MUSIC MAKER RELIEF FOUNDATION: LES BLUES AND SOUL BROTHERS

Tim Duffy Mr Q Captain Luke

Tim Duffy Mr Q Captain Luke

 

Son nom est Duffy, Tim Duffy et c’est un blues brother. En fait, il est un peu le Coluche des vieux musiciens noirs fauchés du sud des Etats Unis. Motivé par son seul amour de la musique et par sa volonté de la préserver pour les générations futures, depuis 15 ans il se bat comme un beau diable pour financer cette incroyable fondation qu’est Music Maker Relief Foundation, dont le logo s’affiche désormais fièrement sur la page d’accueil de votre Gonzomusic et qui est au blues et à la soul ce que nos Restaus du Cœur sont à notre hexagone. Un indispensable poumon pour offrir un peu d’oxygène et d’humanité à des artistes fauchés et oubliés, noirs en majorité, dont les musiques ont largement servi de fondation à tout ce que nous écoutons depuis toujours. Sans eux pas de Stones ni de Led Zep, pas de Marvin Gaye, pas de Prince ni de Michael Jackson. Sans leur inestimable héritage, le rock tel que nous le connaissons n’existerait pas aujourd’hui. Donner un peu pour rendre tout ce que la musique à fait pour vous, tel est votre motivation, en ce jour de Noël et juste après Hanoukka pour venir en aide à tant de héros au feelinq illimité, tel est le pari de Music Maker Relief Foundation, un pari que vous saurez relever, j’en suis certain, dès que vous aurez lu le portrait de son brillant fondateur : Tim Duffy.

 

Tim Duffy Ironing board Sam AG

Tim Duffy Ironing board Sam AG

Cette année 2017 touche bientôt à sa fin, c’est justement le moment de songer à ceux qui souffrent et notamment tous ces musiciens naufragés de la crise, malades ou souffrants, ou tout simplement naufragés de la grande machine du showbiz. Telle est justement la mission que s’est donnée Music Maker Relief Foundation qui a choisi de leur venir en aide.  Mais pour les aider à aider, les MMRF ont vraiment besoin de vous….

« Quel âge as-tu Tim ?

 J’ai 54 ans. Je suis né à New Haven dans le Connecticut.

 Quel est ton tout premier souvenir musical ?

 Lorsque j’étais gamin, je me souviens que j’ aimais écouter de la musique symphonique sur la chaine stéréo de mon père. Je crois bien que c’était du Bach. Et puis, peu de temps après cela, je me souviens d’avoir entendu la musique de Lead Belly, un bluesman de la Louisiane. Mon père adorait ce musicien. Lead Belly. Il m’a aussi fait découvrir Hank Williams, tout gamin, tout comme Woody Guthrie, Cisco Houston, Blind Lemon Jefferson. Puis Bob Dylan s’est lui aussi invité à la maison. Tout comme Ramblin’ Jack Elliott et dans un tout autre style la musique baroque de Telemann. Mais également Louis Armstrong. Mon père écoutait un puissant cocktail de classique, de jazz, de country, de blues, de folk… comme Pete Seger…

Très éclectique et tout spécialement pour l’époque.

À la fin des 60’s et au début des 70’s, nous écoutions également les albums de compilation des discours de Robert Kennedy, tout comme ceux de Martin Luther King. Mon père était abonné au fameux Columbia Record Club qui nous envoyait chaque semaine des albums. Il était également inscrit à un club de musique classique et à un club de jazz. Il y avait toujours de nouveaux disques à la maison. Mon père avait également, très tôt, été confronté à la scène. Il avait assisté au concert que Lead Belly avait donné dans son lycée. Il possédait de nombreux 10 inches de lui. Il y avait également les Mills Brothers. Et puis mon grand frère a commencé à ramener des disques de rock à la maison, Dylan, le Grateful Dead, BB King…

Et les Stones, les Beatles, les Who…

Creedence Clearwater Revival…mais celui qui m’a vraiment secoué lorsque j’avais à peine 13 ans c’est la musique instrumentale de la Caroline du Nord comme Duck Baker.

