GO GO GO GO AVEC LES GO GO’S ET (OIN)GO (BOIN)GO
Voici 41 ans dans BEST, GBD envoyé spécial à LA du mag de la rue d’Antin jouait à nouveau les dénicheurs de talents avec deux formations de la cité des anges : le séduisant girls group à la pop bulles de savon, the Go Go’s et Oingo Boingo, le band d’un certain Danny Elfman qui se révèlera plus tard en tant que magicien des BO de Tim Burton et de tant d’autres cinéastes de renom. Joli coup double, non ?
Je pense qu’à l’époque, cela avait fait rire Christian Lebrun, notre estimé rédac chef de BEST d’enchainer dans un même papier tous ces GO. C’est vrai qu’entre les Gogo’s et Oingo Boingo on comptait déjà quatre GO. Cependant, à part la localisation à Los Angeles, les deux formations à l’aube des 80’s avaient bien peu en commun. À ma gauche, les Gogos, fulgurant et séduisant quintet californien qui réinventaient à leur manière les girls groups pop soul des 60’s de la Motown ou de Philles, le label de Phil Spector. Bien plus séduisantes que les Runaways, qui cultivaient un certain coté « camionneur» ou que les Girlschool ( Voir sur Gonzomusic) , la force des Go Go’s c’est qu’en associant charme et rock acidulé, elle ont eu surtout le flair – à moins que ce filou de Miles l’ai eu à leur place- de partir faire un stage à Londres avant d’achever l’enregistrement de leur « Beauty And the Beat ». Et dans la capitale British, justement nos Gogo’s ont rencontré les Specials. Pour mémoire, à ses débuts le groupe de Jerry Dammer et Terry Hall avait pas mal fricoté avec un autre girls pop group : les Bananaramas. Bref, en repartant à LA, nos Go Go’s ont un petit trésor dans leur escarcelle : le brillant single « Our Lips Are Sealed », co-signé Jane Wiedlin et Terry Hall qui propulsera ce premier LP au sommet des charts.
Quant à Oingo Boingo, c’est une toute histoire de …gos ! Après ce tout premier 33 tours « Only A Lad », Danny Elfman enchainera entre 81 et 94pas moins de huit albums, hélas sans jamais véritablement décrocher de hit solide. Pourtant, il ne manquait pas grand-chose pour que le groupe de Los Angeles devienne une sorte de version West Coast des Talking Heads. Même usage d’une rythmique frénétique de funk glacé et surtout même sens de l’humour aussi sarcastique que décalé. Danny aurait pu jouer les rockers incompris toute sa vie, mais dés 1983 il s’ouvre à une carrière parallèle et devient Mister Score-man, un génie des Bandes Originales de films multi récompensé aux Oscars et qui peut se vanter d’avoir à son actif un tableau d’honneur de blockbusters assez vertigineux tels que « Beetlejuice », « Batman », « Edward Scissorhands », « Mission Impossible », « Mars Attacks ! », « Men In Black », « Sleepy Hollow », « Spider-Man », « Charlie and the Chocolate Factory », « Big Eyes », « 50 Shades of Grey », « Justice League » et « Doctor Strange In the Multiverse of Madness ». Moralité si le Danny Elfman que j’ai rencontré avait persévéré dans le rock, jamais il ne nous aurait offert un tel cinéma pour les oreilles. Bon par contre j’avoue que je ne me souviens plus pourquoi je lui pose toutes ces questions décalées auxquelles il répond de manière censée. Étais-je encore raide ? Complicité d’humour juif ? Maybe so… Go Go’s + Oingo Boingo… je m’auto-congratule one more time maybe… mais avouez que sur ce coup-là, je n’avais pas manqué de flair. Flashback…
Publié dans le numéro 159 de BEST sous le titre:
GO !
Frustrant ! Vous avez dit frustrant et vous n’avez pas tout à fait tort. Regardez un peu ce téléphone beige. Pas vraiment excitant, pas très objet de fantasmes, hein ! Dans mon bureau confortable d’invité A&M, je mâchouillais un élastique en attendant la sonnerie du téléphone. Sur le meuble acajou, j’avais posé en face de moi la photo de presse des Go-Go’s: Belinda et ses quatre petites camarades me souriaient en deux dimensions… Trois heures de décalage horaire, cinq mille bornes et un fichu téléphone pour interviewer à la file les cinq Go-Go’s live d’une chambre de motel d’Indianapolis…
Dès mon arrivée aux States, je me suis branché sur les radio FM et ce sont elles qui m’ont permis de découvrir mes deux nouveaux favoris made in USA pour l’été Les Go-Go’s, bien sur, mais aussi Oingo Bolngo, un autre groupe de LA. Je sors mon étiqueteuse automatique pour vous en coller une bonne sur Oingo. Imaginez un peu si les disques étaient présentés comme les conserves ou les gâteaux secs, avec leur composition sur l’étiquette : 10 % de Bowie de synthèse, 45 % de Byrne frais, 3 % de Roxy émulsifiant, 10 % d’ironie, 12 % de sadisme, le reste, c’est de l‘énergie brute et du théâtre. Telle est la recette Oingo Boingo. Pour le reste, essayez plutôt un 45 tours échantillon, ou un fast food en compagnie de Danny Elfman, Grand Maitre de I’Ordre Mystique du Oingo Boingo.« Only a Lad », le premier LP de OB, sonne vraiment bien. Les cuivres assurent avec efficacité leur job de cuivres et si la voix de Danny est un étrange mélange des deux David ( Bowie & Byrne), elle devient très vite facilement identifiable. Contrairement à la plupart des groupes US, les textes de Danny ne sont pas aussi vides que mon compte en banque, mais ce qui me gène quelque peu, c’est qu’ils trimbalent quelques idées conservatrices que I’on a rarement l‘habitude de voir associées au rock. Danny a les cheveux roux coupés très courts, ce qui durcit son visage. Entre deux bouchées de cheeseburger « Jumbo Jack », il a bien voulu répondre à quelques questions.
