AGNES OBEL « Myopia »
C’est son 5éme album en dix ans, Agnes Obel revient avec ce « Myopia » et en plein confinement sa zenitude new age aérienne ne peut pas faire de mal. Mais de là à se faire du bien…Jean Christophe Mary subjugué a pourtant trouvé son compte de vibes positives dans les compositions éthérées de cette inclassable danoise qui vocalise, à mon sens, entre chœurs de nones, Laurie Anderson sous Valium et Björk qui aurait mal tourné. JCM adore. GBD pour sa part recommande fortement l’usage de l’oreiller pour suivre Agnes.
Si je vous dis qu’Obel est née sous X…Obel…X… vous l’aurez compris, ma blague à deux balles ne serait là que pour désamorcer le truc. Sexy comme un filet d’eau tiède, énergique comme une bonne tasse de camomille, Agnes Obel pose sa voix angélique sur ses compositions version film au ralenti. Il suffit de fermer les yeux et on est immédiatement téléporté dans une autre dimension. Le probléme est de savoir si l’on s’y sent bien. « Myopia » sonne comme une messe profane où sa voix portée par un piano dépouillé sonne comme un long…bâillement. Bref, moi je m’y ennuie à mourir. Par contre, Jean Christophe Mary est complètement tombé sous le charme nordique, subjugué par Agnes Obel. Thèse…antithèse…synthèse…après le « contre », voici le « pour »…
Par Jean Christophe MARY
Au fil des ans et des albums, la jolie danoise impose son univers sensible et délicat. Heureux de l’écouter vocaliser au piano ses nouvelles ballades sensuelles qui rappellent Debussy, Bartók, Satie, ou Joni Mitchell. Depuis 2010, cette voix de soprano, ce timbre de petite fille identifiable entre mille et ce corpus de chansons pop enchanteresses lui ont conféré une place à part. Née au début des années 80 d’une mère pianiste et d’un père guitariste professionnel, Agnes Obel étudie le piano et joue de la basse dans un groupe de rock au lycée. En parallèle de ses études à l’Université de Roskilde au Danemark, cette beauté nordique commence à écrire ses premières chansons qui sortiront sur un premier album « Philharmonics » (2010). Subjugué par la voix et la maturité des compositions, John Cale produira le titre « Close Watch ». Suivront deux albums remarquables « Aventine (2013) et surtout le magnifique « Citizen Of Glass » (2017). C’est dans cette même continuité que s’inscrit aujourd’hui « Myopia », nouvelle partition entre pop et musique de chambre, d’une beauté gothique poétique plus mystique avec ses boucles vocales alambiquées, ses paroles romantiques porteuses d’émotion. Autoproduites dans le home studio berlinois de la musicienne, les titres abordent les thèmes de la confiance et du doute avec des voix dramatiques accordées et des mélodies pop de chambre gothique. Comme chez David Lynch ou Enya, Agnès Obel construit chacune de ses chansons comme une petite pièce musicale à part entière. Jazz, pop ou bien encore musique classique, Agnes Obel s’est forgé une personnalité si forte qu’il est devenu impossible de la classer.
Les puristes diront que c’est de la pop orchestrale. Pourtant cela fait bien des années qu’elle a opté pour des structures musicales qui débordent largement l’univers de la pop. Sa musique diffuse des sonorités hors norme, des notes en dehors du temps et des modes. D’ailleurs, elle nous le prouve une fois de plus cet album qui pulvérise les règles de la composition et repousse encore un peu plus, les limites d’une pop à l’avant- garde. Ce qui frappe dès la première écoute, c’est bien sûr la voix. Agnes Obel possède un timbre aérien, fluide et puissant. Gorgée d’émotion, capable de s’élever en apesanteur dans les notes les plus aiguës comme de se lâcher rageuse, dans de violentes douleurs exacerbées, cette voix angélique met l’auditeur à genoux. Avec ces pianos répétitifs, ces phrases réplétives lâchées de comme de comptines, ces arrangements croisant l’électro et l’acoustique, la musicienne nous offre une plongée dans les eaux calmes d’une musique au confluent du rêve, avec ça et là quelques poussées de fièvre ou d’abîmes mélancoliques. Les notes glissent et s’enfoncent vers les territoires de l’étrange avec une certaine saveur romantique. La belle fait partie de ces alchimistes sonores qui vous emmènent toujours plus loin, vers des contrées musicales aux paysages fantasmagoriques où l’imaginaire de chacun peut vagabonder au gré de ses humeurs et de son rythme. À mi-chemin entre la musique ethnique, la new age et la world music, les titres de « Myopa » s’apparentent à de longues plages musicales lissées de sable fin où se mélangent voix sur fond de pulsations rythmiques qui voguent au gré de l’instant, comme hors de l’espace et du temps. Du grand art.