Quel était le job de ton père ?

Il était avocat. C’était un gars de la province, élevé à Chesapeake Bay, dans le Maryland. Mais à l’université, il est devenu assez proche de Pete Seger et de quelques musiciens militants de gauche. Mon père fréquentait des communistes durant les sombres années McCarthy. Je crois bien qu’il n’a jamais vraiment aimé son boulot d’avocat dans les grandes fusions-acquisitions. Il aimait aussi défendre de jeunes inventeurs. Il a aussi participé à l‘un des tout premiers procès liés à la pollution. Et je suis certain qu’il a été un des avocats des accusés de la fameuse French Connection.  Mais je crois qu’il aurait sans doute préféré suivre une carrière artistique. Hélas, il est mort trop jeune. Mais il m’a amené assister à de nombreux concerts. Dans le Connecticut, on vivait à proximité de l’université de Yale, et nous allions souvent y voir des concerts comme ceux de Dizzy Gillespie, The Preservation Hall Jazz Band, Pete Seeger.

Boo Hanks

Boo Hanks

Que âge avais tu lorsque tu as vu tous ces artistes ?

J’avais huit ans. Et mon père m’amenait souvent backstage pour que je serre la main des artistes. Très jeune, je me suis toujours senti particulièrement à l’aise avec les artistes. C’est devenu naturel pour moi, lorsque j’assistais à un concert qui m’avait plu, quand tout le public était sorti de la salle, je trouvais toujours un moyen de me glisser dans les coulisses, juste pour dire bonjour. C’est devenu une seconde nature chez moi et j’ai rencontré une foule de gens ainsi. J’ai fait cela toute ma vie, lorsque j’ai envie de serrer la main de quelqu’un, je fonce et j’y vais. J’ai rencontré une foule de gens de cette manière. Et dès que j’en ai eu l’âge, j’ai souhaité aller dans le sud pour me rapprocher de ceux qui composaient les musiques que j’aimais le plus.

Tu as poursuivi tes études.

Oui, j’ai intégré le Warren Wilson College, en Caroline du Nord, où j’ai passé deux ans, c’est là que j’ai appris à parcourir les montagnes avoisinantes, pour récolter et documenter les oeuvres de vieux musiciens locaux, des gars qui avaient enregistré des disques dans les années 30, des musiciens qui allaient chanter de ville en ville, avant que la radio ne soit inventée.  Ce type du nom de Walt Davies, par exemple,  qui voyageait avec son groupe dés 1915 jusqu’en 1930 à travers tout l’État.

Tim tu avais tout juste vingt ans lorsque tu as commencé à t’intéresser à ces vieux musiciens ?

J’avais même 18 ans.

Comment un gamin de 18 ans avait-il ce sens incroyable de vouloir préserver ce précieux héritage musical avant qu’il ne disparaisse ?

Mon père avait ce recueil incroyable d’Alan Lomax et il connaissait particulièrement son œuvre.  Il lisait aussi les écrits de Frederic Ramsey. Il y avait pas mal d’auteurs sur le terrain qui documentaient déjà l’œuvre de certains musiciens, que mon père collectionnait. Nous parlions ensemble de tous ces types et de leur travail. Moi je trouvais cela absolument fascinant. Je n’étais pas vraiment un rat de bibliothèque, mais leur expérience directe avec tous ces musiciens était un exemple pour moi. Après mes trois semestres au college, je suis parti vivre avec une famille de montagnards, durant neuf mois. Puis, je suis retourné à l’école, mais un établissement vraiment alternatif baptisé le Friends World College. Leur devise est : le monde est ton campus et tu poursuis un idéal de paix à travers ton éducation. C’était vraiment une école de hippies, ils possédaient sept centres à travers le monde. Moi j’ai choisi d’aller au Kenya où j’avais un professeur du nom de Robert Leonard ;  avec son frangin ils avaient fondé le groupe parodique the Sha Na Na. Jimi Hendrix les avait découverts et  je crois bien que c’était grâce à lui qu’ils s’étaient retrouvés à Woodstock. De 83 à 87, durant près de quatre ans, j’ai vécu à Mombasa, au Kenya, pour étudier la musique swahilie, tout en suivant l’enseignement dispensé par Rob Leonard. Je devais assurer le plus intense des travaux sur le terrain et rédiger un journal précis de mes découvertes. The Sha Na Na était né sur le campus de l’université de Columbia. Rob était un type extrêmement brillant , il est d’ailleurs devenu professeur très reconnu en linguistique. Par conséquent, moi j’ai appris ce qu’on peut qualifier de recherche linguistique de terrain. En clair, appréhender une société totalement différente, l’observer et surtout la documenter. Toute la philosophie de cette école était d’obtenir une fusion totale culturelle, par conséquent, ils te parachutaient , toi un petit jeune blanc, en plein milieu du ghetto de Mombasa, pour observer comment tu t’adaptais.

