QUINCY JONES DISPARITION D’UN MAGICIEN DU SON
Pour Billie Holiday, Lionel Hampton, Charlie Parker, Miles Davis, Dizzy Gillespie, Ella Fitzgerald, Peggy Lee, Sarah Vaughan, Sammy Davis Jr, Frank Sinatra, Shaka Khan, James Ingram, les Brothers Johnson, Will Smith et Michael Jackson, il était toujours invariablement Q. Pour le reste du monde, Quincy Jones était un géant de la musique, un magicien du son, un génie du groove. Hélas l‘esprit de « Thriller » s’est définitivement envolé chez lui à Bel Air au bel âge de 91 ans. Pour nous consoler il nous laisse en héritage tant et tant de hits et toutes ces larmes.
« Whoa-oh-oh-oh-oh/ Si jamais je perds ce paradis/ Si jamais, jamais, jamais je perds ce paradis (hoo !)/ Whoa-oh-oh-oh/ Je ne serai plus jamais le même/ Si jamais je perds ce paradis/ Si jamais je perds ce paradis/ Si jamais, jamais, jamais je perds ce paradis (hoo !) (Ho !)/ Je ne serai plus jamais le même… »
« If I Ever Lose This Heaven » Quincy Jones
S’il y a bien une chanson qui représente tout ce que Quincy Jones pouvait incarner pour tout music lover, c’est bien cette ardente composition de 1974. Groove soul cool, son cristallin, profondeur abyssale pour une émotion abyssale portée par les cuivres dorés… et aujourd’hui il semble bien que nous ayons à jamais perdu ce paradis, alors par conséquent nous ne serons plus jamais les mêmes après la disparition de Q. Si l’on pouvait parler du fameux Wall of Sound de Phil Spector, le son de Quincy Jones était lui une Cascade of Sound, tant la transparence mais aussi la puissance générée par ce son hors du commun qui le définissait, que cela soit sur les disques de Michael Jackson, ceux de Sinatra ou encore ceux des Brothers Johnson. C’était Quincy le magicien, et comme le secret de la pierre philosophale, cette faculté à transformer le son en or disparait avec lui.
Car Quincy Jones s’est éteint au bel âge de 91 ans. Son attaché de presse, Arnold Robinson, a déclaré qu’il était décédé dans la nuit de dimanche à lundi, dans sa résidence du quartier de Bel Air à Los Angeles, entouré de sa famille.
« Ce soir, le cœur brisé mais plein de courage, nous devons partager la nouvelle du décès de notre père et frère Quincy Jones », a déclaré la famille dans un communiqué. « Bien qu’il s’agisse d’une perte incroyable pour notre famille, nous célébrons la grande vie qu’il a vécue et savons qu’il n’y en aura jamais d’autre comme lui »… if we ever lose that heaven…
Jones était sans doute la figure musicale la plus polyvalente du XXᵉ siècle, peut-être plus connu pour avoir produit des albums tels que « Off the Wall », « Thriller » et « Bad » pour Michael Jackson dans les années 1980, faisant du chanteur le King of pop qu’il est devenu en partie grâce à Q. Mais Quincy a également produit Sinatra, Aretha Franklin, Donna Summer et bien d’autres. Il a également composé des dizaines de musiques de films et a décroché de nombreux hits sous son nom. Trompettiste et pianiste, il a également été chef d’orchestre de big bands, arrangeur pour des stars du jazz comme Count Basie, et multi-instrumentiste. Sa société de production télévisuelle et cinématographique, fondée en 1990, a produit le fameux sitcom The Fresh Prince of Bel-Air qui a révélé Will Smith. Alors il n’est guère surprenant Quincy Jones arrive en troisième position, derrière Beyoncé et Jay-Z, pour le record de nominations aux Grammy Awards de tous les temps (80 contre 88 pour chacun d’entre eux).