« Danny, tu peux me passer le sel, là… à droite ?
À droite ? Mais pas du tout. Je sais qu’il y a des gens qui me prennent pour un gourou du conservatisme à cause de ma chanson « Capitalism ». Mais je suis tout sauf ça, au contraire. Pendant toutes mes années de fac, j’ai milité au sein de l’extrême gauche contre le Vietnam. C’est pour cela que je peux me permettre d’être aussi critique à l’égard de la gauche. En fait, je suis complètement hybride : libéralo-conservateur ou conservato-libéral, ça n’a pas beaucoup d’importance. En tout cas je t’assure que je ne suis pas un électeur de Reagan et sa « majorité de la morale » me fait vraiment gerber. En fait, je crois surtout que j’aime la provocation et les extrêmes. C’est pour ça que mes chansons sont toujours en étroite relation avec un sujet choisi: le fascisme, le complexe libéral, le refus d’affronter ses responsabilités, etc. J’exècre assez les grands concepts classiques du rock and roll, les histoires d’amour ou les thèmes bateaux-qui-prennent-l’eau. La rue par exemple. Sorti de « je vis dans la rue », « tu vis pour la rue », c’est toujours la même rengaine Il faut laisser une place à I’humour et au deuxième degré.
Ok, alors je te prends juste deux ou trois frites…
Effectivement, nous sommes vraiment un groupe de LA. J’ai grandi à West LA, à deux pas d’un cinéma où l’on ne projetait que des films d’horreur. Je pense que quelque part ça a du me marquer. Pour répondre à ta question : originaire de LA ne veut pas forcément dire inconditionnel des médias de la Californie du Sud. Au contraire, la presse rock d’ici nous déteste parce que, à ses yeux, nous sommes à l’antithèse du grand courant punk actuel. Ils bavent devant X ou les Dead Kennedys, mais ces mecs bedonnants de quarante ans des médias n’ont jamais rien compris a la rue, Ils revivent leur jeunesse beatnik par punks interposes, c’est facile, stérile et inutile.
Lea tarte aux cerises, tu crois qu’elle est maison ?
Ma première expérience de la scène, d’ailleurs c’était assez loin de la maison. Mon frère avait suivi votre Grand Magic Circus avec ses congas et il vivait en Europe depuis six mois lorsque je l’ai rejoint. J’avais commencé le violon juste avant mon départ. Je répètais souvent dans l’appart de mon frère et, un soir, Jerome (Savary) est passé par hasard à la maison et je me suis retrouvé enrôlé en tournée en France et en Belgique avec son Grand Magic Circus Par la suite, je suis parti voyager un an en Afrique. Lorsque je suis rentré en Californie, j’ai retrouvé mon frère qui avait formé une troupe: The Mystics Knights of the Oingo Boingo. Je composais et Rick écrivais les sketches. En quelques mois, nous sommes devenus une troupe de théâtre multimédia qui marchait bien. Mais moi je commençais à étouffer car notre structure était trop lourde : trop de décors, trop de costumes et pas assez de musique à mon goût. Je me suis mis à écrire des trucs plus rock et le groupe s’est formé.
Tu prends du café ?
Nous avons pas mal galéré sur ce premier album. À cause d’une grave dispute avec notre producteur, nous avons dû refaire nous mêmes tous les mixages. On était parti à Miami bosser avec ce mec, Pete Solley, pour finir de réaliser l’album. Mais, quand nous sommes rentrés à LA avec les bandes, nous les avons comparées aux rough mixes originaux qui avaient dix fois plus la pèche. On a tout refait en quatre jours, ainsi chaque note de l’album est exactement fidèle à tout ce que nous sommes capables de donner sur scène ».
Le lendemain, je suis allé voir Danny dans un studio vidéo de Santa Monica où il tournait le clip de “ Little Girls », le single, dans un décor en noir et blanc très figuratif, style années trente. Danny se balade au bras d’une adorable petite fille pendant que son groupe joue les figures de cires costumées. Oingo Boingo a le sens du théâtre, j’espère que vous pourrez bientôt les croiser sur une scène chez nous, à Paris ou ailleurs.
