L’ADIEU À FRÉDÉRIC LECOMTE
Décidément les news les plus tristes ne connaissent pas la trêve, après Zermati en juin dernier, c’est une autre figure de la culture rock hexagonale qui tire sa révérence. Frédéric Lecomte était sans doute LE spécialiste francophone le plus pointu en matière de Rolling Stones, pour les avoir rencontrés et étudiés avec une rare clairvoyance. Freelance multi-cartes en presse/radio/télé, l’ami Fred était un rock-critic libre, au sens le plus noble du terme. Il nous a quittés ce matin, à seulement 58 ans. RIR ( Rest In Rock) Fred !
En 1983, Lawrence Kasdan signe le « feel good » movie de cette génération « The Big Chill” où une bande de copains de lycée se retrouve back dans leur petite ville natale pour assister à l’enterrement de leur pote Alex qui vient de décéder. Et lorsque la procession de voitures tous feux allumés s’ébranle pour rejoindre le cimetière, une musique familière se fait entendre. Les chœurs d’enfants s’élèvent puis c’est au tour de la guitare acoustique et enfin celui du cor français. Durant toute la séquence des funérailles de leur ami, Kasdan laisse courir le tumultueux « You Can’t Always Get What You Want » des Rolling Stones et c’est sans doute la scène la plus cruciale du film. Et en ce triste 18 juillet, à l’heure où j’écris ces lignes, l’ami Frédéric Lecomte nous aura quittés. Alors, je réécoute ce joyau des Stones en son hommage. Le journaliste- réalisateur était sous respiration artificielle depuis une semaine, après avoir été victime d’un accident respiratoire. Il est décédé à seulement 58 ans. Immense tristesse pour la perte d’un frère d’armes et fraternelles pensées à ses deux fils Dylan et Lennon dans cette épreuve bouleversante, qui laisse une cicatrice qui ne se referme jamais tout à fait. Dur d’évoquer Fred Lecomte au passé, tant les souvenirs demeurent vivaces.
« Journaliste, auteur, réalisateur, animateur, conférencier, intervenant », comme il se décrivait lui-même, Fred était un remarquable touche à tout, parfois même musicien à ses heures, comme ces héros du rock qu’il adulait. Historien du rock remarquable, il était aussi inégalable qu’intarissable sur le dossier des Rolling Stones. Mais Fred était aussi un collectionneur compulsif de tout ce qui pouvait porter la griffe The Beatles et the Rolling Stones, refusant par là de trancher entre « papa et maman » au sens Dr Freud du terme. Je me souviens combien j’aimais à le charrier lorsque nous étions dans son bureau/musée/autel voué au culte du Dieu Rock. Je lui disais : « Mais Fred crois-tu avoir VRAIMENT besoin de posséder le même « Let It Bleed » en version malgache, japonaise, néo-zélandaise, yougoslave, rhodésienne et chypriote, en plus des pressages US et British originaux ? ». Et il maugréait, refusant bien entendu de répondre. Fred savait aussi se montrer grande-gueule et, bien entendu, punk parfois, preuve de sa forte personnalité. Mais paradoxalement, il n’a pas su, tel l’Ulysse de l’Odyssée, s’attacher solidement au mât de son navire pour ne pas succomber aux charmes si tentants des sirènes. Celles du rock sont hélas bien connues, selon le fameux credo du sex, drugs and rock & roll. Mais tout aussi dangereuses pour celles et ceux qui les écoutent. C’est plus fort qu’eux. Frédéric Lecomte n’est ni le premier, ni le dernier, à succomber aux killing fucking mirages de la mythologie rock, à l’instar d’un Marc Zermati parti voici juste un mois ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/marc-zermati-mort-du-dernier-dandy-du-rock.html ) car à force d’idéaliser nos héros de Brian Jones à Hendrix en passant par Morrison, Cobain mais aussi Prince, Tom Petty et tant et tant d’autres, à force de côtoyer leurs successeurs de backstages en chambres d’hôtels 5 étoiles, la tentation d’adopter les travers les plus néfastes de leur mode de vie peut parfois se montrer la plus forte. Cependant le rock n’explique pas tout, Fred avait en lui bien d’autres plaies jamais refermées.