Quincy Jones est né à Chicago en 1933. Son père, métis blanc, était né d’un propriétaire d’esclaves gallois et d’une de ses esclaves, tandis que la famille de sa mère descendait également de propriétaires d’esclaves. Il s’initie à la musique à travers les murs de la maison de son enfance en écoutant le piano joué par un voisin ; puis il commence à s’initier à la musique à l’âge de sept ans, ainsi qu’au chant de sa mère. Lorsque ses parents divorcent, il déménage avec son père dans l’État de Washington. C’est là qu’il découvre la batterie et une multitude d’instruments à vent dans la fanfare de son lycée. À 14 ans, il commence déjà à jouer dans un groupe avec Ray Charles, alors âgé de 16 ans, dans des clubs de Seattle, et en 1948, il accompagne Billie Holiday. Q étudie ensuite la musique à l’université de Seattle, poursuit ses études à Boston, avant de s’installer à New York après avoir été réengagé par le chef d’orchestre de jazz Lionel Hampton, avec lequel il avait déjà tourné lorsqu’il était lycéen. À New York, il joue de la trompette dans l’orchestre d’Elvis Presley lors de ses premières apparitions à la télévision, et il rencontre les stars du mouvement bebop florissant, notamment Charlie Parker et Miles Davis.
Puis il tourne en Europe avec Hampton et y passe pas mal de temps dans les années 1950, notamment pour poursuivre ses études à Paris, où il a rencontré des personnalités telles que Pablo Picasso, James Baldwin et Joséphine Baker. À l’âge de 23 ans, il a également effectué une tournée en Amérique du Sud et au Moyen-Orient en tant que directeur musical et arrangeur de Dizzy Gillespie. Il a réuni une équipe de choc pour son propre big band et est parti en tournée en Europe afin de tester Free and Easy, une comédie musicale de jazz. Cependant, cette tournée désastreuse a laissé Jones, de son propre aveu, au bord du suicide et avec 100 000 dollars de dettes. A son retour, il décroche un job chez Mercury Records et rembourse lentement ses dettes, travaillant comme producteur et arrangeur pour des artistes tels qu’Ella Fitzgerald, Dinah Washington, Peggy Lee, Sarah Vaughan et Sammy Davis Jr. Il commence également à composer des musiques de films, dont « The Italian Job », « In the Heat of the Night », « The Getaway » et « The Color Purple » (qu’il a d’ailleurs produit et qui a été nominé pour 11 Oscars, dont trois pour Jones lui-même). En 1968, il devient le premier Afro-Américain à être nommé pour la meilleure chanson originale aux Oscars, pour « The Eyes of Love » du film « Banning ». Pour la télévision, il a composé la musique de séries telles que THE BILL COSBY SHOW, IRONSIDE ( L’HOMME DE FER) et ROOTS
Sa collaboration avec Sinatra a débuté en 1958, lorsque Grace Kelly, princesse consort de Monaco, l’a engagé pour diriger et arranger les concerts de Sinatra et de son groupe à l’occasion d’un événement caritatif à Monaco. Jones et Sinatra continueront à travailler sur des projets jusqu’au dernier album de Sinatra, « LA Is My Lady », en 1984. La carrière musicale solo de Jones a pris son essor à la fin des années 1950, période durant laquelle il a enregistré des albums sous son nom en tant que chef d’orchestre d’ensembles de jazz comprenant des sommités telles que Charles Mingus, Art Pepper et Freddie Hubbard. Quincy Jones a produit la chanteuse new-yorkaise Lesley Gore au milieu des années 60, dont le numéro un « It’s My Party », et a ensuite embrassé le funk et le disco, produisant des tubes comme « Give Me the Night » de George Benson et « Baby Come to Me » de Patti Austin et James Ingram, ainsi que des disques du groupe Rufus et Chaka Khan, et des Brothers Johnson. Jones a également sorti ses propres morceaux funk, se classant dans le Top 10 avec ses LP « Body Heat » (1974) et « The Dude » (1981).
