MINNEAPOLIS ET LE PARC PSYCHEDELIQUE DE PRINCE: EPISODE 2
Voici 30 ans dans BEST, était publié ce second épisode des trépidantes tribulations de GBD- Tintin reporter à Minnepolis, cette ville dont l’enfant est Prince. Après l’incroyable exploration du Paisley Park et la rencontre avec les rockin’ cool Replacements, visite guidée du légendaire club First Avenue découvert dans le film « Purple Rain », petite leçon dans l’art du « cross-over », ce mélange entêtant de rock et de funk puis rencontre avec Jill Jones, la fille la plus sexy de l’écurie Prince depuis le claquage de porte de la belle Vanity. Welcome to the Twin-Cities, Minneapolis-Saint Paul…
Publié dans le numéro 230 de BEST
Back to downtown Minneapolis, où j’ai rendez-vous avec l’autre « vedette » omniprésente du film « Purple Rain », le désormais fameux club First Avenue. Downtown Minneapolis. Le First est situé très précisément au croisement de la 1ére Avenue et de la 7éme rue. Propriété d’Alan H Fingerhut, richissime investisseur en objets d’art, le club est une ancienne remise de Greyhounds, ces bus « d’argent » qui sillonnent toujours I’Union. Artistiquement, la grande force du First réside dans sa programmation aventureuse et ouverte à tous les courants Par son éclectisme, le First Avenue est un élément indissociable du cross-over, le Minneapolis sound. Stephan MacClellan qui programme habituellement les groupes est en voyage d’affaires, aussi c’est son assistante, Chrissie Dunlop, la femme du très cool guitariste des Replacements, qui me reçoit dans son bureau du premier étage littéralement tapissé de photos rock et d’affiches de groupes. Sept ans de First, de longs cheveux blonds et un sourire d’ange, Chrissie a bien entendu assisté au tout premier gig du Kid :
« C’était un vendredi, le 9 mars 1980. L’album « Dirty Mind » – 3éme LP de Prince – venait tout justede sortir, mais les radios le boudaient encore. Prince n’avait pas encore réussi son, cross-over du funk noir vers le rock blanc. Ça lui a pris du temps pour réussir à s’imposer, même dans sa propre ville. Il lui faudra attendre « 1999 » pour qu’il investisse enfin les radios avec son premier vrai hit, « Little Red Corvette ». Depuis, Prince a donné huit concerts-surprise au First Avenue. En général, son management nous appelle le matin même pour nous demander: « Pouvons-nous jouer ce soir ? ». En général, la réponse est : « Oui, bien sûr… et merci. » Et, à chaque fois, c’est l’émeute. Je ne sais pas comment font les fans, mais ils finissent toujours par être au courant. Dès quatre heures de l’après-midi, ils font le siège du club. A l’intérieur, on est si compressé qu’on peut à peine respirer; mais les prestations de Prince au First Avenue sont toujours explosives. C’est aussi sa manière d’être fidèle à Minneapolis.
Vu de l’extérieur, on imagine Minneapolis comme la capitale du cross-over où tout se mélange sur les planches ou sur les ondes.
Le cross-over n’est pas un phénomène manipulé par les médias, mais au contraire une réaction spontanée des gens qui vivent ici. Les canards de rock et les radios n’ont rien démarré. D’ailleurs, les radios d’ici sont particulièrement réacs, surtout vis-à-vis des artistes noirs. KMOJ 89.9, la seule station black n’existe que depuis quelques années et c’est une college-radio auto-gérée et sans appui publicitaire. Tout s’est passé dans notre petite communauté, le cross-over est une super histoire d’amour entre les groupes, la musique et surtout les fans qui sont super ouverts. Mes deux artistes préférés au monde sont Prince et les Replacements, et pourtant ils n’ont pas grand-chose en commun. Ce club et Steve, son directeur, ont eu une influence prédominante sur le climat musical de Minneapolis. Si Steve craque sur un groupe, qu’il soit célèbre ou pas, il lui offrira toujours sa chance sur la scène du First Avenue, même si nous devons perdre nos dollars. Ici chacun a sa chance ; les fans d’un groupe prennent des instruments et se produisent dans notre petite salle adjacente de 250 places, le 7th Street Entry où d’autres fans vont rêver de les imiter en montant leur propre groupe. C’est vraiment cela le rock and roll. »
Du First Avenue je gardais un plus vieux souvenir, à la fois cinématographique et humain, l’image confuse d’une jolie serveuse dans « Purple Rain »: Jill Jones. La rencontrer devait accentuer mon idylle avec le Minnesota. Dernière signature Paisley Park et protégée du Kid depuis sa contribution à l’album « 1999 », Jill Jones est définitivement la plus craquante des girls de la suite princière depuis le départ de la troublante Vanity (voir sur Gonzousic https://gonzomusic.fr/prince-de-a-comme-apollonia-a-v-comme-vanity.html et également https://gonzomusic.fr/vanity-sest-eteinte-cette-nuit-en-californie.html). Grande, brune, moulée dans une mini-robe littéralement « coulée » pour elle par Azzedine Alaia, Jill déborde de sensualité. Jean-Baptiste Mondino qui signe le clip de son single « Mia Bocca » m’avait bien dit qu’elle nous ferait fondre ! Son LP, en partie produit et composé par le Kid, me colle à la peau. Jill a le potentiel d’une Diana Ross et bien plus encore.
« Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour balancer ton premier disque ?
Lentement mais sûrement, Prince a fini par m’avoir. Et moi j’étais assez timide. J ‘osais à peine lui montrer mes chansons. Mais il aimait mes textes et me répétait sans cesse que j’avais « un certain potentiel», c’est ainsi que tout a démarré. Ça nous a pris un an de studio entre NY et LA, mais nous avons enregistré tant de trucs que l’album est déjà un Best of en soi.
On connaît Jill, la serveuse du film, Jill produite par Prince, mais qui est la véritable Jill Jones ?
Je suis née à Lebanon dans l’Ohio, entre Daytona et Cincinnati, une petite ville paumée du sud. Ça ressemblait un peu à ce que Prince a vécu en grandissant à Minneapolis. Autour de chez nous, il n’y avait rien à la radio, en dehors de quelques stations AM de country music. J’étais un vrai garçon manqué. Je faisais sans arrêt du sport et je détestais la musique par réaction vis-à-vis de mes parents. Ma mère chanteuse et mon père batteur étaient sans cesse sur les routes. C’est un boulot égoïste, voilà pourquoi j’ai mis si longtemps à me décider pour la musique. Quand j’ai rencontré Prince, j’avais 16 ans, et je suivais des cours de théâtre à Minneapolis.
Le Paisley Park n’était pas opérationnel lorsque tu as enregistré ton disque, mais l’as-tu déjà visité ?
Bien sûr et c’est un endroit génial. En m’y baladant, la première fois, j’ai essayé de chanter dans tous les coins, dans chaque pièce, et l’acoustique était tout simplement magique. Entre la musique, les films, les vidéos et les shows filmés dans les conditions du live, Paisley Park va vraiment marquer un tournant dans la production. Le soundstage est vertigineux.
On dirait la cathédrale de Chartres 😉
Tu sais, Prince est très influencé par la France et ça se retrouve même dans sa musique. Moi j’aime les chansons qu’il écrit à Paris, car elles ont une saveur différente de tout ce qu’il fait aux States.
Au Paisley Park il va aussi pouvoir réaliser propres films.
C’est marrant, j’ai tourné avec lui un court-métrage à Minneapolis. Il y avait Wally et Brooks, les danseurs de la tournée et moi, c’était très fellinien. Je n’avais même pas de script; chaque jour Prince me communiquait mon texte. Je n’ai jamais vu le film achevé, mais c’est sa manière à lui de me conserver à ses côtés lorsque je vis à New York. Je crois que j’amuse beaucoup Prince. Il m’a vraiment vu grandir. Ces films sont un peu comme les 8 mm que les parents font de leurs enfants. S’il est un père pour moi, je joue aussi les mamans avec lui. Il se conduit parfois comme un vrai môme…aïe… il va me tuer s’il lit cela. Pour moi il est Prince et c’est tout. Depuis qu’on se connaît c’est toujours le fun entre nous. On a des tas de crises de rire à notre actif.
Te sens-tu proche des autres groupes de la-scène minnéapolitaine comme Jimmy Jam et Terry Lewis ou les Replacements ?
Jimmy et Terry sont des créatifs purs. Ils apportent une nouvelle dimension au Minneapolis Sound. Ceux qui bossent avec eux doivent vraiment leur être reconnaissants car c’est un rare privilège. Quant aux Replacements, je les trouve super, mais mon feeling penche plutôt du côté des groupes black ; ils ont été si longtemps opprimés. Les blancs eux auraient toujours pu survivre en bossant pour une boîte. Mais jamais Jimmy, Terry ou Prince n’auraient pu décrocher un job juste à cause de la couleur de leur peau. A Minneapolis il n’y a que 2 % de blacks mais la majorité d’entre eux est au chômage. C’est une drôle de tension, mais aussi un excellent motif pour créer et se dépasser pour pouvoir enfin respirer.»
Paisley Park is in our heart… et Jill s’en va rejoindre le Kid dans son nouveau palais où ils répéteront de concert la tournée américaine dont elle assure l’ouverture. Objet sensuel, chanteuse tornade, Jill Jones va ravager bien des libidos yankee. Né du partage de la souffrance, le Minneapolis Sound est une énergie, un mode de vie, une jouissance permanente. A l’heure où j’écris ces lignes, le Paisley Park vibre dans la puissance des décibels de la fusion princière. Je donnerais n’importe quoi pour y être. Mais d’autres sujets d’émerveillement m’attendaient dans ce Minnesota…
Fin de la 2éme partie. À suivre…
Publié dans le numéro 230 de BEST daté de septembre 1987