LA MALÉDICTION BADFINGER

BadfingerOn parle souvent de mauvais œil, mais avec Badfinger il faudrait plutôt parler de mauvais doigt tant ce mythique groupe gallois a su exceller dans l’art de la poisse, de la guigne, voire de la panade. Et cela aurait pu prêter à en rire comme si souvent au pays du rock, si hélas avec le groupe de Swansea la pire tragédie n’était au bout du chemin. Malgré tous ses hits et tous ses rêves pop accomplis notamment sur Apple, le label des Beatles, la malédiction Badfinger conduira deux de ses membres au suicide après avoir été pillé par un manager véreux lorsqu’un troisième décède d’une rupture d’anévrisme. Retour sur une triste épopée rock par OldClaude…

BadfingerPar OLDCLAUDE

Comment pourrait-on titrer d’une autre façon ce que je me prépare à écrire sur Badfinger, l’un des groupes les plus doués et talentueux des « early-seventies British » , mais aussi l’un des plus sous-estimés, des plus oubliés, des plus malchanceux, et, vais-je oser l’écrire, des plus maudits ?

Tout démarre avec Pete Ham (1947-1975), chanteur, guitariste et pianiste, leader des Iveys, groupe de la mouvance Hollies, à Swansea (Pays de Galles) au milieu des années 60, dont le batteur est Mike Gibbins, également futur Badfinger. Un jour, Mal Evans, assistant des Beatles entend une de leurs maquettes et la transmet à Paul McCartney, lequel leur propose un contrat d’enregistrement, le premier signé par un autre groupe que les Beatles, chez Apple Records. Le liverpudlian Tom Evans (1947-1983), chanteur et bassiste, rejoint alors le groupe, suivi par un autre natif de Liverpool, Joey Molland, guitariste, claviériste, chanteur, et ils décident de prendre le nom de Badfinger. McCartney leur offre une de ses compositions, « Come And Get It » qui devient le premier succès du groupe. Tiens, je vais vous traduire les paroles de
Paul ; ça va vous faire froid dans le dos : « Si vous le voulez, le voici/Venez le chercher/Décidez-vous vite/Si vous le voulez n’importe quand/Je peux l’obtenir/Mais vous feriez mieux de vous dépêcher car cela ne durera peut-être pas ». Ils sortent ensuite ce que l’on peut considérer comme leur meilleur album, « No Dice », excellent de bout en bout et qui renferme, outre « No Matter What », la perle « Without You » à laquelle Nilsson donnera un retentissement mondial en 1972, sans même parler de Mariah Carey en 1994. Badfinger participe également à l’enregistrement d’« Imagine » de Lennon et d’ « All Things Must Pass » de George Harrison et devient le « backing band » de ce dernier pendant le fameux concert pour le Bangladesh au Madison Square Garden. Ils publient « Straight Up » en 1972, produit par Todd Rundgren ( Voir sur Gonzomusic  et aussi    ), leur plus grand succès américain, avec les chansons « Day After Day » et « The Name Of The Game », superbement écrites par Pete Ham, et obtiennent un nouveau tube aux USA avec « Baby Blue ». Mais les temps changent, et en 1973 la mouvance Beatles commence à passer de mode. Leur album « Ass » se vend mal, et le splendide « Badfinger » (1974) produit par Chris Thomas est totalement ignoré, de même que « Wish You Were Here » (1974), malgré quelques efforts pour adopter le son de l’époque.

BadfingerEt puis, il y a Stan Polley, (1922-2009) manager américain véreux, proche du crime organisé, à qui Badfinger a demandé de s’occuper de ses intérêts aux USA.  Mauvaise pioche ! Car c’est ainsi que dès avril 1970. Polley crée Badfinger Enterprises Inc. , qu’il contrôle entièrement, et dont tous les bénéfices commencent à lui revenir. Par exemple, pendant que Pete Ham touchait 6000 $, Polley en mettait 76000 $ dans sa poche ; et il n’hésitait pas à menacer, y compris avec des armes à feu, tous ceux qui voulaient se mettre en travers de ses actions. Il donne ensuite le coup de grâce au groupe en signant un contrat insensé́ avec Warner Bros Records, qui implique que Badfinger doit publier deux albums par an pendant 3 ans ! C’est à peu près à cette époque que Apple Records fait faillite, empêchant que Badfinger ne tire profit de tous les disques vendus par le label. Heureusement, il reste l’énorme avance de 3 millions de $ que WB donne au groupe… hé bien non la scoumoune continue car elle est entièrement captée par Polley ! Warner poursuit le manager en justice, mais retire en même temps l’album « Wish You Were Here » de la vente, pendant que Ass, le dernier album Apple, réussit à sortir ! Même si Badfinger tente d’enregistrer un ultime album, c’est Warner Bros qui, en 1975, dénoncera le contrat qui le lie au groupe. Pete Ham était au bout du rouleau. Il venait de s’installer avec sa compagne dans une petite maison achetée à crédit, dans le Surrey. Et il n’avait plus un centime en poche, malgrè six années passées au faîte de la gloire pop. Et pour couronner le tout, sa compagne allait donner naissance à une petite fille… Pourtant, le 23 avril 1975, Pete se pendit dans son garage, et on retrouva ce petit mot : « Je ne serai pas autorisé́ à aimer, et à faire confiance à tout le monde. C’est mieux ainsi…. P. S. : Stan Polley est un bâtard sans âme. Je vais l’emmener avec moi. » Le 13 novembre 1983, harcelé́ par les créanciers, par ses anciens partenaires, qui voulaient leur part des royalties, et surtout, inconsolable de la perte de son ami Pete, Tom Evans se pendit, lui aussi, dans le jardin de sa maison. Si vous voulez rendre hommage à Badfinger, écoutez leurs chansons, leurs albums. C’est absolument somptueux ; s’il y a bien un groupe anglais dont on peut dire qu’il a repris le flambeau des Beatles, c’est bien Badfinger !

 

 

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