DEPECHE MODE « Memento Mori »

Depeche ModeBruitages, distorsions, cris synthétiques et hurlement des machines, dès le tout premier titre chaotique de ce nouvel album, l‘inquiétant « My Cosmos Is Mine », Depeche Mode annonce la couleur : elle sera sombre et dark, comme un trou noir sonic dans notre stratosphère. Et comment en serait-il autrement avec la soudaine et dramatique disparition de l’ami Fletch ? C’est donc avec une émotion non dissimulée que je découvre avec vous ce « Memento Mori », le 15ème disque de nos héros de Basildon, Sussex. Et l’on peut être rassuré, le diagnostic est excellent, malgré son côté obscur. Ce 15ème épisode des aventures de DM ne devrait pas décevoir les aficionados …

Depeche ModeAu rayon des généralités, on notera que ce 15ème DM (Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Depeche+Mode ) n’aborde pas spécialement un terrain qu’occupait pourtant souvent le groupe, celui de la politique. Plus de rose socialiste de « Violator » mais un album plus introspectif, un album grave et pourtant lumineux dont voici le menu complet. Et tout démarre sur « My Cosmos Is Mine », dans un maelstrom de cris synthétiques, la voix de Dave scande au ralenti sa triste et mélancolique mélopée : « Pas de guerre, pas de guerre, pas de guerre/ Pas plus, pas plus, pas plus, pas plus/ Pas de peur, pas de peur, pas de peur, pas de peur/ Pas ici, pas ici, pas ici, pas ici / Pas de pluie, pas de nuages, pas de douleur, pas de linceul / Pas de derniers souffles, pas de morts insensées… » Et comment ne pas songer à la guerre en Ukraine et à tous ses morts, à cette époque tourmentée ? Musicalement on est aux confins de l’étrange « Fly On the Windshield » et on se laisse littéralement porter par ces étranges séquences. De même, sur « Wagging Tongue », la phrase qui revient le plus souvent au fil du morceau est « watch another angel die » (regarder mourir un autre ange) et là aussi, vous vous en doutez, on est à des années-lumière de l’ambiance « Carnaval de Rio ». Et si le titre est certes plus enjoué vocalement, si ses séquences paraissent  un peu plus lumineuses, on ne peut là aussi s’empêcher de penser à Andrew Fletcher, à ce vide sidéral qu’il laisse, même si le but ultime de cet album est de démontrer que le show must go on y compris sans ce trait d’union qu’il incarnait depuis toujours au sein du groupe.

Depeche ModeOn l’avait découvert en éclaireur, la sublime  » Ghosts Again  » marche fièrement sur les traces de « Never Let Me Down Again » et surtout de la grandiloquence synthétique de « Enjoy the Silence ». De surcroit, on ne peut qu’être touché par cet étrange feeling de voir Dave et Martin vocaliser en quasi-duo sur ces lyrics « Le rêve du paradis/ Pensées irréfléchies, mes amis/ Nous savons que nous serons à nouveau des fantômes… ». Il faut aussi reconnaitre que Dave aura rarement vocalisé aussi juste et aussi bien, tant sa voix nous enrobe dans ce suaire virtuel, émotionnel et forcément synthétique. Mais on y retrouve aussi ce je ne sais quoi de « sentiments gaspillés, significations brisées … un endroit pour cacher les larmes que nous pleurons », « Ghosts Again» évoque ce thème de la vie après la mort omniprésent dans ce nouvel album, mais surtout quoi qu’en dise certains détracteurs, il comptera bientôt au palmarès des plus grands hits de Depeche Mode, tel est mon pari… foi de GBD. Avec son intro guitare cow-boy retro, « Don’t Say You Love Me » est une lente balade où la magnifique voix de Dave monte bien haut en émotion dramatique, portée par des cordes aussi élégantes que puissantes, elle nous laisse un sentiment intemporel « I’ll be the killer you’ll be the corpse…  ( Je serai l’assassin, tu seras le cadavre) »… même lorsqu’il évoque l’amour ce « Memento mori » ne peut  décidément manquer d’être grave. Sur « My Favourite Stranger » DM renoue avec les sonorités de ses débuts, ces bons vieux synthés cheap 80’s qu’on aimait tant, comme avec « Dreaming Of Me »  ou le cultissime « Just Can’t get enough »… sauf que quatre décennies se sont écoulées alors forcément Martin et Dave ne peuvent se contenter de reproduire en fac-similé ces fameux hits ; il faut forcément booster l’affaire et c’est justement  toute la réussi de ce morceau. Faire du neuf avec du vieux… yes, mais en l’améliorant, comme une mise en abime des kids qu’ils étaient face aux hommes qu’ils sont devenus. Et le résultat est largement à la hauteur de nos attentes à travers une prod intelligente et serrée, tapissée d’effets électroniques. On peut parier que cet « My Favourite Stranger » comptera pari les compos les plus cruciales de l’album.

