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