WORKING WEEK HASTA LA VICTORIA SIEMPRE
Voici trente ans dans BEST, GBD tendait son micro aux Working Week, éminents représentants du Red Wedge, cette union de groupe et artistes en faveur du Labour et résolument engagés contre la déliquescence du système social British imposé par Thatcher. WW venait alors tout juste de publier son second LP « Compañeros », comme un clin d’œil à la révolution des barbus cubains dont le slogan était : hasta la victoria siempre (toujours jusqu’à la victoire). Flash-back jusqu’au numéro 221 du légendaire mensuel rock hexagonal !
Dans les cendres de leur groupe précédent, le fameux Week End, le guitariste Simon Booth et son « compañero » le saxophoniste Larry Stabbins, abandonnés par leur chanteuse Alison Statton, subitement rattrapée par sa vocation de prof, fondent leur toute nouvelle formation au patronyme résolument prolétaire de Working Week et recrutent Juliet Roberts dés leur second single . Publié en 1985, « Working Nights » leur tout premier 33 tours me fait craquer par son cocktail enivrant de jazz cool, de soul aérienne et de rock. Aussi, lorsque le trio récidive un an plus tard avec ce fiévreux et militant « Compañeros », je ne résiste pas à l’envie de leur tendre mon micro siglé BEST. Thatcher au pouvoir en Angleterre a affamé ses mineurs en grève. (voir sur Gonzomusic mon article du BEST 220 sur Ces « combats rock » du milieu des 80’s https://gonzomusic.fr/combats-rock.html) Les longues files pour la soupe populaire se sont reformées pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale. Avec leurs confrères artistes du Red Wedge, « le coin rouge » comme celui qu’on enfonce, les Working Week incarnent cette résistance nécessaire aux dérives de la droite ultralibérale. Cela vous rappelle quelque chose d’actuel, non ? Ne dit-on pas que souvent l’histoire se répète…compañeros !
Publié dans le numéro 221 de BEST sous le titre :
SEMAINE TRAVAILLISTE
« Working Nights » et « Companeros », la fête « Touche Pas à Mon Pote, le « Bon esprit» de Maneval à Bobigny, le Red Wedge en Angleterre, les Working Week pratiquent la soul jazz corrosive et le combat rock tous azimuts. Souvent Julie(t)- au fil des disques- Roberts, Simon Booth et Larry Stabbins se réveillent dans la nuit en proie au même cauchemar : « Au secours la droite est là ! ». Pour qu’il cesse enfin, le combo british n’hésite pas a enfoncer le « Coin Rouge » entre les pages de votre rockin’ mensuel favori.
« Votre premier maxi s’appelait « Venceremos », le nouvel album c’est « Companeros » : vous faites des progrès en espagnol ?
Simon Booth : On parle tous couramment espagnol… en musique. En anglais le mot « Friend » est beaucoup moins fort, alors qu’en Amérique Latine il symbolise aussi bien le pote que l’amant, le compagnon comme le camarade.
Et la chanson « Friend » sous-titrée « Touche Pas à Mon Pote » en français dans l’album ?
S.B. : Pour nous c’était le gig le plus incroyable qu’on ait fait. Avant nous, les Fine Young Cannibals s’étaient ramassés. Nous sommes montés sur scène face à ce million d’yeux et le soleil a percé les nuages au-dessus de Paris, c’était magique. Larry a écrit la chanson quelques mois plus tard dans cet esprit de camaraderie.
Larry Stabbins: Dans la foulée de « Touche Pas a Mon Pote », j’avais fait cette mélodie. Dix mois sont passés et nous nous sommes retrouvés à Liverpool avec le Style Council, Junior Giscombe et quelques autres pour le Red Wedge. Dans le bus du RW j’avais pas mal discuté avec Junior Giscombe. Lorsqu’il a commencé a jouer, quelqu’un a braillé: « Va te faire foutre sale nègre, nous on veut Billy Bragg ». Dans un tel concert, pour une telle cause, c’était incroyable. Ça m’a complètement retourné et j’y ai pensé toute la nuit. Le matin j’ai écrit le texte de « Friend » d’une seule traite en pensant à Junior.
Il suffit de dix trusts malveillants pour réduire à néant tous les efforts socialistes du monde
Parlons du Red Wedge, justement.
S.B. : Nous avons rencontré Billy Bragg à un concert de soutien au Nicaragua et il m’a parlé de son projet d’organisation d’artistes pour épauler le Parti Travailliste. Nous avons participé au premier meeting et aujourd’hui le mouvement touche tout le pays. Le Red Wedge, historiquement, c’est exactement ce qu’aurait dû être le punk. Mais les punks, à l’exception de Strummer, étaient trop cyniques. Je parie qu’aujourd’hui Lydon vote conservateur. Au sein du RW, on ne pense pas tous la même chose. On n’est pas la pour la révolution, mais pour poser la base d’une simple conscience politique. British Leyland, BP, British Telecom, British Gas… Thatcher a vendu nos sociétés nationalisées et on devient un satellite de l’Amérique. J’imagine que dans vingt ou trente ans, nous aurons les mêmes rapports de vassal avec les USA que l’Amérique du Sud aujourd’hui. Après la guerre, l’Angleterre a découvert la Sécu grâce à lord Bevan. Son programme de constructions d’HLM et d’écoles, de nationalisations massives avait créé un maximum d’emplois et tout l’édifice a été liquéfié par Thatcher. Si le labour revient au pouvoir, il lui faudra re-nationaliser. Il suffit de dix trusts malveillants pour réduire à néant tous les efforts socialistes du monde. Si Neil Kinnock- leader du parti travailliste: NDR- n’est pas VRAIMENT prêt a tout chambouler, il court à l’échec. Au moins, au RW, on ne se berce pas d’illusions, comme mes parents qui dans les 50’s rêvaient de Staline. Le réveil a été rude. Aujourd’hui, les jeunes Anglais sont beaucoup plus critiques ; ils veulent se débarrasser aussi des toiles d’araignées de la vieille gauche.
J’ai l’impression que si les kids aujourd’hui sont plus militants c’est qu’ils n’ont jamais eu leur Mai 68 ?
L.S: Les sixties, en Angleterre étaient différentes de tout ce qu’on pouvait vivre en Europe. On avait Harold Wilson, ce n’était pas brillant, mais incomparable face à la situation actuelle. C’était le swinging London et il y avait du boulot pour tous. Beaucoup de prolos sont devenus des stars du jour au lendemain.- David Bailey, David Hockney, les Stones, George Best, Twiggy et les autres. Tout était possible socialement ou sexuellement, alors contre quoi se rebeller ?
S.B. : Et les socialistes, les syndicalistes n’étaient que de vieux radoteurs qui incarnaient l’ennui mortel face au British Pop. Aujourd’hui, l’association Red Wedge/Labour a cassé cette image. On nous pose souvent la question.- « Êtes-vous un groupe socialiste ? » et nous répondons toujours que nous sommes un groupe social, car notre musique reflète la vie de tous les jours. Si les gens crèvent la faim, si leur quotidien est misérable, il faut en parler dans les chansons, comme on parle de fête et de sexe ».