L’ACADÉMIE DU RÊVE
Un peu plus de six mois après la sortie de leur premier LP, au titre éponyme « The Dream Academy », le trio londonien débarquait pour la toute première fois à Paris et, séduit par leur pop aérienne élégamment griffée par le Pink Floyd David Gilmour, GBD sous le charme leur tendait son micro pour BEST. Certes la ravissante Kate Saint-John n’était sans doute pas étrangère à ce coup de foudre sonique. Pourtant , 30 ans plus tard le son prodigieux de l’Académie du Rêve n’a décidément rien perdu de sa grâce angélique.
Ce que j’aimais le plus durant les 70’s puis les 80’s, c’était cette incroyable diversité que l’on pouvait trouver dans la musique. Tous les six mois, un nouveau son, une nouvelle tendance imprimait durablement ou pas sa marque. Des punks aux groupes two-tones, des fugitifs new-romantics aux héros de la new-wave jusqu’à la « soul aux yeux bleus », comme un changement perpétuel. Parfois néanmoins, certaines formations échappaient totalement aux étiquettes de l’époque. C’était justement le cas de the Dream Academy. Portée par son premier hit, « Life in a Nothern Town », qui échappe à l’attraction terrestre, et par l’imprimatur de David Gilmour qui produit ce premier 33 tours, lorsque l’Académie du rêve débarque pour la toute première fois sur le continent, je suis ravi de leur tendre mon micro pour BEST…et de succomber aux charmes de la délicieuse Kate Saint John sous ses faux airs de Joni Mitchell. Hélas deux albums plus tard, « Remembrance Days » en 87 puis « A Different Kind of Weather » en 90, the Dream Academy se désintègre. Néanmoins, 30 ans plus tard, leur rêve continue de vibrer intact dans nos oreilles.
Publié dans le numéro 215 de BEST sous le titre :
DEUX HOMMES ET UNE FEMME
Suspendu entre ciel et terre, planté au cœur de l’imaginaire, le Conservatoire du Rêve est incarné par le tracé si sensuel des lèvres de Kate Saint-John. Blonde, évanescente et que le grand cric me croque, la chanteuse de Dream Academy me tenait au creux de sa main comme un King Kong en version James Bond girl. Sous sa mini-jupe paisley, ses bas noirs crissent pour mon micro. Du coup, j’en oublie les deux tiers du groupe: Gilbert « claviers » Gabriel et Nick «guitare/vocaux» Laird-Clowes. Trio londonien, le Dream Academy est un non-sens du rock and roll puisqu’il s’est formé dans un Conservatoire de musique classique. Damned, voici donc le pire outrage depuis les Pistols. Ces classicos nécrophiles ont sans doute tous les torts, mais ils me font aussi succomber. Ils tombent aussi le public ricain avec «Life in a Nothern Town ». Cinglante poperie où ils réveillent Kennedy et les Beatles. En France, c’ est « Love Parade» qui cartonne pour ses réminiscences à la Pierre Barouh. Le profil du Rêve ne serait pas complet sans invoquer pêle-mêle les Bee Gees et les Beach Boys, les Moody Blues et Michael Franks, 10 CC et Prefab Sprout et peut-être bien Pink Floyd. Ajoutez Beethoven et des fringues psychédéliques pour achever de brouiller les pistes. L’anthropologisme rock est tout de même un fichu métier.
« Nick Laird.Clowes: Nous sommes un pur produit des 80’s. Ces vêtements viennent de stylistes que nous aimons comme Scott Crawler. Si elles évoquent les 60’s, elles sont aussi en plein dans le courant actuel du temps.
Comment vous êtes-vous offert un producteur tel que David Gilmour ( Pink Floyd justement) ?
Kate Saint-John : (en français s.v.p.) Gilmour et Nick sont amis depuis longtemps. Il nous a aidés dès les toutes premières démos.
N.L.C. : En 78, son frère et moi appartenions au même groupe, The Act. Lorsqu’il s’est séparé, je suis resté ami avec Dave. Dream Academy s’est alors constitué, il nous a aidés à traduire dans les faits un tas d’idées expérimentales pour construire un anti-groupe de rock.
Quoi, tu n’aimes pas le rock?
N.L.C : Le rock est devenu aussi chiant que stérile au lieu d’être excitant et novateur. Le trio infernal « guitare/basse/batterie» me fait hurler d’ennui. Nous sommes comme ce peintre qui se refuse à n’utiliser que le noir et blanc car il veut embrasser toutes les couleurs du spectre.
Dans « The Edge of Forever», tu as écrit cette phrase, « two hearts beat as one … « . Ça ne te rappelle pas quelque chose?
N.L.C: Je crois bien que c’est Dylan. Je suis allé voir son film, « Renaldo and Clara» et je me souviens qu’il dit à un moment: «lorsque tu rencontres quelqu’un que tu aimes vraiment, tu comprends que les deux cœurs battent à l’unisson ». Dylan est un grand romantique, j’ai donc repris sa phrase. Je crois que U2 lui a aussi emprunté ce « two hears beats as one »
Parmi les emprunts, on trouve aussi le thème principal de « Love Parade» et sa troublante similitude avec les « chabada chabada » de la BO de « Un Homme et une Femme» ?
N.L .C: C’est vrai, le son est très français et il y a sûrement du Lelouch dans « Love Parade ». Disons que Dream Academy sait aussi être latin. Dream Academy- comme les Doors- doit son nom au roman d’Aldous Huxley «The Doors of Perception », c’est aussi un symbole d’ouverture?
K.S.J : C’est comme nos influences, elles sont sans frontière. Moi j’ai une formation classique avec le hautbois et je suis pourtant fascinée par la pop car c’est la même chose. Mozart, à son époque, provoquait sa propre Beatlemania. Nous, on associe la technologie des synthés au vieux bois des instruments acoustiques.
Vous jouez à Docteur Jekyll, Mister Hyde?
N.L.C. : Tu dois utiliser tout ce qui t’entoure pour créer la meilleure musique possible. Qui veut rester sottement puriste lorsque le mélange est essentiel pour créer de nouvelles formes?
K.S.J : On est un groupe global, un groupe de fusion. On est cosmopolites dans la ville cosmopolite. Dream Academy a l’harmonie d’un monde idéal, mais pourtant nous ne vivons pas dans un monde idéal.
N.L.C. : Les textes sont assez réalistes. » Life in a Northern Town» traite des interconnexions entre le chômage et la surconsommation d’héroïne. Notre musique a ce côté idéal, elle tranche avec nos idées et nos mots. On dit qu’elle est triste et désolée. Un vrai musicien ne doit-il pas connaitre les bleus au cœur. Pour nous, la Dream Academy c’est quelque chose comme la certitude que demain le soleil crèvera les nuages. »
SOS Fantômes, discrète et omniprésente, l’ombre du Floyd rase les murs de ce Conservatoire. Peter Buck de R.E.M. en conférencier invité et tout le· brio de la production Gilmour, comme du Phil Spector « wall of sound » projeté dans la Quatrième Dimension, Dream Academy est décidément une histoire à rêver debout.