CHARDEAU…ARDENT !

 

Chardeau 2

J’avais déjà succombé à « Fauves & Pastels » paru l’automne dernier. Quelques semaines plus tard, Chardeau se produisait au Gibus, l’occasion de découvrir en chair et en os le rock de ce drole d’olibrius qui s’entoure exclusivement de musiciens chevronnés de fameux groupes yankees, des requins de haut vol qui côtoient Chicago, Fleetwood Mac, America ou le Mahavishnu…excusez du peu ! Rencontre avec un Chardeau authentiquement ardent.

Chardeau 2C’était un peu strange de se retrouver à un concert ce lundi là. Trois jours auparavant, le 13 novembre s’était produit. Et il y avait forcément un après. Ce soir-là les rues de Paris étaient encore sous le choc, trop calmes même pour un lundi soir. Mais il fallait à tout prix continuer, n’est ce pas ? Déjà pour ceux qu’on a connu et qui nous ont quitté, sans compter tous ceux qu’on ne connaissait pas personnellement et qui sont partis assassinés par la folie des fous de Dieu. The show must go on…néanmoins ce 16 novembre dernier, il y avait presque plus de monde sur scéne que dans la salle. Quel dommage ! Car ce concert de Chardeau était un régal. Avec son look improbable, ses longs cheveux blancs à la Gandalf et ses musiciens de choc, Chardeau a incontestablement fait le show. A ses cotes, on retrouvait Jerry Goodman, le violoniste du Mahavishnu Orchestra, John Van Eps saxo de Chicago, Hank Linderman guitariste avec America ou les Eagles, George Hawkins guitariste de Fleetwood Mac et de John Fogerty et enfin Bob Ramsey le clavier de Leon Russell…et un tout jeune batteur qui se révèlera être le (beau)fils de Chardeau. Et Chardeau étant lui-même le petit neveu du fameux peintre Gustave Caillebotte et petit-fils du musicien Martial Caillebotte, frère du précédent, c’est une sacrée histoire de famille. Bref, séduit par le coté fantasque du personnage, je décide de lui donner rendez vous deux jours plus tard pour une discussion à battons rompus entre music lovers. Je ne le regretterai pas. Chardeau débarque dans le troquet où nous avions convenu d’un rendez vous tout de blanc vêtu avec sa barbe blanche et ses longs cheveux blancs. il me confiera à la fin de l’entretien qu’il possède également une vieille Rolls blanche. Je découvre également que dans une autre vie, il était le Professeur Chardeau de « Récré A2 » sur Antenne 2. Rencontre avec un musicien qui aime ardemment ce qu’il fait.

« On va commencer par le commencement…déjà tu n’aimes pas ton prénom, donc du coup tu l’as supprimé pour devenir Chardeau tout court !

Oui, la plupart de mes copains m’appelaient Chardeau, donc je l’ai conservé lorsque j’ai commencé à faire de la musique.

Tu es né où ?

À Paris. Je suis un vrai parisien de parents parisiens, de grands-parents parisiens aussi, et cela depuis plein de générations. Je suis né dans le VIIIéme arrondissement.

Tu as commencé la musique lorsque tu étais jeune ?

Non pas du tout. D’ailleurs, chez mes parents on n’écoutait pas du tout de musique. Mon père était Conseiller d’État, mon frère notaire…tu vois le genre ! Certes j’avais des ancêtres qui faisaient de la musique, mais à cette époque on ne s’y intéressait même pas. Donc j’ai commencé à découvrir la musique grâce à un de mes frères, qui écoutait de la musique dans sa chambre. Il était grand ado et moi j’étais encore gamin né en 1957, c’est là où j’ai entendu chez lui « Eloise » de Barry Ryan et « Nights In White Satin » des Moody Blues quand j’avais 11 ans. Je suis allé acheter le s45 tours et tout de suite après il m’avait fait écouter un truc de Creedence ( Clearwater Revival) qui m’avait fait craquer et j’ai été tout de suite m’acheter leur premier album ; et c’est là où je suis tombé dans le rock.

Quel lycée fréquentais-tu ?

Une boite privée, Sainte Marie de Monceau ; puis après j’ai fait deux ans de pension, car j’avais redoublé ma 3éme. Ensuite, j’ai pu revenir à Paris et c’était plus cool. J’ai commencé Loriane, mon premier groupe, avec tous mes copains, et déjà à l’époque, on chantait en Français lorsque tous les autres chantaient en anglais. On était tous un peu amoureux de la même fille, alors on avait choisi son prénom pour le groupe.

Quels 33 tours écoutais-tu ?