Il aura collaboré à de nombreux magazines de Télérama à Guitares et Claviers en passant par bien d’autres, éclairé les auditeurs de moult radios et captivé nombre de téléspectateurs aficionados du rock par ses sujet. De la moitié des 90’s à celle des années 00, Fred aura collaboré au magazine BUZZ dont j’étais le rédac-chef, tendant son micro pour réaliser des interviews et nous livrant nombre de chroniques d’albums. En 2015, avec son accord, j’avais republié son émotionnel entretien avec Daniel Darc ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/daniel-darc-letoile-sombre.html ) sorti dans le numéro 76 de BUZZ. En ce triste jour, plus que jamais peut-être, il est bon de relire les mots de Fred et ils n’étaient jamais aussi éloquents que lorsqu’il évoquait les Rolling Stones avec son expertise si exacerbée. Par conséquent, voici deux articles rédigés par l’érudit rock Frédéric Lecomte extraits des numéros 8 ( 1995) et 27 (1998) de BUZZ qui leur était consacré. Et comme on dit, Ladies and gentlemen… the Rolling Stones… par Lecomte. Adieu mon camarade.
Publié dans le BUZZ numéro 8 sous le titre :
PIERRES DE TAILLE
Par Frédéric LECOMTE
La réédition des dix-huit albums enregistrés par les Rolling Stones entre 1963 et 1969 constitue l’évènement discographique majeur de cet été 95 qui verra le plus grand groupe de rock’n’roll du monde se produire dans l’Hexagone. Remixée en numérique d’après les bandes originales, cette mine de chansons inaltérables symbolise l’âge d’or d’un groupe mythique et atypique, apogée où se mêlent parfums de scandale, odeurs de stupre, effluves de fumées illicites et slogans de révolte à l’emporte-pièce: « I Can’t Get No Satisfaction », « Let’s Spend the Night Together », « Street Fighting Man » ou encore « Sympathy For the Devil ».
Au début des années 60, un vent de folie déferle sur une jeunesse anglaise en pleine ébullition. Les Beatles squattent les premières places des hit-parades, Elvis Presley n’est plus qu’un vieux souvenir, l’heure est aux groupes du British beat, The Who, The Kinks, The Animals, The Pretty Things, The Yardbirds et bien sûr, The Rolling Stones. Formés en décembre 1962 à Dardford, Kent, dans la grande banlieue de Londres, ces derniers mettent un malin plaisir à être les plus chevelus, les plus sauvages, les plus agressifs, les plus bruyants, les plus sexuels, bref, les plus rock’n’roll. À l’époque, c’est Brian Jones, lutin blond à qui on donnerait le Bon Dieu sans confession, qui est le leader du groupe. Il joue de la guitare comme un diable souffle l’âme du blues dans son harmonica magique et sa toison d’or provoque hystéries collectives et évanouissements en masse chez la junte féminine. À ses côtés, Mick Jagger, chanteur lippu au jeu de scène obscène et subversif, également harmoniciste, et grand spécialiste lorsqu’il s’agit de marmonner des insanités suffisamment audibles pour attirer les foudres des défenseurs de l’ordre établi et des valeurs morales. Autre renégat invétéré, Keith Richards, zonard et délinquant notoire, immédiatement identifiable à ses pupilles dilatées, ses oreilles décollées et ses parties de guitare solo rageuses et tapageuses. Enfin, toujours en retraits, mais d’une efficacité redoutable, Bill Wyman, son visage fantomatique, son énorme basse, et Charlie Watts, batteur métronomique propulsant le combo à un rythme effréné. Au départ ils étaient six, avec Ian Stewart au piano. Mais le manager du groupe, Andrew Loog Oldham, évinça « Stu » sous prétexte que son look débonnaire et naïf de gentil cousin provincial ne cadrait pas avec l’image rebelle des Rolling Stones. Jusqu’à sa mort prématurée en 1985, Ian Stewart tiendra avec classe et fidélité le rôle ingrat de l’homme de l’ombre, celui qui joue avec les Stones sur scène et en studio, qui transporte le matériel sans broncher et qu’on ne voit ni sur les pochettes des disques, ni lors des apparitions télévisées du groupe.