Carl Hodges

Carl Hodges

Et comment t’adaptais-tu Tim ?

Je partageais le quotidien d’une famille, je vendais de la graisse de requin. Puis j’ai rencontré un incroyable joueur de oud, Zein Al Abdeen, aussi doué sans doute que Farid Al Atrache. Il est resté, hélas, méconnu, mais c’était un très grand poète reconnu dans toute l’Afrique. J’ai passé énormément de temps à l’étudier.

Si tu n’avais pas été un music-lover, tu aurais pu devenir missionnaire ?

J’aurais pu devenir missionnaire ?  C’est drôle ce que tu dis, car mon grand-père était prêtre. Et mon grand-père et moi avions toujours été particulièrement proches. C’était un pur protestant, d’origine hollandaise, il était installé dans le Midwest. Il est devenu Unitarien, pour lequel Dieu est un seul et même esprit et non pas une trinité, ce qui était très marginal à l’époque. J’ai passé beaucoup de temps chez mes deux grands-pères. Les deux possédaient une incroyable ouverture d’esprit. Ils me disaient : le monde est bien plus vaste que ton petit horizon. Nous ne sommes sur cette Terre que pour un tout petit laps de temps  alors réfléchi bien pour savoir à quoi tu veux vraiment le consacrer. C’est le genre de questions auxquelles j’ai été confronté dès mon plus jeune âge.

Entreprendre des choses plus grandes que la vie ?

Lorsque j’étais au Kenya, nous subissions une terrible sécheresse. J’habitais chez des gens qui vivaient au fin fond de la savane, dans des cahuttes de boue séchée. C’était une vie très dure. J’ai aussi vécu dans un bidonville où les gens mourraient littéralement de faim sous mes yeux.

De la souffrance.

Oui, une souffrance énorme. Là-bas j’ai appris tout ce qui concernait les ONG. Comment concilier le travail de ces organisations privées avec les agences gouvernementales pour mieux résoudre les problèmes posés par certaines populations. Et surveiller également le bien-fondé de leurs financements. Ma vision de jeune de 21 ans était que je tenais à fonder une organisation caritative qui finance directement les personnes que nous choisissons d’aider.

Directement !

Exactement !

Sans intermédiaire…

…qui vole ces fonds, oui ! Au Kenya il y a ce projet de tout-à-l’égout fondé par le gouvernement américain. Il était financé depuis quarante ans mais au bout de toutes ces années,  il n’était toujours pas sorti de terre ! Que cela soit US Aid ou le Peace Corp, il existe une foule de projets financés en vain. Regarde cette histoire d’égouts à Mombasa qui absorbe pour rien depuis 40 ans des millions et des millions de dollars ! Cela m’a fait réfléchir et c’est pour cela que je me suis dit que si nous parvenions à aider une personne à la fois puis une autre puis une autre…nous pourrions enfin être efficace à aider les autres. Durant mes trois ans au Kenya, entre 19 et 23 ans, c’est vraiment là-bas que je suis devenu adulte. J’avais cet ami soufi du nom d’Abdallah qui est devenu mon professeur en spiritualité. Sa théorie était que la plupart d’entre sont en fait en état de sommeil et tout son enseignement consistait à nous apprendre à ouvrir les yeux. Comment devenir un être humain éveillé et en pleine conscience. Et, au-delà, réaliser qu’il faut savoir être utile et donner de sa personne à ce monde, si l’on veut donner un véritable sens à sa propre existence.