Depeche Mode« Soul With Me » offre ses chœurs angéliques en ouverture, puis ses  séquences simples et minimales pour accompagner la voix de Dave, qui se montre juste incroyablement crooner du troisième type. C’est si parfait qu’on dirait presque un générique de James Bond, un vrai un pur, pas cette dernière mélasse Billie Eilichienne… mais nous nous éloignons de notre sujet. Certes, contrairement à son titre, ce n’est pas un hommage à Stax et Motown, mais il vibre pourtant d’une véritable dimension pieuse qui va bien au-delà de la simple pop-music. E c’est en ce sens que ce magnifique « Soul With Me » se révèle juste divin. En découvrant « Caroline’s Monkey » qui démarre quasi a capella, on se dit qu’elle est forcément Lou Reedienne avec un titre pareil, il y a du Velours souterrain dans ce Depeche Mode, c’est certain. Voix caverneuse pour un titre électrisant à la « I Feel You » dont les séquences électrochoquées hypnotiques achèvent de vous envouter, incontestablement un des atouts solides de ce DM numéro 15. « I have a feeling, you’re not on my side/ There’s a distance, between you and I/ You and I ( J’ai le sentiment que tu n’es pas à mes côtés/ Il y a une distance entre toi et moi / Toi et moi ) » chante Dave sur « Before We Drown »  et à nouveau on sent bien que le sentiment est à la disparition, à ce vide immense, ce gouffre qui s’ouvre sous nos pieds lorsque nous perdons un être cher. Certes on peut y voir une analogie avec la mort de Fletch, mais je pense que cette composition sur le thème de la noyade est bien plus large. Musicalement la chanson est un petit bijou : les séquences de Martin tracées à la perfection qui propulsent la voix de Dave dans la quintessence du style Depeche pour un final en apothéose d’un véritable « wall of » chœurs démultipliés à l’infini et c’est bluffant.

Depeche ModeAvant c’était « People Are People »… et désormais ce sera « People Are Good ». Il faut dire que 39 années se sont écoulées depuis le mythique « Some Great Reward » et DM semble défier le temps, malgré tous les obstacles. Résilience et résistance résonnent dans cette chanson qui ne sonne d’ailleurs pas si loin de son auguste prédécesseur. À nouveau on retrouve cet effet miroir où DM contemple DM pour que nous même contemplions ce que nous étions alors et ce que nous sommes devenus aujourd’hui. Et l’on n’y résiste pas, forcément. « Always You » est  peut être l’un des titres les plus optimistes de ce grave « Memento Mori ». Love-song romantico-robotique et futuriste, elle est à la fois délicate et sous-tension pour un hallucinant jeu de synthés. La suivante « Never Let Me Go » n’est pas seulement originale par les rugissements de ses guitares électriques, un fait on ne peut plus rare dans la maison DM, elle l’est également par la complainte infinie d’un Dave Gahan décidément en très grande forme vocale dans le style grandiloquent juste… renversant. Quant à « Speak To Me »…  non ce n’est pas Pink Floyd… quoi que… pour clore cet album de la manière la plus planante qu’il soit. Aussi lente que magnifique, aussi harmonieuse que grave, à la manière d’un générique de fin de film, c’est sans doute la plus belle de toutes, malgré ou surtout, au choix, sa mélancolie ultime. Et un final grandiose et tonitruant un peu à la « A Day in A Life » des Beatles. Un signe sans doute…

 

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1 réponse

  1. Cabusset dit :

    Bonjour,je crois que c’est Martin qui chante sur soul with me…Dans les chœurs y’a Dave ok…

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