À l’époque, j’avais des copains vendeurs à la FNAC et à chaque fois que j’arrivais de pension le week-end, je filais à la FNAC, où m’attendait une pile de disques. Et c’est ainsi que je découvrais les nouveautés. Je me souviens de ce jour ù l’un des gars est arrivé avec « Astral Weeks » de Van Morrison en me disant : « Écoutes c’est un chef d’œuvre ! » Grâce à eux, j’ai découvert une foule de groupes.

À quel moment es-tu tombé amoureux du son américain?

Très rapidement. Déjà moi je n’ai jamais vraiment écouté de chansons françaises à part Nougaro et Alan Stivell. Par contre, j’ai très vite été fan de Magma. Mais oui, c’était surtout des groupes américains. Ma trilogie sacrée c’était Chicago, Mahavishnu Orchestra et Spirit. Je suis vraiment content, car grâce à Hank Linderman – guitariste qui a bossé avec Chicago, America, Eagles…- j’ai pu rencontrer les musiciens légendaires qui ont eu la gentillesse de bien vouloir m’accompagner. Petit à petit, j’ai découvert la musique et c’est vrai que j’ai aussi très vite vibré au son californien. En fait, il y a deux pôles rock qui m’attirent, d’un coté le rock progressive et le jazz rock, donc plus les Yes, Genesis et Mahavishnu. Et de l’autre côté, les Chicago, Eagles et Creedence.

Ton premier voyage aux USA ?Chardeau 2

En 2006, je sais c’est très tardif, mais cette année-là il y avait une tournée avec une double affiche Chicago + Earth, Wind & Fire. Car je rêvais de croiser Robert Lamm, mon « maitre » !- chanteur et claviers de Chicago Transit Authority-, mais dans ce stade géant où ils donnaient leur concert, j’ai très vite compris que je ne pourrais pas l’approcher. Je suis donc rentré chez moi. Et quelques mois plus tard, en octobre en furetant sur internet, j’ai trouvé un lien pour un petit concert privé de Robert Lamm avec des potes musiciens des Beach Boys qui venait jouer en Angleterre. J’y suis allé, bien entendu en rêvant de lui proposer de contribuer au prochain album. Je suis arrivé très tôt et là j’ai réussi à rentrer dans les coulisses. J’ai demandé à voir Robert Lamm en expliquant que j’étais un producteur français venu exprès pour le rencontrer. Et là, je vois soudain un type habillé en noir surgir dans la semi-pénombre. Et Lamm était devant moi. J’avais la gorge sèche tellement j’étais ému. Je lui ai offert mon album, lui m’a présenté aux musiciens qui l’accompagnait, dont Hank Linderman justement . Le lendemain, j’avais un mail de Robert me disant qu’il aimait beaucoup ma musique et que disait il « ce sera fun de faire de la musique ensemble. »

À quel moment es-tu passé de tes groupes de lycée au désir profond d’en faire ton métier ?

Dés le premier groupe, j’ai commencé à composer. Mais j’avais contre moi tout le poids de ma famille, donc pour eux je devais faire du droit et y consacrer ma vie. Alors j’ai fait du droit, mais en me promettant qu’à trente ans je ferai un disque. Mais comme je le dis souvent, j’ai fait deux ans de droit et tout le reste de travers ; j’ai arrêté vite fait et là, j’ai commencé à essayer de m’introduire dans le showbiz. Et comme je n’avais aucune formation ni musicale, ni quoi que ce soit, j’ai frappé à toutes les portes. Finalement, un jour j’ai réussi à passer des auditions pour être animateur pour Antenne 2…et je me suis retrouvé à bosser à « Récré A2 » où j’ai travaillé durant 9 ans avec Dorothée comme animateur-comédien-chanteur-danseur. Là, j’ai appris mon métier, j’ai appris à faire des disques, de la scène, de la télé et tout. Je suis devenu le « Professeur Chardeau ». Comme disait Jacqueline Joubert – ex speakerine puis directrice des émissions pour la jeunesse et accessoirement la maman d’Antoine de Caunes- : « Ne vous plaignez pas, vous apprenez votre métier en vous amusant…et vous êtes payé en plus !. ». Grâce à ça, j’ai commencé à connaître des gens, à gagner suffisamment d’argent pour m’acheter du matériel qui m’a permis de faire des maquettes. J’ai arrêté avec Dorothée au moment où ils ont quitté Antenne 2 pour aller chez TF1 en 88. C’est drole car, hier au concert, j’ai même retrouvé un ancien fan de « Récré A2 ».

Justement, j’allais aborder « Chardeau, le personnage » …car moi je ne regardais pas « Récré A2 », mais j’ai été séduit par ton côté excentrique.

Ecoutes…jusqu’à présent, je ne cherchais pas à me mettre en avant. Je voulais que cela soit ma musique qui compte en premier. C’est pour cela que sur mes pochettes je ne mettais jamais pas ma tronche. Moi ce que j’aimais, c’est le coté logo stylisé comme celui de Chicago, par exemple.

