GRANT HAUA « Mana Blues »
C’était vendredi soir à la Maroquinerie, un type tout seul sur scène assurait en solo l’ouverture du concert des Silencers. Son nom Grant Haua et la guitare au poing, seul contre tous nous a offert un show d’une incroyable puissance entre Robert Johnson et Bob Seger en passant par Arlo Guthrie et Stevie Ray Vaughan. Par conséquent si vous avez loupé ce pur moment de blues rock, vous ne devez pas manquer de vous offrir une séance de rattrapage avec ce dernier CD intitulé « Mana Blues ».
En découvrant le premier titre du CD, l’étrange « Pukehinahina » j’avoue avoir été quelque peu déboussolé. Une lente mélopée en maori, la langue d’origine de ce néo-zélandais, avant une déflagration de guitares saturées par des infra basses, comme si mes enceintes, pourtant neuves, avaient déjà un problème technique. Certes, le titre offre un featuring de The Inspector Cluzo et c’est sans doute ce qui explique ce son aussi étrange que graveleux. Cependant, ne vous arrêtez surtout pas aux bad vibes de cette première chanson, car le reste du disque est fort heureusement plus agréable à l’oreille ; ainsi dès « Billie Holiday » on glisse direct vers une puissante sémantique carrément Bob Seger qui déménage, mais sans vous vrombir dans les oreilles comme le précédent. La similitude vocale est troublante, l’énergie intense, on croirait vraiment entendre le fameux guitariste de Detroit avec son Silver Bullet Band. Et avec la seconde, « Blame It on A Monday », elle ne faiblit pas, bien au contraire. Avec sa voix rauque et ses guitares incisives, entre le James Gang et Led Zep, Grant Haua se déchaine pour notre plus grand plaisir. Mais à cette brutalité blues rock, il oppose la délicatesse d’un blues aussi tendre qu’empreint de cette culture rock éternelle d’Hendrix, de Clapton ou encore des Stones, avec « Jealousy ». Puis la puissante « Good Stuff » distille son énergie d’inspiration southern blues à la Allman Brothers, comme le bon vieux whiskey coule goute à goute de l’alambic. Retour au feeling Silver Bullet Band, avec la rageuse « Embers », aux échos de « Night Moves », avant que Grant ne nous surprenne de sa cinglante reprise du légendaire bluesman texan Blind Willie Johnson, l’incandescente « Time Of Dying ». Après la débonnaire « Aches », on succombe direct à la soul ensoleillée de « Bad Mofo ». Enfin, cette belle aventure aux racines du sud des USA s’achève sur une balade « To Be Loved » qu’aurait bien pu composer JJ Cale ou bien le swamp rocker Tony Joe White. Vous l’aurez compris, Grant Haua a du pédigré et il le prouve avec ce « Mana Blues ».
PS : cela n’a rien à voir… ou presque, mais voici bien des années, au siècle dernier, en 1997, j’avais rencontré un autre rocker maori, le chanteur du groupe OMC ( Omara Millionaires Club), Pauly Fuemana, qui venait de publier son premier album, le très prometteur « How Bizarre », propulsé par sa chanson titre au groove nonchalant juste irrésistible, quelque part entre Chris Isaak et la réécriture du « Hey Joe » de Jimi Hendrix par Willie Deville. Ce sera la toute première fois qu’un hit made in New Zeland percute ainsi toute notre planète bleue. Certes, l’album pouvait aussi compter sur la funky « On the Run » et quelques autres pépites.
Pauly était le plus cool des mecs, tatoué de la tête aux pieds ou presque, pour honorer sa culture ancestrale et, malgré son succés mondial, il semblait garder la tête froide. Hélas, l’ami Pauly va se friter avec son co-auteur, Alan Jansson, et le Millionaires Club explose en vol après ce superbe album, lorsque les deux se retrouvent au tribunal pour partage leurs royalties. Mais l’histoire est encore plus triste lorsqu’on sait que non seulement OMC ne produira jamais d’autre album mais que Paauly Fuemana décède à seulement 40 ans d’une maladie dégénérative chronique… quelle tristesse, mais je vous engage à découvrir son unique album… et à succomber …