A TRIBE CALLED QUEST : « We Got It From Here…Thanx For Your Service »

 

 

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Sans doute LE disque le plus attendu de l’histoire du rap, presque un Saint Graal, ce nouvel album de A Tribe Called Quest est une sorte de miracle sonique, émergeant 18 années après son prédécesseur et huit mois après la mort de Malik « Phife Dawg » Taylor, l’un des quatre membres fondateurs de la formation de Saint Albans dans le Queens. Double CD de 18 titres,capturé avec une galaxie du guests dont Elton John, Jack White, Consequence, Busta Rhymes, Andre 3000,Talib Kweli, Kanye West, Anderson.Paak et Kendrick Lamar, « We Got It From Here…Thanx For Your Service » malgré son titre lapidaire est un monument unanimement et à juste titre salué par toute la critique, constituant ZE disque of ZE moment…check it out !  

 

We Got It from Here... Thank You 4 Your ServiceC’était le soir de ce funeste 13 novembre 2015,  de l’autre coté de l’Atlantique, sur le plateau du « Tonight’s Show » de Jimmy Fallon, les A Tribe Called Quest reprenaient enfin du service: Q Tip, Phife Dawg, Ali Shaheed Muhammad se retrouvaient pour la première fois sur une même scène depuis près de vingt ans. Et cette expérience leur aura filé une pèche incroyable puisqu’elle aura servi de détonateur à l’explosive re-formation d’un des combos les plus majeurs de la hip hop culture. Flash back…au tournant des 90’s, trois formations vont révolutionner le rap : De la Soul, Gangstarr et bien entendu A Tribe Called Quest. Et si certains considèrent alors qu’ils créent du rap pour blancs branchés, la plupart s’accordent à reconnaitre en eux les enfants légitimes de Miles Davis et du jazz du plus haut vol. J’étais très fier d’être le premier en France à les rencontrer pour la télévision (voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/a-tribe-called-quest-est-orpheline-phife-nous-a-quitte-a-45-ans.html). Suite à leurs retrouvailles télévisées, les ATCQ vont investir le studio de Phife pour enfin créer de nouvelles chansons. Mais hélas, en mars dernier, Phife s’écroule terrassé par le diabète qui le ronge depuis trop longtemps. Pourtant, avant de succomber, il aura néanmoins réussi à boucler 17 nouveaux titres avec ses camarades. Jarobi White qui avait quitté le groupe juste après le premier album revient à son tour pour boucler le projet. C’est encore Phife qui a trouvé l’étrange titre de ce nouvel album « We Got It From Here…Thanx For Your Service » ( On reprend les choses en main…merci pour votre dévouement) qui sonne étrangement comme un adieu, comme s’il pressentait que sa fin était toute proche. Cependant, si la présence tutélaire de Phife Dawg est incontestable sur ce projet, à aucun moment au fil de ce double CD on ne voit tout en noir. Bien au contraire, boostées par le pouvoir du jazz et de la créativité, ces nouvelles chansons sont aussi puissantes que festives.

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D’ailleurs, le 13 novembre dernier, le groupe se retrouvait à nouveau à la télé, mais cette fois dans Saturday Night Live pour interpréter le premier single du nouvel album, le volatile et explosif « We the People » aux rimes électrochocs : « All you black folks you must go/ All you Mexicans you must go / All you poor folks you must go/ Muslims and gays, boy we hate your ways/ So all you bad folk, you must go ( Tous les vôtres noirs comme vous, vous devez partir/ Tous les Mexicains comme vous, vous devez partir/ Tous les pauvres comme vous, vous devez partir/ Musulmans et gays, mec comme on vous hait/  Tous les vôtres nuisibles, vous devez partir)…un pavé dans la mare de Donald Trump qui ne sera d’ailleurs pas le seul dans l’album. Puissante comme une manif, « We the People » est aussi aboutie musicalement sous son petit beat neo-reggae entêtant. Mais c’est avec « The Space Program » que démarre l’album, comme un poing dressé rebelle sur un axiome imparable « There’s no space program for niggas ( Il n’existe aucun programme spatial pour les noirs). Le ton est donné. Si l’on avait pu l’oublier, les ATCQ ont bien d’autres préoccupations que les bagnoles et les filles aux gros seins habituels du rap. D’ailleurs, chassez le jazz, il revient au naturel sur « Whateva Will Be » porté par des boucles aussi entêtantes qu’imparables. « Solid Wall of Sound » est un des titres charnières du projet : il démarre sur un sample d’Elton tiré de « Beanie and the jets » sur « Goodbye Yellow Brick Road »….avant d’accueillir le véritable Elton, qui vocalise et pianote pour de vrai sur le morceau. Incroyable, Jack White ET Bustha Rhymes sont également de la partie et c’est là qu’il faut impérativement s’exclamer « rien que du beau linge » en dégustant ce titre absolument magique. Inspirée des trois mots prononcés par les petits Musical Youth juste avant d’entonner leur fameux « Pass the Dutchie » dédié à la beu, « Dis Generation » résonne joyeusement boosté par la boombastique présence de Busta Rhymes. Comment ne pas songer alors à leur « Can I Kick It » fondateur sur le célèbre sample du « Walk On the Wild Side » de Lou Reed. Reconnaissable entre toutes, la voix d’Andre 3000 ouvre  l’étrange et baroque « Kids ». Cependant les choses sérieuses reprennent gravement avec  « Malatonin » secouée à la guitare électrique, sans doute cette de Jack White qui fait plusieurs apparitions sur ce projet. « The world is crazy and I can not help ( le monde est dingue et je ne peux rien y faire) » balance si justement Q Tip  dans un écho prémonitoire  à l’élection de Trump. Dans la forme, les chœurs féminins battent le rythme avec sensualité, comme sur « Stressed Out » et si souvent chez ATCQ. Le premier CD s’achève avec la cool « Enough »…

Quel sublime chant du cygne !

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Et le second démarre sur l’entêtante et sombre « Mobius » où  Consequence et Busta Rhymes s’offrent un terrifiant duel de microphones. Couleur ska reggae chaloupée sur le fun « Black Spasmodic » avant de parvenir au morceau de bravoure « The Killing Season » où en seulement 2 petites minutes et 44 secondes les voix de Talib Kweli, de Consequence et de Kanye West se mêlent sur un sample  aussi nostalgique qu’une composition d’Enio Morricone pour un feeling fatalement cinématographique forcément …imparable . Jack White rides again avec sa guitare sur l’étrange et néanmoins exotique « Lost Somebody » où Q Tip  a un flow aussi indomptable qu’un torrent de montagne. Puis le brillant Anderson. Paak illumine de sa radieuse présence « Moving Backwards » joyeusement  piqué d’un douce folie jazzée au pays radieux du hip-hop déjanté pour un des titres les plus attachants de ce merveilleux CD. Le surdoué Kendrick Lamar participe également à l’aventure avec l’hallucinant « Conrad Tokyo » aux évanescentes gammes de piano. Back to Jack White avec « Ego »  et nous parvenons à ce qui constitue incontestablement LA composition la plus polémique de l’album, la visionnaire « The Donald » dédiée à qui vous savez…mais pas uniquement sachant que le nom de Phife Dawg y est scandé TRENTE QUATRE fois…constituant sans doute le plus bel hommage à ce héros de la rapattitude qui nous a quittés le 24 mars dernier à seulement 45 printemps. Gone, but never forgotten…we miss U so much Phife. Tristesse « We Got It From Here…Thanx For Your Service » est incontestablement le dernier album d’ATCQ dans tous les sens du terme…mais quel sublime chant du cygne, tout de même !

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