Pourtant, tu as une vraie personnalité qui mérite justement d’être mise en avant.

Mes amis me disent souvent que je suis fou et moi cela me surprend toujours, car je ne vois pas en quoi. Je le prends bien, car c’est un compliment.

On t’imagine un peu artiste maudit à la Polnareff qui vit à l’ombre des palaces…

(rire) Je ne vis pas dans des palaces, mais à la campagne. Depuis vingt ans, je suis dans le sud-ouest. J’ai une grande maison parce que là-bas on peut se le permettre, j’adore ça. Alors, revenir à Paris, à chaque fois j’apprécie de moins en moins alors j’essaye de le faire le plus rapidement possible en essayant de regrouper un maximum de choses en deux trois jours pour vite partir.`

TChardeau 2u vas nous raconter une journée type de Chardeau

Je me lève vers les 10 heures, en moyenne. Je n’ai jamais e programme précis, je vaque dans la maison à des occupations diverses. Je travaille beaucoup dans mon jardin, car j’ai un très grand jardin. On a un grand potager, un verger avec des tas de fruits, donc ça m’occupe pas mal. Et puis je fais aussi pas mal de musique dans mon studio de maquettes, car la technique et moi cela fait deux. Perdre du temps à passer des heures sur un truc cela me démotive, car je déteste cela. J’ai aussi une salle de musique avec tous mes instruments d’autant plus que dans la famille on fait tous de la musique ; ma femme est musicienne classique et elle est bien meilleure instrumentiste que moi. Elle joue de tout guitare piano flute violoncelle. Et puis il y a aussi mon fils ainé Théophile que tu as pu voir le soir du concert à la batterie. En fait, c’est mon beau-fils, mais je l’élève depuis qu’il a deux ans. Il a fait des années de piano au conservatoire avant de réaliser que son instrument c’était la batterie.

 

Et tu as d’autres enfants ?

Oui j’en ai deux. Un fils de 22 ans Achille qui est musicien et qui travaille la musique à Londres. Il joue un peu de tout piano batterie basse. Le troisième fait aussi de la musique, mais pas professionnellement, lui se destine à la robotique.

Hier vous étiez sept personnes sur la scène du Gibus, je crois n’y avoir jamais vu autant de monde à la fois ! Pas évidemment de caser le xylophone, les congas et tout ça…

J’avoue qu’au début, je m’inquiétais un peu. Mais ça l’a fait heureusement. Par contre j’ai fait attention à ne pas me cogner la tête. Mon fils me disait d’ailleurs « ne saute pas, papa…n’oublie pas ! »

J’ai trouvé ton groupe fort ambitieux… avoir aujourd’hui sur scène un type qui joue du violon, du xylophone et des percus c’est un luxe rare !

Je ne fais jamais aucune concession là dessus. Toutes les scènes qu’on a toujours faites on a toujours été au moins cinq musiciens. J’ai toujours refusé de donner des concerts seul devant mon piano. Ma musique est toujours sophistiquée avec des arrangements et tout, elle ne se prête pas au minimalisme.

C’est étonnant lorsque tu expliques que tu n’écoutais pas de chanteurs français, car moi j’entends du Gainsbourg, du Polnareff, même du Balavoine par moments dans ta musique…

On me le dit parfois. Les gens qui me disaient cela voulaient me faire un compliment et je le prenais comme tel. Je les aime bien, mais pour moi ils ne m’ont pas vraiment influencé sauf Gainsbourg, car pour moi l’album « Melody Nelson » est un des rares chefs-d’œuvre français que j’adore . Mais tu arrives aux Etats Unis, tout est parfait, y’a le son , l’interprétation, les compositions…je ne vais peut être pas me faire des amis, mais tant pis. Un jour, j’écoutais Philippe Labro qui expliquait doctement à la radio « Je ne vois pas de différence entre Johnny Hallyday et Elvis Presley… ». J’ai le menton qui s’est décroché en entendant ça ! Je me suis dit : il a de la merde dans les oreilles cet homme-là ! Il ne voit pas la différence entre les deux, c’est dingue.

L’amour ne rendrait plus seulement aveugle…mais sourd également ?

Quand on pense que cet homme-là a été directeur d’une radio, ça fait peur.

Tu achètes beaucoup de disques ?

Moins maintenant, car malheureusement il y a moins de choses qui me plaisent. Mais à une époque oui j’en achetais beaucoup.

Tu collectionnes ?

Un peu, on va dire. J’ai un copain qui est fan de Chicago comme moi sauf qu’il collectionne tous leurs albums du plus de pays différents possible. Là, je ne vois pas trop l’intérêt.

