MOTÖRHEAD par Julien Deléglise
Increvable Lemmy ! Drogues, alcool et décibels, en près de quarante ans de carrière avec Motörhead, il aura survécu à tout. Une longévité étonnante qui fait dire dans le milieu rock que « si une bombe nucléaire rasait la planète, seuls survivraient Lemmy et les cafards. Les Editions Du Layeur éditent ces jours-ci « Motörhead » un magnifique livre d’art conçu comme un imposant dictionnaire portatif (2,3 kg !) où le fameux métalleux JCM se prend à rêver devant cette inépuisable et précieuse base de données consacrée à cet assourdissant groupe mythique.
Par Jean-Christophe Mary
Durant près de quatre décennies, de 1975 à la disparition de son fondateur Lemmy en 2015, Motörhead ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=motorhead ) aura dynamité les canons du rock ‘n’roll pour lui insuffler une bonne dose de « Space Hard Rock » joué à la vitesse du punk rock. Avec sa haute stature, ses cheveux longs filasses, ses bacchantes de viking et sa verrue proéminente, Lemmy était l’archétype du musicien de hard rock buveur de bière et consommateur d’amphétamines. Fort de ses pochettes d’albums aux têtes à cornes entourés de chaines, Motörhead aura aussi inventé l’imagerie d’un rock’n’roll lourd, un metal sauvage d’une grande puissance sonore, joué pied au plancher. Sans oublier les fameuses séances d’acid test qui feront partie de la vie quotidienne du groupe durant de nombreuses années.
Julien Deléglise raconte de manière détaillée l’aventure de ce gang rock and roll hors norme, qui exerça une influence majeure sur le rock international ces quarante dernières années. Motörhead restera à jamais dans la légende sous la forme de son trio entre 1976 et 1982 : Lemmy Kilmister, Fast Eddie Clark, Philthy Animal Taylor. Album après album, l’ouvrage décrypte la discographie de Motörhead, du premier album « On Parole » au dernier live « Clean, Your Clock » paru six mois après la mort de Lemmy. Malgré une apparence de musique binaire, leur rock’n’roll a été conçu sur « une ligne pure, dont les infime variations n’auront de cesse de constamment se moderniser. Le livre revient sur le passage des différents musiciens qui ont fait l’histoire de Motörhead, qui ont contribué à le faire évoluer. « Le groupe ne sera plus le même après le départ du mythique Fast, Eddie Clark, il connaîtra une courte mais fascinante période avec Brian Robertson de 1982 à 1983, puis ce sera le temps des deux guitares avec Wurtzel et Phil Campbell avant le retour au format trio en 1995. La rythmique sera elle aussi chamboulée entre le tempo punk de Phil Taylor, l’approche metal à l’anglaise de Pete Gill ou la virtuosité de Mickey Dee. Ils sont les différents équipages de Motörhead, ces différentes phases sonores, mais toujours aussi solidement ancré autour de la voix de Lemmy ». Un groupe immédiatement identifiable porté par un leader au tempérament « free spirit »: « Kilmister fut un exemple de l’anti youpi par excellence, avec sa grosse moustache et ses cheveux longs hérité de l’air hippie, ses anciennes du troisième Reich, sa ceinture de cartouches, son perfecto de cuir user. Imperturbable dans ses boots, Blanche. Il fallait une sacrée paire de couilles pour être Lemmy. L’homme n’a eu ni téléphone ni adresse pendant des années. Il vivait de canapé en canapé, jouant pendant longtemps pour une soupe ou un lit. Mais il savait qu’il portait un message juste, qu’il vivait comme il le voulait, et que même s’il devait mourir dans l’instant, il n’aurait pas à rougir de son action. Ce sens du sacrifice jusqu’au-boutistes pour une cause, d’autre la portière. On peut citer notamment Bon Scott premier chanteur d’AC/DC qui vécut sa carrière comme une sorte de croisade pour le vrai rock ‘n’ roll et la parole des petites gens ».
On se délecte des formules truculentes dont Lemmy avait le secret : « Si on emménageait à côté de chez toi, ta pelouse en crèverait ». On y apprend que Motorhead devient Motörhead avec le tréma pour renforcer cette connotation allemande. « Lemmy avait une vision musicale mais aussi visuel, agressive et théâtral. Sur les amplificateurs de Lemmy trônaient des crânes humains argentés où le groupe apparaissait accompagné par un film de propagande du troisième Reich avec des bruits de bot et des scansions de « Heil Hitler ». Motörhead était dans la radicalité sonore et dans la provocation visuelle ». On découvre que le premier album a été en partie produit par Dave Edmunds. Que le premier batteur Lucas Fox, avait été recruté parce qu’il avait le permis et une voiture, puis fût remplacé quelques mois plus tard par Phil Taylor, qui lui aussi avait un permis et une voiture mais surtout « un look avec sa tronche de teigne, ses cheveux noirs en pétard et son pantalon en cuir. Il est déjà un punk sans le savoir ». Julien Deléglise raconte le recrutement du guitariste Fast Eddy Clark : « Un samedi matin vers huit heures, on frappe à la porte de Clark. Ce dernier sort du lit en slip se présente à la porte. Il voit dans le cadre Lemmy et Taylor en grande tenue : blouson de cuir, cartouchières, et bottes de moto. Lemmy tends alors à Clark un perfecto de cuir noir et une cartouchière en lui disant simplement « t’es pris ». Clark venait de recevoir son uniforme ». L’ouvrage évoque le son singulier du groupe, le choc sonore que Motörhead a provoqué dans le monde rock de l’époque : « Il y avait certes des groupes fabuleux, le hard rock rock de Black Sabbath, le punk des Damned, Wire et des Sex Pistols. Mais rien n’a d’équivalent à la férocité de Motörhead en 1977.Motorhead est une sorte d’apocalypse sonore qui a ferveur du punk du rock ‘n’ roll du MC5 des Stoogee et de Ted Nugent, l’effervescence de Cream, Jimi Hendrix, Led Zeppelin et du Jeff Beck group. Et quand le trio fait des reprises « Living Here », « I am your Witch Doctor » de John Mayall, « A Train Kept a Rollin » de Tiny Bradshaw ou « City Kids » des Pink Fairies, à chaque fois voilà que « ces morceaux un peu kitsch » sonnent de manière terrifiante entre leurs mains. Documents d’époque, images d’archives inédites, photos en noir en blanc splendidement éclairées, sublimes pochettes aux couleurs et graphismes stylisées, on découvre au fil de ces 367 pages à grand format, les petites anecdotes qui entourent la réalisation des albums studio, live et archives. Tout y est décrypté, analysé et expliqué afin de comprendre comment ces opus aux pochettes légendaires crées par Joe Petagno ont définitivement marqué l’histoire de la musique rock. Un ouvrage passionnant, très précis qui dresse un portrait fidèle de l’histoire du Motörhead. A découvrir de toute urgence.
Motörhead par Julien Deléglise
Edition Du Layeur . Nombre de pages. 367 pages.