Les Go-Go’s avaient du enfin sortir de leur bain de mousse car le cœur- sonnerie du téléphone s’est mis à battre très fort. À I’autre bout du fil, la voix acidulée de Charlotte Caffey, blonde et guitariste/claviers… « Hi Gerard… », me dit-elle.
Si j’en crois mon petit Larousse américain, « Go-Go » est une expression populaire qui signifie fun, amusement, distraction. Charlotte et ses copines portent admirablement bien leur nom. Le son des Go-Go’s est sans aucune prétention intellectuelle, c’est une musique simple, légère, et faite pour danser. Pour schématiser, on peut dire ue les Go-Go’s sont un peu les B 52’s de la West Coast. Au téléphone, ça n’est peut-être pas évident, mais ces demoiselles entretiennent aussi un certain sens de la beauté plastique. De la beauté et du rythme, tenant ainsi toutes les promesses du titre de leur premier LP » Beauty And the Beat», Produit par Richard «les deux premiers Blondie » Gotterher, le LP se laisse déguster comme une ice cream nouvelle cuisine. Version moderne des Shangri La’s , les Ronettes ou les Supremes et de tous ces groupes qui cultivaient de somptueux vocaux, les Go-Go’s sont l‘attraction du moment. Au LA Palladium, les kids se sont battus pour assister à leur concert, la radio les matraque bien et LA Weekly les a placés au sommet de ses charts. Et en ce début aout la bombe Go-Go’s sévit aussi sur la côte Est.
« Comment réagit le public dans ces villes où l’on ne vous connait pas ?
Charlotte Caffey (guitare, voix et claviers): Yeah… au début, dans certaines salles, lorsque nous débarquons, le public est assez tiède: il se contente de nous observer. Tu me crois si tu veux, mais trois chansons plus tard, les mêmes sont déjà debout et se mettent a danser.
Votre musique parait plutôt faite pour cela. non ?
C’est ce que nous aimons créer: une musique qui sache faire bouger, tout en respectant la mélodie. Notre premier album est sorti le 14 juillet aux USA, mais nous commençons déjà à bosser des morceaux pour le second.
C’est important pour vous d’être un groupe composé exclusivement de filles?
J’ai déjà été dans des groupes avec des garçons et je crois que cela n’y change rien. Un groupe, c’est travailler dur, vivre ensemble un tas de choses chouettes ou frustrantes et c’est pareil pour un mec ou pour une nana.
Vous allez tourner en Europe ?
Oh yeah et comment. Tu peux t’attendre à nous voir débarquer dans la deuxième quinzaine d’octobre si tout se passe bien. Nous avons déjà tourné en Angleterre avec les Specials et Madness !
Si on parlait un peu des textes…
Ah pour les textes, je vais te passer Kathy, elle en a signé pas mal.
Salut Kathy… Je voudrais savoir si les textes font aussi réfléchir en dansant ?
Kathy Valentine (basse, guitare)… qui se défile… Heu… là tu devrais en discuter plutôt avec Jane.
Alors Jane ?
Jane Wiedlin (guitare rythmique et voix): Nous ne faisons pas du tout de politique. Cela ne m’inspire pas du tout pour écrire. J’aime mieux raconter les expériences personnelles, c’est bien plus drôle.
Les Runaways étaient manipulées par Kom Fowley… alors qui manipule les Gogo’s ?
Personne, je t’assure, nous sommes un vrai groupe. Nous écrivons nous-mêmes nos chansons, décidons seules les vêtements que nous portons. De surcroit, je crois que les Runaways pratiquaient un peu trop le jeu stupide de la compétition avec les mecs. Nous, nous n’essayons pas d’être meilleures ou plus fortes que des mecs, nous essayons seulement d’être nous-mêmes… d’ailleurs, je te passe Belinda qui veut te dire un mot…
Belinda Carlisle ( chanteuse) Tu sais nous ne sommes pas vraiment agressives. La musique doit être un moyen justement d’échapper à tous les problèmes. Je crois que le spunks de LA se lasseront bien vite de l’éternelle évocation rock de leur déprime.
C’est important ce cote distraction ?
BC : Et comment ! D’ailleurs, je trouve que justement nous sommes particulièrement… distractives »
J’ai aussi parlé à Gina. Et a Kathy. Et de nouveau à Belinda. Mais quelle vie trépidante !
Les Go-Go’s ont signé chez IRS, la boite de Miles Copeland, qui les manage également avec Police, et Ian, le troisième frérot. s’occupe de leur tournée via son agence FBI (Frontier Booking International), si après cela les Go-Go’s ne sont pas une affaire de famille… Ce soir, les filles jouent au Crazy House d’Indianapolis. Une autre salle, un autre public pour ces femmes poupées proprettes dans leur bain moussant et leur musique bulle de savon, une bulle qui monte, qui monte…
Publié dans le numéro 159 de BEST daté d’octobre 1981