C’est pourtant dans la cave humide de leur pianiste que les Stones rodent inlassablement un répertoire exclusivement constitué de reprises de blues. En grand initié, Brian Jones a fait découvrir les pionniers des douze mesures ancestrales à ses petits camarades de jeu et le groupe travaille sans relâches des compositions signées Muddy Waters, Jimmy Reed, Bo Diddley, Slim Harpo, Howling Wolf et Willie Dixon, sans oublier la marotte de Keith, le grand Chuck Berry. Radicalement à l’opposé des gentils Beatles qui composent de jolies mélodies entêtantes et enivrantes, les Stones braillent d’inavouables romances dans un déluge de décibels, déclenchant émeutes et bagarres à chaque fois qu’ils se produisent sur scène. Leur image de voyous, leur accent cockney inimitable et leur attitude de petites frappes, font que les Rolling Stones ont un impact unique dans l’histoire du rock. Il suffit de jeter un œil aux pochettes des dix-huit albums fraîchement remastérisés pour réaliser à quel point ces cinq matous cradingues avaient le sens de la mise en scène et savaient parfaitement travailler leur image en posant de façon suggestive devant les objectifs des plus grands photographes (David Bailey, Michael Cooper, etc.) et en imposant leur état second avec malice, pour ne pas dire avec délice.
La folle saga discographique des Rolling Stones démarre un beau jour de juin 1963, lorsque paraît leur premier 45-tours « Come On »/ »I Want To Be Loved ». De ces deux morceaux obscurs, les Stones n’ont gardé que le châssis pour les customiser à leur image, à grands coups de riffs électriques et de cymbales symboliques, le tout ponctué de crissements d’harmonica et de basse kamikaze. Respectivement composés par Chuck Berry et par Willie Dixon, « Come On » et « I Want To Be Loved » figurent sur l’indispensable coffret « Single Collection » regroupant tous les 45-tours (faces A et B) des Cailloux parus aux États-Unis avant qu’ils ne fondent leur propre maison de disque. Faisant l’admiration des quatre de Liverpool, ceux qui ont la langue bien pendue se voient « offrir » une chanson composée par Lennon et McCartney, « I Wanna Be Your Man ». Brûlot vantant les vertus de l’amour instantané, ce titre sort en face A de leur second single et leur ouvre les voies du succès. Mais le plus intéressant reste à découvrir. Pour cela, il suffit de retourner la galette de vinyle et de s’envoyer « Stoned », blues bâtard d’une saleté repoussante, signé Nanker/Phelge (pseudonyme collectif), dans lequel Jagger avoue: « Défoncé, je n’ai plus mes esprits… j’y retourne, ah yeah! ». Paniqués par cette incitation à prendre un aller simple pour les paradis artificiels, les Français décident de raptiser le morceau « Stones » et l’imprime ainsi sur la pochette… Le bras de fer ne fait que commencer.
Durant toute l’année 1964, les Stones défraient la chronique et publient une ribambelle de 45-tours tous plus enlevés et plus vitriolés les uns que les autres. Le « Not Fade Away » de Buddy Holly devient un appel au coït ininterrompu, « It’s All Over Now » de Bobby Womack voit la phrase « High Class Game » (jeu de première classe) transformée en « Half ass game » (à vous de traduire…), quand ce ne sont pas des hymnes à la fornication pure et simple tels « I Just Want To Make Love To You » ou « Little Red Rooster ». Seuls quelques airs tendres permettent au public de reprendre son souffle dont le fameux « Time Is On My Side ». Quant aux albums, ils remplissent les bacs des disquaires à un rythme fournit et régulier, incluant certains titres parus en 45-tours auxquels s’ajoutent de véritables merveilles: « Carol », « Route 66 », « Can I Get A Witness », « I’m A King Bee », « Walking The Dog », « Around And Around », « Confessin’ The Blues », « Everybody Needs Somebody To Love », etc. Parallèlement, messieurs Jagger & Richards se mettent à écrire leurs premières compositions. Après le timide « Tell Me », ils composent de petites perles pleines d’inspiration qui leur permettent de conquérir l’Amérique une bonne fois pour toutes et de s’assurer de confortables royalties. Certes, « Good Times, Bad Times » (blues acoustique de toute beauté), « Off The Hook » ou « Heart Of Stone » (musicalement complètement pompé sur le « Pain In My Heart » de Otis Redding), assurent au groupe un succès sans cesse évolutif, mais la grande explosion, celle dont la déflagration s’entend aux quatre coins du monde, ne se produit que l’année suivante avec « (I Can’t Get No) Satisfaction) », morceau de bravoure et pièce de résistance dénonçant les frustrations d’une jeunesse révoltée et émancipée. Censuré sur les ondes à cause de l’expression « make some girl » (se faire une fille), alors que Jagger parle ouvertement de cigarettes différentes de celle qu’on trouve dans le commerce, « Satisfaction » est le cri de ralliement de tout ceux qui ont envie de faire bouger le monde. À partir de là, les Stones pondent hit sur hit (« The Last Time », « Play With Fire », « Get Off Of My Cloud », « 19th Nervous Breakdown », « Paint It Black »), et composent pour la première fois l’intégralité d’un album majeur, le fabuleux « Aftermath » qui voit le jour en 1966 et marque un changement de format (la chanson « Goin’ Home » s’étale sur plus de onze minutes de délire), doublé d’une nouvelle orientation musicale (l’apport d’instruments comme le sitar, le dulcimer, la flûte, le violoncelle et le xylophone par un Brian Jones qui n’a pas voix au chapitre des compositions), s’éloignant progressivement et temporairement du blues au profit du psychédélisme naissant.
