UB 40 « Present Arms »
Voici 40 ans dans BEST GBD croquait festivement ce « Present Arms », seconde pizza de réglisse du reggae band fusion de Birmingham. Toujours arc-boutés sur leur engagement politique, cette fois c’est le hit « One in Ten », soit un travailleur sur dix… au chômage qui va propulser au sommet les cool et chaleureux UB 40, suivis à la trace depuis leur fameux « Signing Off » inaugural. Retour vers le futur de ces héros du reggae made in England.
UB 40 et moi c’est aussi une histoire d’amour avec cette scène multiculturelle British. Dés que j’ai commencé à écrire pour la presse rock, j’avais craqué sur ces groupes Two Tones qui révolutionnaient par leur fusion ska rock la scéne anglaise. C’est ainsi que j’avais d’abord rencontré Madness, puis the Selecter et the Beat, me liant avec ces formations protéiformes qui sauront durablement marquer la culture rock au fil des 80’s. Arrivés un peu plus tard, certes les UB 40 n’avaient pas cette coloration ska, adoptant un reggae ultra relax plus proche des ses collègues Steel Pulse. Pour les avoir interviewé pour BEST ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/ali-et-les-40-ub.html ), je me souviens d’une communauté quasi familiale, basée sur le partage et extrêmement soudés, un peu comme ces anciens kolkhozes ou les kibboutz … mais cultivant leur zique au lieu et en place de céreales. Hélas ces derniers mois ont vu les tristes disparitions successives d’abord du saxe emblématique Brian Travers en aout 2021 ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/mort-a-62-ans-de-brian-travers-le-saxe-emblematique-de-ub40.html ) suivi par celle du toaster du groupe Astro en novembre.
Publié dans le numéro 156 de BEST :
Avec « Present Arms », UB 40 signe son second LP. Le groupe de Birmingham a abandonné Graduate son premier label, pour créer DEP International, leur propre boite : on est toujours bien mieux chez soi… En décembre 1978, les huit musiciens avaient choisi l’appellation UB 40, un formulaire du chômage numéroté, parce qu’ils s’y étaient rencontrés, dans la même queue. Les Anglais connaissent encore plus que nous les bureaux d’allocation-chômage, parce que la crise a frappé fort, très fort dans les villes industrielles comme Birmingham. Alors UB 40 c’était déjà une sorte de défi. Lorsque le groupe se classe en tête des charts avec « Food for Thought » cela devient carrément du délire. UB 40, s’il pratique un reggae insulaire comme Steel Pulse, se rapproche plus d’un groupe Two Tone tel que The Beat. « Present Arms », le sax en avant, nous entraine sur deux faces en noir et blanc, une musique ensoleillée qui crève les nuages lourds et gris-sales du ciel de l’Angleterre. Cette fois, contrairement à « Signing Off », il n’y a pas de tube vraiment puissant comme « Food… ». …Et pourtant ! Est-ce bien un hasard si le seul titre dont le texte figure sur la pochette, «One in Ten», est aussi le plus évident ? « One in Ten » grosso modo, si l’on suit les statistiques du chômage anglais, c’est la projection du pourcentage des « sans emplois » sur le reste de la population active. UB 40 n’oublie pas ses origines… à moins qu’il n’ait pas songé à renouveler son gimmick : « Hello les chom’dus, on est vraiment votre groupe et la preuve c’est que c’est écrit dessus. UB 40… savez pas lire? » UB 40 a choisi l’expression reggae entre le rock, le punk ou la cold wave, parce qu’elle est le protest-song des années 1980. Le parallèle est ainsi tracé entre les frères des ghettos britanniques et ceux de Kingston. Un seul reproche à formuler contre ce « Present Arms » : cette uniformité entre les titres. J’avais eu cette réaction en sortant de leur concert I’an passé : « C’est bien… mais on dirait un peu le même morceau du début à la fin ». Avec leur LP, non seulement ils signent, mais cette fois ils persévèrent ; et ça fait partie de l’autodétermination des groupes à disposer d’eux-mêmes.
Publié dans le numéro 156 de BEST daté de juillet 1981