Eddie Tigner

Eddie Tigner

C’est ce qui t’a donné envie de fonder ta propre agence caritative.

Disons que c’est ce qui en a semé la graine en moi. Avec ces rencontres avec de vieux musiciens dans les Appalaches puis à mon retour du Kenya lorsque je me suis mis à fréquenter des musiciens de blues. J’ai achevé mes études par un master, mais je ne voulais en rien modifier mon mode de vie. J’avais toujours côtoyé des musiciens durant toute ma jeune existence, donc je me suis mis à apprendre la guitare et à jouer du blues. Mais j’ai très vite réalisé que jamais je ne pourrais gagner ma vie en tant que musicien en tournée, surtout avec de vieux musiciens. C’est alors que je me suis dit que si je voulais continuer à fréquenter ces gars-là, je devais inventer un modèle neuf pour les aider.

En France les sociétés d’auteurs comme la SACEM versent des subventions à certains musiciens dans le besoin en récupérant une partie des droits non attribués ; pourquoi leurs équivalents US comme ASCAP et BMI n’agissent-ils pas de même ? C’est pour cela que tu n’as pas d’autre choix que les aider ?

Absolument, ces sociétés de droits d’auteurs n’ont aucun programme caritatif. En plus, votre SACEM paye directement les artistes, quelle que soit la somme. En France longtemps nos artistes ont été distribués sur le label Dixiefrog. Chaque fois qu’un disque était diffusé à la radio, il générait des droits, nous avions un relevé SACEM et nous touchions des droits d’auteurs. Mais ici aux USA, le système ne fonctionne pas de la même manière. ASCAP et BMI ne versent des royalties qu’aux 5 plus gros vendeurs, tous les autres ne touchent rien.

Ça craint !

Ça craint complètement ! J’ai observé tout le système de la musique chez nous, par exemple au niveau du gospel ou du jazz, il existe des structures, des entraides religieuses ou communautaires pour leur venir en aide. Mais, pour épauler les bluesmen, il n’y avait rien. Et nul ne se souciait de les aider. Je me suis donc dit : voilà ceux qu’il faut épauler. Pourtant c’est bien dans le sud que toutes les bases de la musique moderne ont été créées. Sans ces artistes il n’y aurait rien. Ce sont eux qui en ont créé les plans. Et ils n’ont si souvent rien pour vivre. Chaque année, je rencontre tant d’artistes géniaux qui sont totalement démunis. Par exemple, la toute première superstar afro-américaine, un pianiste de boogie woogie du nom de Little Sugar Chile Robinson, c’était une grande vedette dans les années 40 et 50. Il figurait dans tous les « talkies », ces petites news diffusées dans les cinémas, juste avant le film principal. Il avait disparu durant 60 ans, c’était un enfant prodige qui jouait divinement le boogie woogie. À l’époque, c’était comme un Michael Jackson avant l’heure, le tout premier black à réussir dans un monde de blancs. Nous l’avons retrouvé à Detroit, il a désormais 80 ans, il n’a pas un sou, il dort à même le sol et il était sur le point d’être expulsé de la maison où il vivait. Nous avons réussi à lui offrir un lit pour dormir, lui préserver son toit et trouver une église dont la communauté accepte de lui venir en aide. Mais c’est un combat sans fin. Je rêverais détendre nos activités autour du monde en aidant les artistes de la world music.

Freeman Vines

Freeman Vines

Comment es tu parvenu seul avec tes deux mains à monter une organisation comme Music Maker Relief Foundation ? 