La suite n’est qu’un grand bain d’acide dans lequel nos cinq brigands trempent leurs cerveaux et leur musique. A partir du génial « Have You Seen Your Mother, Baby, Standing In The Shadow? », les Stones passent de l’autre côté du miroir pour un grand voyage au pays des substances hallucinogènes, comme en témoignent les albums « Between The Buttons » et « Their Satanic Majesties Request » parus en 1967, entrecoupés de singles cinglants (« Let’s Spend The Night Together, », « We Love You », « She’s A Rainbow » « 200O Light years From Home ») et d’arrestations à répétition (ils passent même une nuit derrière les barreaux) pour détention de drogues diverses. Chaotique et anarchique, cette période affecte irrémédiablement Brian Jones, fragilisé par son incroyable propension à ingurgiter tout ce qui lui passe entre les mains et désabusé par le droit de cuissage qu’exercent Jagger et Richards sur la création musicale du groupe.
Très vite las des bidouillages électroniques et constatant que leur succès bat légèrement de l’aile, les Stones décident de se ressaisir et retournent à ce sacro-saint bon vieux rock’n’roll qu’ils savent jouer mieux que quiconque. Ce recentrage s’effectue d’abord en 45-tours, avec un coup de semonce baptisé « Jumpin’ Jack Flash » (la face B, « Child Of The Moon », est également à écouter en boucle), puis en 33-tours avec « Beggar’s Banquet », véritable bible stonienne déclinant les versets sataniques sur tous les modes: provocation aux combats de rues (« Street Fighting Man »), incitation au viol de mineurs (« Stray Cat Blues »), apologie du Diable (« Sympathy For The Devil) et autres activités réprimées par la loi. Paranoïaque au dernier degré, rongé par les expédients et incapable de reprendre la route, Brian Jones est « démissionné » du groupe quelques jours avant de plonger définitivement et mystérieusement au fond de sa piscine en juillet 1969. Les Stones le remplacent par l’excellent Mick Taylor et poursuivent leur ascension au sommet avec de grands standards du rock’n’roll: « Honky Tonk Women » (hommage aux putes du monde entier), « You Can’t Always Get What You Want », « Gimmie Shelter », « Midnight Rambler » (l’étrangleur de Boston dans ses basses œuvres), « Brown Sugar », « Wild Horses », etc. Si vous ne savez par quel disque commencer ou que votre budget ne vous permet pas d’acquérir dix-huit CD d’un coup, sachez que l’essentiel des meilleurs titres des Stones (tous cités plus haut) figure sur le triple CD « Singles Collection-The London Years » et sur le double album « Hot Rocks 1964-1971 ». It’s only rock’n’roll et que du bon !
Publié dans le BUZZ numéro 27 sous le titre:
SOUND FIGHTING MEN
Par Frédéric LECOMTE
La réédition en SACD de vingt-deux albums des Rolling Stones couvrant la période 1963-1970, constitue incontestablement un événement sans précédent. Remasterisés et restaurés d’après les bandes mères, ces disques mythiques n’ont jamais révélé un tel son, tout simplement époustouflant. Explications et revue de détail avec Jody Klein (producteur, fils d’Allen Klein) et Steve Rosenthal (archiviste restaurateur). Now, we can get satisfaction ! Il aura fallu six ingénieurs du son basés des deux côtés de l’Atlantique, dix ans de recherches d’archives et sept mois de restauration en studio pour que ce projet révolutionnaire aboutisse. Au programme, l’âge d’or des Rolling Stones, avec pour la première fois des albums de chevet présentés dans leur version anglaise, comme “Out Of Our Heads” (1965), “Aftermath” (1966), “Between The Buttons” (1967), ou encore “Metamorphosis”, compilation de titres inédits parue en 1975, éditée pour la première fois en CD. Heureusement que les fêtes de fin d’année approchent, il y a du cassage de tirelire dans l’air…
« Qu’est-ce qui vous a poussé à rééditer ces vingt-deux albums en SACD ?
