MORT DU SORCIER DUB LEE SCRATCH PERRY

Lee " Scratch" PerrySans Lee « Scratch » Perry, le reggae tel que nous le connaissons aujourd’hui n’aurait jamais existé. Pionnier du reggae roots, sorcier du dub et personnage riche en couleurs, le natif de Kendal a su révolutionner la musique jamaïcaine, il s’est éteint à l’âge de 85 ans à l’hôpital de Lucea, dans le nord de la Jamaïque. On ignore encore la cause officielle de son décès, mais sa disparition laisse un vide énorme dans la culture insulaire. Si l’on pouvait encore en douter, Andrew Holness, le premier ministre de la Jamaïque, a adressé ses « profondes condoléances » à la famille de ce « trésor national » !

Lee " Scratch" PerrySans Lee « Scratch » Perry, le fameux son « roots  rock reggae » de Bob Marley n’aurait sans doute jamais existé. La chanteur producteur maitre incontesté de la production dub, avec son art du jeu de l’espace et de l’écho, saura influencer de nombreux courants musicaux. Avec son look si particulier et son légendaire mysticisme, il est devenu l’un des artistes jamaïcains les plus fameux. Keith Richards l’a un jour décrit comme « le Salvador Dalí de la musique »

Né sous son nom de baptême Rainford Hugh Perry dans la paroisse de Hanover, au nord-ouest de la Jamaïque, en 1936, il n’a pratiquement pas fréquenté l’école , ce qui ne l’empêche pas de se retrouver embauché par le fameux Clement « Coxsone » Dodd, directeur du studio et du label de reggae Studio One, en tant qu’assistant, puis talent scout,  mais aussi DJ, parton de magasin et enfin artiste. Son surnom de « Scratch », il le doit à l’un de ses premiers enregistrements, intitulé « The Chicken Scratch », en 1965.

Perry a également collaboré avec Bob Marley and the Wailers, qui avaient d’ailleurs intégré des membres des Upsetters. Ziggy Marley, le fils de Bob a déclaré à son sujet : « Scratch a aidé mon père à regarder plus profondément en lui-même… [il] a joué un rôle déterminant dans la carrière de mon père ».

Lee Scratch PerryPourtant, le travail avec Marley a hélas fini par tourner au vinaigre, Bunny Wailer ayant même raconté plus tard : « Il s’est juste assis dans le studio pendant que nous jouions notre musique, et puis il nous a baisés. Nous n’avons jamais vu un centime de ces albums que nous avons fait avec lui… L’ignorance de Lee Perry nous a coûté beaucoup d’argent, et je ne lui ai jamais pardonné. »

Très vite Perry va quitter Dodd et son Studio One, pour d’abord collaborer avec le boss du label Joe Gibbs. Mais notre héros est un électron libre et il ne tarde guère à prendre son indépendance, en montant son propre groupe, les Upsetters, avec une première bordée de titres inspirés par les westerns spaghettis : « Return of Django », « Clint Eastwood » ou encore « The Good, the Bad and the Upsetters ». Pour assurer son indépendance artistique en 1973, il monte son propre studio, le fameux Black Ark où il commence à se livrer à toutes sortes d’expérimentations soniques. On le voit ainsi tirer avec des armes à feu et à exploser des vitres pour les échantillonner. Il réinjecte dans ses sons des bruits d’animaux.  La légende prétend même qu’il soufflait de la fumée de marijuana sur les bandes master pour améliorer ses enregistrements. Il est surtout l’inventeur génial de la technique du dub où les basses sont accentuées, les voix carrément supprimées avec une dose massive de révèrbe pour créer un effet dramatique « Pour moi, le studio doit être comme une chose vivante, une vie même », disait-il. « La machine doit être vivante et intelligente. Alors je mets mon esprit dans la machine et la machine exécute ma réalité. »Max Romeo

On se souviendra également que ses Upsetters ont accompagné Max Romeo pour son mythique album « War Ina Babylon » dont il assure la prod. L’album incarne cette vague de reggae politisé du milieu des 70’s porté par l’un des plus grands hymnes du genre, « Chase the Devil ». Parmi les autres classiques produits par Perry, il faut évoquer le classique LP des Congos, « Heart of the Congos », « Party Time » des Heptones, et le mythique « Police and Thieves » de Junior Murvin, hymne insurgé contre les brutalités de la police et sera repris par les Clash dans leur album éponyme. Perry produira d’ailleurs en 1977 leur single « Complete Control »

Allumé, au sens littéral du terme, Lee ‘Scratch » Perry a carrément incendié l’Arche noire en 1983, persuadé qu’elle avait été maraboutée par des esprits maléfiques, cependant il ne cessera jamais d’enregistrer régulièrement jusqu’à ses derniers jours. Il collabore ainsi au fil des ans  avec George «  Funkadelic » Clinton, Moby, The Orb, Ari Up des Slits et les Beastie Boys : « C’étaient de gentils garçons juifs et ils étaient propres à l’intérieur. Très charmants », dit-il de ces derniers, qui lui rendent hommage dans le morceau Dr Lee PhD. Il a également collaboré avec les producteurs britanniques de dub Adrian Sherwood et Mad Professor. Un documentaire sur sa vie, « The Upsetter », raconté par la voix de Benicio Del Toro est sorti en 2008. Exilé en Suisse «  pour ne plus avoir chaud » (dixit). Hélas, bis repetita, son nouveau studio là-bas, baptisé « the Secret Laboratory » ( le laboratoire secret) est la proie des flammes qui consument  également tous ses costumes de scène et ses centaines d’heures d’enregistrements inédits.Lee Scratch Perry

 

Au-delà de son incroyable musique, il était réputé pour ses tenues hallucinantes et ses déclarations à l’emporte-pièce sur son propre personnage : « Je suis un alien de l’autre monde », a-t-il affirmé. « Je vis dans l’espace – je ne suis qu’un visiteur ici-bas.».  Hier, à 85 ans, Lee ‘Scratch » Perry a finalement décidé de cesser de nous visiter. RIP sorcier du dub !

 

 

 

 

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.