Mais sans doute son plus grand accomplissement aura été son travail avec Michael Jackson : « Thriller » reste l’album le plus vendu de tous les temps, tandis que la magie de Jones entre « Off the Wall » et « Bad » a permis à Jackson de se métamorphoser, évoluant du disco léger au funk-rock ultra-puissant. Jones et Jackson (ainsi que Lionel Richie et le producteur Michael Omartian) ont également dirigé « We Are the World », un single caritatif à colossal qui a permis de récolter des fonds pour venir en aide aux victimes de la famine en Éthiopie en 1985. « J’ai perdu mon petit frère aujourd’hui, et une partie de mon âme est partie avec lui », a déclaré Jones à la mort de Jackson en 2009.
Après le succès de « The Color Purple » en 1985, il a créé la société de production cinématographique et télévisuelle Quincy Jones Entertainment en 1990. Son plus grand succès à l’écran a été la sitcom « The Fresh Prince of Bel-Air », qui a duré 148 épisodes et a satellisé la carrière de Will Smith. D’autres émissions ont été produites, notamment la sitcom « In the House » de LL Cool J et l’émission de sketches à long terme Mad TV.
Tout au long de sa carrière, il a soutenu de nombreuses œuvres caritatives et causes, notamment la National Association for the Advancement of Colored People, la Jazz Foundation of America et d’autres, et a encadré de jeunes musiciens, dont le Britannique Jacob Collier, lauréat de plusieurs Grammy Awards.
Le parcours stratosphérique de Jones a failli s’interrompre à deux reprises : il a évité de justesse d’être assassiné par la secte de Charles Manson en 1969, car il avait prévu de se rendre à la maison de Sharon Tate la nuit des meurtres, mais il a oublié le rendez-vous. Il a également survécu à un anévrisme cérébral en 1974, qui l’a empêché de rejouer de la trompette au cas où l’effort aurait causé d’autres dommages.- Quincy Jones s’est marié trois fois : d’abord avec Jeri Caldwell, sa petite amie de lycée, pendant neuf ans, jusqu’en 1966, et avec laquelle il a donné naissance à sa fille Jolie ; puis en 1967 avec Ulla Andersson, dont il a eu un fils et une fille. En 1967, il a épousé Ulla Andersson, dont il a eu un fils et une fille. Il a divorcé en 1974 pour épouser l’actrice Peggy Lipton, surtout connue pour ses rôles de jolie blonde dans THE MOD SQUAD (LA NOUVELLE EQUIPE) et TWIN PEAKS. Ils ont eu deux filles, dont l’actrice Rashida Jones, avant de divorcer en 1989. Il a eu ensuite deux autres enfants : Rachel, avec une danseuse, Carol Reynolds ; et Kenya, sa fille avec l’actrice Nastassja Kinski. Q ne s’est jamais officiellement remarié, mais a continué à séduire de bien jolies jeunes femmes. Il a notamment eu une relation d’un an avec la styliste égyptienne Heba Elawadi, âgée de 19 ans, alors qu’il avait 73 ans. Il a également affirmé avoir fréquenté Ivanka Trump et Juliette Gréco. Quelle vie, quelles aventures, quel parcours hors norme… Quincy a désormais rejoint sa chère Peggy Pipton disparue en 2019
« La vie est comme un rêve, disait le poète et philosophe espagnol Federico Garcia Lorca », a écrit Jones dans ses mémoires. « La mienne a été en Technicolor, avec un son Dolby complet grâce à l’amplification THX, avant qu’ils ne sachent ce qu’étaient ces systèmes ».
Outre Rashida, Jones laisse dans le deuil ses filles Jolie Jones Levine, Rachel Jones, Martina Jones, Kidada Jones et Kenya Kinski-Jones ; son fils Quincy Jones III ; son frère Richard Jones et ses sœurs Theresa Frank et Margie Jay. Sans oublier tous les amoureux de la musique de part ce monde, un monde qui semble désormais bien vide sans le génie de Quincy. RIP mister magic sound man !