JOHNNY CLEGG  LE LENDEMAIN DE L’AFRIQUE DU SUD

 

Johnny & Dudu 

Voici 30 ans, dans BEST, GBD allumait avec Johnny Clegg la mèche qui allait contribuer à provoquer l’un des plus incroyables chocs politiques de l’histoire de l’humanité. Nous sommes à la rentrée 1987 et le premier album de Johnny Clegg & Savuka vient à peine de sortir, avec son brulot « Asimbonanga (Mandela) » qui exige, comme son collègue des Specials « Free Nelson Mandela », que le plus vieux prisonnier politique d’alors soit enfin libéré, comme son pays l’Afrique du Sud. La suite, vous la connaissez Mandela fut enfin levé de ses écrous par Frederik De Klerk…qui deviendra ensuite le vice-Président de Nelson Mandela, premier président noir élu démocratiquement du pays, mettant fin à ces décennies d’apartheid. Le pouvoir culturel de la littérature avec des auteurs comme Nadine Gordimer ou Breyten Breytenbach, des musiciens comme Clegg ou Ray Phiri aura eu un extraordinaire impact dans ce processus de libération. C’est dire si le message de Johnny Clegg dans ce BEST 230 était particulièrement visionnaire. Flashback !

 

Johnny Clegg by Jean Yves Legras

Johnny Clegg by Jean Yves Legras

Parfois, une simple rencontre à le pouvoir de percuter et de faire dévier le cours de votre existence. C’est en effet ce qui s’est produit pour moi après cet entretien avec Johnny Clegg. Propulsé par son irrésistible hymne à Mandela « Asimbonanga (Mandela) » et le hit « Scatterlings of Africa », l’album « Third World Child » deviendra un des albums les plus populaires de l’histoire hexagonale du microsillon. Il y avait 50 millions d’habitants en France cette année-là et 1 million s’est précipité pour acheter le 33 tours de Clegg. Peu de temps après cette interview, je m’envolerai pour Joburg réaliser le premier de mes trois grands reportages en Afrique du Sud pour BEST et la télévision (TF1 puis FR3 puis Arte) à la rencontre des héros du son des ghettos tels que Lucky Dube, Ray Phiri ou encore l’immense lion de Soweto, Mahlathini and the Mahotella Queens … jusqu’à l’élection de Nelson Mandela en 1994…mais c’est une nouvelle histoire du rock que GBD aura le plaisir de vous conter prochainement sur votre Gonzomusic favori 😉 (Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/mort-de-ray-phiri-et-tournee-dadieu-de-clegg-lhecatombe-du-rock-sud-af.html )

 

Publié dans le numéro 230 de BEST sous le titre

JOHNNY ZOULOU

Thrird World Child 

Petit Johnny passait déjà le plus clair de son temps dans les townships avec ses copains noirs. Ils chantaient et ils dansaient, c’était tout ce qu’ils avaient trouvé pour crever les filets de l’apartheid tendus par le gouvernement le plus raciste du monde. Blanc ET sud- africain, Johnny Clegg a si souvent été arrêté et tabassé par les flics de Johannesburg. Avec son ami d’enfance Sipho Mchunu, il crée Juluka, le premier groupe multi-racial d’Afrique du Sud. Premier concert en France en 84, au Cirque d’Hiver ou Juluka etson rock zoulou triomphent en première partie du Xalam. Mais Juluka se désintègre avec le départ de Sipho. Johnny monte alors Savuka et enregistre son 33 tours « Third World Child » tandis que Sipho produit son propre album solo avec Martin Rushent. Entre temps Paul Simon s’est offert le trip Johannesburg et brise sans le vouloir vingt ans de boycott culturel à l’égard de l’Afrique du Sud. D’abord au Printemps de Bourges puis a l’Olympia, Savuka, cocktail détonnant, triomphe sous les ovations du public hexagonal. Au-delà du symbole, le rock de Johnny Clegg prouve qu’il fonctionne. À Paris juste avant qu’il n’assure en ouverture de Bowie, je retrouve un Johnny enrhumé dans un restau du 16éme arrondissement. Et les nouvelles d’Afrique extrême sont chaudes…

« La tension ne cesse de grimper en Afrique du Sud. Malgré et surtout à cause de tous les problèmes que nous traversons, il reste essentiel que le groupe continue à jouer chez nous. C’est dans ces conditions sud-africaines si particulières que Savuka puise son énergie, sa flamme et son identité. Il nous faut rester en phase avec ce qui se passe là-bas.

Justement là-bas une nouvelle église vient d’être créée: elle est réservée exclusivement aux blancs.

C’est une réaction aux prises de positions anti-apartheid de l’archevêque Desmond Tutu et à la politisation de l’église anglicane qui fait de chaque sermon un débat politique. Des petits malins ont voulu continuer à croire que Dieu était réservé aux blancs ; ils ont ouvert une succursale. Moi j’y vois surtout un signe de l’intensification du combat pour faire de notre pays une démocratie multi-raciale. Ca se passe ainsi à l’église mais aussi à l’école, a tous les niveaux de la société. Dans les dix prochaines années tous les échelons de la vie sud-africaine seront gagnés par ces idées.

Que penses-tu de «  Graceland », l’album de Paul Simon ?

Savuka

ll s’en est super bien tiré en offrait au monde une palette de toute la musique sud-africaine. Mais il n’a rien pigé à la complexité du problème politique. C’est un explorateur musical, un super-touriste qui ouvre son cœur à ce qu’il découvre: la musique des Andes, le reggae et aujourd’hui l’Afrique du Sud. Chez nous, beaucoup de gens estiment que ces textes auraient dû être bien plus militants. Mais je crois qu’il ne s’en est pas senti le droit. Mais nous, nous sommes-là pour témoigner que tous les sud-africains blancs n’approuvent pas l’apartheid. Savuka représente et parle au nom de beaucoup de gens qui pensent comme nous : un pays, une nation où tous les humains sont égaux en droits. Lorsque nous jouons là-bas, les kids viennent aux concerts pour célébrer et partager ces idées. Nous sommes condamnés à vivre dans le futur, puisque nos idées sont rejetées par nos gouvernants actuels. Alors, les deux, trois heures que dure le show, avec eux nous créons le lendemain de l’Afrique du Sud. Et ils chantent et dansent tout au long de ce futur et nous l’emportons avec nous en quittant la salle. Lorsque nous sommes trop écœurés ou vidés, nous faisons un autre concert pour se laver la tête et nous replongeons dans le futur.

Musicalement, le rock de Savuka ressemble au cross-over de Prince?

Prince fusionne, mais uniquement dans les traditions occidentales . Nous, on mélange l’Occident et l’Afrique et au sein de ces deux genres, on touche à une foule de rythmes : Zoulou, Shangham, Sutu, Senegal, rock, folk, pop, jazz, funk, etc. Notre cross-over va plus loin.

Tu danses sans arrêt sur scène, c’est vertigineux, on dirait une danse de guerre zoulou.

Il y a les choses qu’on apprend et celles qui sont innées. Chez moi, la danse est instinctive alors que j’ai appris à chanter et à jouer de la guitare. la danse est une partie de moi, un élément naturel. C’est aussi un langage du feeling et de l’imaginaire. C’est aussi cela le futur »

Publié dans le numéro 230 de BEST daté de septembre 1987

 

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