XTC « English Settlement »
Voici 41 ans dans BEST GBD succombait très largement au charme si Britannique du 5ème LP d’XTC. Considéré par les aficionados comme le « White Album» de la formation d’Andy Partridge, cet ambitieux et green « English Settlement » continue à défier les ans du haut de cet immense monument rock aussi énergique qu’acoustique né au légendaire Manor Studio sous la houlette du talentueux Hugh Padgham. Flashback…
Le 18 mars 1982, XTC ( Voir sur Gonzomusic LA TOTALE XTC PAR OLDCLAUDE ) donne un concert à guichets fermés au Palace , mais hélas dès la première chanson Andy Partridge s’effondre avant de quitter la scène en courant, laissant son public en état de choc. On le retrouve en coulisses, se serrant le ventre atteint de vomissant. Première hypothèse : une crise d’appendicite, mais on découvrira plus tard qu’il n’avait rien mangé depuis plusieurs jours à cause du stress. Or le lendemain du show, je devais interviewer Partridge le lendemain à son hôtel pour BEST. Face à mon micro, à ma plus grande stupéfaction j’aurai la surprise de retrouver au lieu du chanteur-leader de XTC, Colin Moulding ( bassiste) et Terry Chambers ( batteur) pour un étrange entretien qui sortira dans le numéro suivant de BEST, le 167 daté de mai 1982, et que je ne tarderai pas à re-publier sur Gonzomusic… promis !
Publié dans le BEST 165 sous le titre :
GB
Les Anglais ont un certain sens du paradoxe ; imaginez que ce pays sans constitution écrite est le premier à avoir inventé la liberté individuelle, l’Habeas Corpus, tout en sachant la garantir (Bill of rights). Si je m’enfonce ainsi dans les marécages du droit anglais, c’est que, dans son concept, cet « English Settlement » porte en lui l’âme d’une certaine Angleterre. On le lit comme un livre d’histoire désordonné où Guillaume de Normandie, Richard Cœur de Lion, le thé Earl Grey, Cromwell, les fish and chips et la lingerie fine de mémé Thatcher sont emmêlés dans une grande partouze intello. Après les 20 000 sillons sous la mer Noire ( « Black Sea »), XTC s’offre un retour direct vers Albion pour y exploiter ses racines ancestrales. « English Settlement » est un disque profondément anglais. C’est con de dire ça d’un groupe anglais, mais, que voulez-vous, en l’écoutant, j’ai vraiment l’impression de m’envoyer une boîte entière d’After Eight., à l’instar de british racing green de sa pochette. Simple question d’ambiance. Avec toute une palette d’instruments nouveaux et de percussions, XTC parvient à maîtriser un son qu’il colore à sa guise par petites touches. A force de minutie, le climat de ces « Etablissements Anglais » paraît presque intemporel.
Parfois même, à cause de l’utilisation de la guitare acoustique de Partridge, XTC prend une tangente folk, mais un folk résolument moderne où il ne manque pas une seule once d’énergie. Roots mais agité, XTC développe un sens de l’harmonie, une sorte de pureté travaillée entre la révolution et le classicisme. Toutes proportions gardées, on peut bien trouver quelques bases communes avec des vieux groupes comme Jethro Tull ou Genesis, mais XTC a l’énorme atout de savoir maîtriser un son particulièrement original, tout en échappant aux chausse-trappes du planant. Découvrez le funk acoustique d’Andy Partridge et de ses acolytes, réalisé par leur producteur habituel, Hugh Padgham. Celui-là même qui a déjà eu fort à faire, cette année, avec Genesis, Phil Collins et Police. Enregistrée au Manor, la version anglaise d’« English Settlement » est un double album de quinze titres. Le pressage français, par contre, est un simple LP de dix chansons. C’est une décision qui aurait été prise en accord avec le groupe. A la première écoute, vous serez peut-être surpris par le côté tribal-saxon de « Runaways » et le martèlement de la guitare sèche qui se place sur la quasi-totalité des morceaux. Comme ils sont tous enchaînés, si vous n’êtes pas pris par le charme, je vous engage à tenter une seconde puis une troisième application de la formule mise au point par XTC. Pour trouver l’inspiration, certains, comme les Talking Heads, font le trip vers l’Afrique ; XTC a su la trouver dans la jungle des pubs ou au fond de sa tasse de thé. Même une chanson comme « Melt the Guns » sur le thème archi-éculé du désarmement ou « No Thugs in Our House » et son clin d’œil à une certaine morale bourgeoise échappent aux voies habituelles. Je ne sais pas si XTC est un groupe vendeur, mais du côté de l’originalité, je peux vous assurer qu’il en a très largement à revendre.
Publié dans le BEST 165 daté d’avril 1982