Combien de vinyles à la maison ?

Je dois être autour des 2000, sans compter les CD que je continue d’acheter. Par contre, je ne suis pas trop MP3. J’ai besoin d’avoir un truc entre les mains déjà on n’a plus les 33 tours. Moi j’ai sorti 3 vinyles de Chardeau : un « Best of », « Résilience 2.0 » en version raccourcie et « For Sync », un double album de versions alternatives ou inédites et de chansons qui n’étaient jamais sorties. Je ne te cache pas qu’un jour j’aimerais bien signer une bande originale de film.

Chardeau Et le look Chardeau, alors finalement qu’est-ce qui l’a inspiré ?

C’est naturel, j’ai toujours aimé porter les cheveux longs. Moi tous les groupes que j’aimais avaient des cheveux longs. Mais comme j’étais dans une famille où l’on n’aimait pas trop cela, j’ai dû patienter un peu avant de pouvoir les laisser pousser. Bon , je me suis rattrapé depuis…Pareil, j’étais interdit de jeans.

Tes parents étaient straight à ce point-là ?

Mon père, oui. J’ai eu une éducation d’avant 68, ce n’était pas pareil. Nous on devait demander avant de sortir de table. Après 68, ils ont été un peu moins coincés. Mais avant, c’était strict comme régime.

Du coup tu en as souffert et tu t’es rattrapé après ?

Un peu, oui. Je suis un peu à part dans ma famille. Je suis le vilain petit canard. Surtout avec des frères dont l’un était notaire, un second qui gérait le parc immobilier de la Défense et le troisième patron d’une boite d’assurance.

Et ton fameux ancêtre peintre, c’est ton arrière grand-père ?

Non c’est mon arrière grand-oncle. Et son frère, donc mon arrière grand-père, Martial Caillebotte, lui faisait de la musique par contre. Et également de la photo et on redécouvre son œuvre depuis quelque temps. Je suis très content, car à l’occasion des expositions consacrées à Gustave Caillebotte. On a commencé à s’intéresser à la musique de Martial. Et petit à petit le public qui jugeait cela « pas mal sans plus », de la même manière que cela s’est passé pour Gustave où l’on disait au début que ce n’était juste qu’un peintre de plus, désormais il est très réputé. Et c’est pareil pour la musique de Martial, qui n’est pas révolutionnaire, mais qui a un style très personnel et imagé. On a sorti deux albums de la musique de Martial et les critiques sont assez élogieux. En tout cas, cela a sauté quelques générations, mais il y en a tout de même un qui fait de la musique dans la famille.

Le futur Chardeau ?

On a commencé à enregistrer, mais je prends mon temps. Mais comme j’ai encore beaucoup de titres à sortir, car j’ai beaucoup composé. Imagine que j’ai quatre ou cinq albums de prêt déjà  et j’aimerais bien les sortir, donc il faut que j’accélère le tempo. Comme depuis trois ans je vais tous les hivers à LA pour travailler avec Hank et toute la bande, on avance et je pense qu’on finira ce printemps prochain. Ce sera aussi une série de portraits.

Oui d’ailleurs la plupart de tes chansons ont un nom de fille ?

Oui parce que ce sont justement des portraits. C’est vrai que cela parle beaucoup de femmes. Et quand ce sont des hommes qui parlent, ils parlent aussi de femmes. »

 

Voir la chronique sur gonzomusic.fr de l’album « Fauve & Pastels » de Chardeau

 

https://gonzomusic.fr/chardeau-fauves-pastels.html

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1 réponse

  1. Monpezat Jean-Philippe dit :

    J’ai vu Chardeau au Gibus le 18.11.2015 , cinq jours après le massacre du Bataclan à seulement quelques centaines de mètres de là, alors que la plupart des concerts et spectacles avaient été annulés. Ses musiciens venus exprès des USA (et quels musiciens! Le violoniste Jerry Goodmann du légendaire groupe « The Flock » puis de John Mc Laughlin Mahavishnu Orchestra, entre autres!!) sont en effet convenus avec Chardeau de maintenir le concert, en hommage aux victimes.
    On n’était pas nombreux en effet, à avoir osé venir dans cette salle en sous-sol, dans ce climat de peur et de méfiance absolue, mais on a eu droit à un concert intense, et d’une force mélodieuse incroyablement maîtrisée par Chardeau et son groupe, qui se sont lâchés avec la virtuosité de musiciens qui ont beaucoup bossé avant de monter sur scène… avec un morceau émouvant dédié à une victime que connaissait Chardeau.
    Il existe des séquences filmées +photos du concert de Chardeau sur les réseaux sociaux, en lot de consolation..
    Bref, Chardeau , the « mad Frenchman », est grand, tout simplement…

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