En 1994 je vivais à Salem, où j’ai rencontré tant de musiciens de blues incroyables. Durant un voyage je suis allé voir Mark Livinson, un ami de mon père. Un génie du son qui avait conçu la console de son utilisée durant le festival de Woodstock. Il a aussi inventé la cartouche, cet élément placé entre le diamant et le bras de lecture des platines TD. Il vendait des systèmes stéréo révolutionnaires qui pouvaient couter jusqu’à un demi-million de dollars. Et de nos jours, les automobiles Lexus sont toujours équipées d’un sound system signé Mark Levinson. Et il a entendu parler de ce que j’essayais d’entreprendre. Ce type est un authentique visionnaire, dans les 60’s tous les équipements stéréo étaient couleur argenté, c’est lui qui a eu l’idée de les fabriquer en métal noir. Et tout le monde l’a suivi. Je lui ai fait écouter les enregistrements de musiciens que j’avais réalisés et il en a été bluffé surtout avec un équipement aussi modeste que celui que j’utilisais.

Le Sony Walkman Pro, non ? Le même que j’utilisais pour enregistrer mes interviews durant les 80’s ?

Exactement, avec un micro à 35 dollars. Mark a re-masterisé mes enregistrements, et nous sommes allé ensemble à une grande convention audio pour faire une démonstration de son système à 500.000$ avec mes enregistrements. Et c’est ainsi qu’il a eu une idée ; nous allions monter une fondation que nous allions baptiser Music Maker Relief Foundation et nous allions lever des fonds. Durant ce week-end, nous avons récolté 25.000 dollars pour notre fondation. Mark est allé solliciter tous ses vieux copains pour qu’ils fassent une donation. Peu de temps après, avec l’aide d’un avocat, nous avons déposé les statuts de la fondation et toujours avec l’aide de Mark nous avons vraiment commencé à lever des fonds. Il a aussi invité Eric Clapton à venir nous voir en studio. J’ai enregistré avec Eric, nous avons joué de la guitare en duo. Eric a décidé de soutenir notre projet. GRP records grâce à lui m’a offert un poste de producteur et un salaire durant cinq ans. Jusqu’en 2000 environ j’ai travaillé en tant que producteur, et c’est à ce moment-là avec ma femme que nous avons décidé de nous consacrer intégralement à lever des fonds pour venir en aide aux musiciens de blues dans le besoin. Nous avons tout appris sur le métier des ONG et désormais nous y consacrons tout notre temps. Nous suivons environ 300 artistes.

Theotis Taylor

Theotis Taylor

Oui j’ai vu votre rapport d’activité pour l’année écoulée et c’est impressionnant : 10.000 dons, 5000 concerts, 2200 chansons enregistrées, des expositions, des vidéos et des documentaires. Et des actions concrètes incroyables comme aider Eddie Tigner à réparer sa maison pour qu’elle ne soit plus insalubre ou offrir à Pat « Mother Blue » Cohen, réfugié de l’ouragan Katrina, un système de chauffage pour qu’il puisse demeurer chez lui. Vous vous focalisez sur les individus.

Absolument. Nous aidons tous ces artistes aussi géniaux que méconnus, comme Robert Finley que j’ai découvert voici deux ans. Il chantait dans la rue. Je l’ai entendu chanter et je lui ai dit : vous êtes le plus grand  chanteur soul que j’ai entendu, voulez vous travailler avec nous ? On l’a fait venir ici, il était sur le point de perdre la vue et ne pouvait plus assurer son job de menuisier. Alors je l’ai aidé à décrocher un contrat d’enregistrement et il a fait un superbe album de soul music. Et grâce à cet album, la star des Black Keys, Dan Auerbach, a craqué et a enregistré un album avec Robert distribué par Warner, qui est tout juste paru la semaine dernière. Et, désormais, il va suivre Dan dans une méga tournée de 28 dates à travers tout le pays dés le printemps prochain. Robert a déjà quatre vidéo-clips qui tournent partout sur le net. Les médias s’intéressent beaucoup à lui et ce n‘est qu’un début.