Steve Rosenthal : À la base, il s’agit essentiellement d’un projet d’archivistes. La plupart de ces enregistrements datent de plus de trente ans et les bandes analogiques sur lesquelles ils figurent ont une durée de vie limitée. Passé un certain temps, elles deviennent inutilisables, d’où l’urgence de les archiver et de les sauver afin que les futures générations puissent continuer de les écouter. Nous sommes partis des bandes mères en quart de pouce, nous les avons passées en solution sonique 24-96, avant de les remastériser et de les transférer sur le nouveau système SACD, ce qui nous a permis de constater qu’il n’y avait virtuellement aucune différence entre le son originel des bandes mères et celui du SACD qui est transparent et s’applique au format numérique.
En quoi consiste ce système SACD ?
Jody Klein : C’est très simple, c’est la nouvelle étape de l’évolution du CD, à l’image de celle qui eut lieu entre le 78 et le 33-tours. La différence est qu’on utilise deux disques qu’on superpose pour qu’ils n’en forment qu’un seul et génèrent le meilleur son qu’on n’ait jamais obtenu, même en les passant sur un lecteur CD traditionnel. Pour le prix d’un seul disque, on a un CD en 16-bit qu’on peut passer sur n’importe quel lecteur et le même CD compatible avec une nouvelle platine SACD en écoute 5.1. J’ajoute qu’à l’inverse du DVD audio, le SACD est le seul format exclusivement fait pour la musique.
La remasterisation SACD enterre-t-elle définitivement les mixages mono originaux du début des années 60 ?
S.R. : C’est un point très important et la réponse est non. Nous avons passé des heures à restaurer ces mixages mono, notamment ceux des 45-tours, comme on peut l’entendre sur le triple album “The Singles Collection”. C’est un travail dont nous sommes particulièrement fiers. Le SACD permet effectivement de diffuser le son en multi-canaux, mais si on l’applique sur une seule piste mono, on obtient une définition et une profondeur de son phénoménales. Nous avons fait écouter à Phil Spector les morceaux des Stones auxquels il a participé et il était aux anges…
Prenons un exemple concret : un album comme “Out Of Our Heads” contient des chansons enregistrées entre 1964 et 1965, dans des endroits aussi divers que Chicago, Hollywood, ou encore en Angleterre. Comment avez-vous procédé pour regrouper les bandes mères ?
S.R. : Excellente question ! La recherche des masters nous a pris entre sept et dix ans… À l’inverse des Beatles dont l’essentiel des chansons provient des studios Abbey Road de Londres, celles des Stones furent enregistrées des deux côtés de l’Atlantique dans de multiples studios. Aller à la source fut un véritable casse-tête, d’autant plus que toutes les masters étaient sur des bandes de marques différentes, Scotch, EMI, AGFA, etc. Je tiens à dire que les Stones eux-mêmes se sont montrés très coopératifs. Sans leur aide précieuse, ce vaste projet n’aurait jamais pu aboutir. Même Charlie Watts qui n’écoute jamais les disques des Stones s’est mis à tout réécouter en SACD !
Était-ce émouvant de vous replonger dans ces enregistrements ?
S.R. : Tu parles… Nous avons passé des nuits de surexcitation à écouter et restaurer ces grands classiques. Un des moments les plus émouvants fut lorsque nous avons découvert que le mixage original de “Let It Bleed” enchaînait toutes les chansons de l’album sans la moindre seconde de silence entre elles. C’est lors du mastering pour la gravure du vinyle qu’un ingénieur du son avait décidé de les séparer d’un blanc. Aujourd’hui, ce mixage est disponible pour la toute première fois.
Pour quelles raisons n’avez-vous réédité que certains albums dans leur version anglaise ?
J.K. : Parce qu’il n’y avait que d’infimes différences entre la version anglaise et la version américaine. De plus, les titres qui ne figuraient à l’origine que sur des E.P.’s (45-tours quatre titres, NDLR) ont été ajoutés sur les nouvelles rééditions des compilations “More Hot Rocks” et “The Single Collection”. Je pense notamment à des chansons comme “I Can’t Be Satisfied” et aux différentes versions de “Poison Ivy”, “Everybody Needs Somebody To Love” et “Time Is On My Side”. Nous avons également édité pour la première fois en CD la version studio de “I’ve Been Loving You Too Long”.
