BREL ET BRASSENS « Les voisins magnifiques »
Saviez-vous que Georges Brassens et Jacques Brel avaient été voisins de palier dans le 14ème arrondissement de Paris ? Mais ces deux la pouvaient-ils être de vrais amis, surtout quand ils ne pratiquaient pas l’amitié de la même manière ? Oui, si l’on en croit la relation solide qui a uni Georges Brassens et Jacques Brel. La preuve par ce coffret 5 CD regroupant un florilège de chansons de ces deux monstres sacrés.
Par Jean-Christophe MARY
Jacques Brel (1929-1978) et Georges Brassens (1921-1981), deux grands noms sinon les plus grands de la chanson française. Deux écritures, deux styles musicaux différents mais dont les sujets les thèmes abordés se sont souvent croisés. Si le grand public a en tête l’interview croisée des trois monstres sacrés -George Brasses, Jacques Brel et Léo Ferré en 1969, on découvre à travers ce coffret que Brel et Brassens se sont souvent croisés dans leur carrière, et qu’ils ont même été… voisins de palier. Leurs deux appartements se trouvaient au douzième étage du 5-19 rue Émile-Dubois à Paris – Brel à l’escalier G et Brassens à l’escalier D.
Les deux chanteurs débutent leur carrière au milieu des années 50 grâce à leur mentor et producteur Jacques Canetti, alors directeur artistique des Trois Baudets. Grâce à sa culture musicale portée sur le jazz, Brassens fait ses débuts comme guitariste de Patachou. Épaulé par François Rauber, Brel choisit lui des orchestrations scintillantes pour mettre en valeur ses textes lyriques et enflammés. Si sur scène Brassens affiche une bonhomie tranquille, Brel, sorte de rocker avant l’heure, livre lui des concerts fougueux et passionnés. Autre divergence, l’écriture. Surnommé « L’abbé Brel » par Brassens, les premières chansons du chanteur Belge sont assez naïves, influencées par l’esprit scout un peu candide et une éducation catholique, comme le témoigne son évocation de la Vierge Marie dans « Prière païenne ». Le guitariste sétois livre lui des textes crus, paillards et libertaires comme le témoigne « Le Gorille » et son « tube » sur la peine de mort aussi grivois qu’ irrévérencieux. Mais ces divergences de style n’empêcheront pas les deux auteurs de se retrouver sur des thématiques qui leur sont chères. C’est justement ce que met en lumière ce coffret à travers cinq thèmes où alternent les chansons de l’un et de l’autre autour de L’amour, L’amitié L’injustice, Le temps qui passe et la mort.
Ainsi, quand le « Les amours d’antan » de Brassens fait écho à « Mon enfance » de Brel, son « Ne me quitte pas » fait lui échos à « La non-demande en mariage » de Brassens. « Le temps ne fait rien à l’affaire » de Brassens et « Les bourgeois » de Brel dressent un constat sur la bêtise humaine. Le grand Jacques console son ami « Jef » pendant que l’oncle Georges trouve réconfort auprès de « La femme d’Hector ». Chacun livre sa propre vision de la mort : Brel dans « Le dernier repas » et Brassens dans son « Supplique pour être enterré à la plage de Sète ». Chaque disque contient des extraits d’interviews qui illustrent les positions des deux artistes. Des échanges qui s’entrecroisent et laissent imaginer les conversations qu’ils auraient pu avoir sur ces sujets. Par ailleurs, les chansons s’entremêlent afin de récréer cette discussion, ce dialogue imaginaire qu’ils auraient pu avoir en se croisant dans le couloir, se rendant visite à l’impromptu pour écouter des chansons en chantier, partagera une plâtrée de pâtes, rire en douce du bêtisier du hit-parade. Car Brel et Brassens se sont beaucoup admirés et avaient un respect mutuel très fort l’un envers l’autre. Ce coffret est la belle occasion de les réécouter ces deux artistes exceptionnels de concert, l’un après l’autre, l’un avec l’autre.