Et,, il n’a plus besoin de toi…

C’est tout ce qu’on peut lui souhaiter. Avec Robert et notre expérience de trente ans, nous avons pu faire très vite avancer les choses. Mais la plupart des artistes que nous rencontrons ont 70 ans et il nous faut au moins cinq ans de travail pour les remettre en selle. Ils décollent…et puis bien souvent ils tombent malades, des cancers ou des problèmes cardiaques, alors ils doivent rester chez eux, mais nous continuons néanmoins à les épauler. Nous récoltons toujours de l’argent pour eux et chaque mois nous leur en envoyons. Quand nous décidons de venir en aide à un artiste, c’est bien souvent pour la vie.

Comment décides-tu d’aider tel ou tel artiste? Quels sont les critères de MMRF ?

Nous avons d’abord beaucoup appris au fil des années. En premier lieu, c’est la musique qui compte. Je dois craquer sur leur musique. Et ensuite nous devons nous rencontrer. Puis nous devons beaucoup discuter pour être certain que nous sommes sur le même tempo. L’artiste et Music maker doivent fonctionner comme une famille. Nous sommes prêts à faire telle et telle chose pour toi, mais nous devons être certains que c’est bien ce que tu souhaites aussi. Nous devons œuvrer ensemble pour que ton rêve puisse se réaliser. Car nous avons appris que si le travail n’est pas commun cela ne peut pas fonctionner. Nous n’avons pas assez d’argent pour signer des chèques tout le temps à tout le monde. Il faut que les artistes aient aussi envie de travailler et de s’en sortir. J’ai rencontré cet artiste luthier qui fabrique des guitares à partir du bois d’arbres qui ont servi à lyncher des noirs au début du siècle dernier. Il les appelle guitares des arbres à pendaison. Des gens qu’ils connaissait ont été pendus sur ces arbres. C’est un merveilleux artiste concept, mais il est gravement malade. Quand je l’ai rencontré, son diabète était si développé qu’il ne pouvait plus fabriquer ses guitares. Nous avons commencé à lui donner de l’argent pour financer son traitement. Un an après avoir pu enfin suivre son traitement, il a recommencé à fabriquer ses guitares. Quand on attribue une pension à un artiste, nous ne payons pas directement le docteur ou la note de pharmacie, mais par contre si je le revois trois mois plus tard, en lui envoyant de l’argent, je vais voir si sa santé s’améliore et s’il achète bien ses médicaments. S’il dépense son argent à autre chose, je lui explique alors que notre partenariat ne fonctionne pas et j’interromps immédiatement le financement. Il y a un vrai suivi de notre part.  C’est pour cela que ce modèle économique ne peut aider que quelques centaines de musiciens et non pas des milliers. Heureusement, je peux compter sur une véritable organisation avec ma femme et Aaron qui prennent également les choses en main. Aaron par exemple se consacre aux artistes  qui chantent de la musique religieuse comme le gospel, d’où son travail avec les Como Mamas, par exemple. Nous finançons non seulement leurs médicaments, mais aussi nous les aidons  à assurer une tournée de trois semaines en Europe, comme à l’automne dernier.

 

Captain Luke

Captain Luke

Tu as des regrets Tim ?

Oui, la frustration de ne pas pouvoir aider beaucoup plus de gens. Et je regrette que nous n’ayons pas encore plus de succès. J’ai appris sur le tas, alors j’ai commis quelques erreurs à mes débuts. Je regrette surtout de ne pas être un meilleur businessman pour que MMRF réussisse encore plus efficacement à aider encore plus d’artistes. Je n’ai pas encore trouvé comment y parvenir, mais je ne cesserai jamais d’essayer. Nous avons une forte conviction en l’humanité et à la solidarité entre les hommes. Mais en Amérique la pauvreté est encore plus endémique que lorsque Lyndon Johnson voulait mener sa guerre contre la pauvreté. Et tant d’hommes de couleur se retrouvent sous les barreaux pour de mauvaises raisons, car notre État est raciste. Nous ne sommes décidément pas au bout de notre travail.« 

 

 

Pour contribuer directement à l’action de Music Maker Relief Foundation

https://musicmaker.org/donations/

 

 

 

 

 

 

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2 réponses

  1. DENIS GARNIER dit :

    super music maker

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