Pourquoi n’avoir ajouté aucun titre supplémentaire (le E.P. anglais “Got Live If You Want It” aurait pu figurer en bonus de l’album du même nom, par exemple), sachant que ces disques durent environ moins de 40 minutes et qu’il existe des heures d’inédits toujours indisponibles ?
J.K. : D’abord, notre but était de restaurer soniquement ces albums tels qu’ils sont parus à l’époque. Ajouter des titres supplémentaires les aurait défigurés. Quand on connaît un disque par cœur, il commence et finit toujours avec les mêmes chansons. Si d’autres morceaux viennent s’y ajouter, ce n’est plus le même disque. Notre mission n’était pas de recréer, mais de répliquer.
S.R. : Une des particularités des albums des Stones est que ce sont des œuvres d’art. Quand on va au Louvre, on ne veut pas voir un hologramme de la Joconde en trois dimensions…
J.K. : Concernant les heures d’inédits auxquelles tu fais allusion, c’est une question intéressante à laquelle je ne peux répondre… (Silence gêné, NDLR). C’est un problème d’intégrité… Le fait que tous ces inédits existent ne signifient pas forcément qu’ils doivent voir le jour. Disons que pour le moment, ce serait inopportun…
Pourtant, les Beatles, Who, Yardbirds, Pretty Things, Kinks, Jimi Hendrix Experience, Cream, Free, etc, ont tous eu leurs “Anthologies” ou leurs coffrets bourrés d’inédits, sans parler des légendaire “BBC Sessions”. Pourquoi pas les Stones ?
S.R. : Well… Keith Richards aimerait bien qu’un coffret sorte un jour, mais actuellement, les Stones sont en tournée et ça ne semble pas le bon moment. La grande différence entre les Stones et les groupes que tu as cités, c’est que tous ces groupes n’existent plus, alors que les Stones sont toujours en activité.
Certes, mais vous avez dit que les bandes analogiques avaient une durée de vie limitée. Un jour, il sera trop tard…
J.K. : Non, parce que nous pouvons affirmer que tout ce qu’ont enregistré les Rolling Stones à l’époque est archivé et protégé. C’est un projet titanesque.
S.R. : Dire que nous n’avons pas écouté et restauré chacune de leurs sessions studio serait mentir.
Quels sont vos futurs projets pour les Stones maniaques ?
J.K. : Rééditer “Rock And Roll Circus” en SACD et DVD. Ensuite, on verra… »
Bien attristé en apprenant le décès de Frédéric Lecomte, un bon ami et voisin du 10ème, j’ai réalisé cette vidéo en souvenir des bons moments que l’on a passés ensemble à enregistrer à la maison tout ce qui nous passait par la tête. J’ai sélectionné cet enregistrement parmi d’autres pour lui rendre hommage.
Je vous en fais part
Bien cordialement
Jean-Louis Morel
Merci JL
Rectificatif : j’ai oublié de joindre le lien de la vidéo en hommage à Frédéric Lecomte.
https://www.youtube.com/watch?v=tDOx1bm3-Dw
Voilà, c’est fait
Merci Gérard, merci Jean-Louis.
Fred, adieu, j’ai encore sur mon étagère la collec de K7 de l’intégrale des Stones que tu m’avais faite. Faché après moi de na pas t’avoir retrouvé depuis 1997.
C’est en cherchant à joindre Frédéric pour lui envoyer un titre tout juste retrouvé et « nettoyé » dans un ensemble de 7 que nous avions enregistrés en groupe quelque part dans les années 80 que j’ai appris la triste nouvelle. Je venais donc d’écouter ces derniers jours et à de nombreuses reprises sa voix et toute l’intensité qu’elle portait me ramenait à lui. La lecture après plus d’un an de cet adieu sensible à Frédéric me secoue le cœur. La dernière soirée passée ensemble remonte déjà à 1998. Sa disparition est inconcevable et il reste pour moi dans sa jeunesse éternelle. Si je parviens à le faire je déposerai ici ce titre.
Merci Gérard pour ce bel hommage et cette très belle page. Et quel bonheur de le relire et de l’entendre. La page est magnifique et je sais à quel point il aurait été heureux de cette affection .
MERCI ELVIRE