UN INÉDIT DE QUEEN VENU D’OUTRE-TOMBE
Décidément Queen, ou ce qu’il en reste sans Freddie Mercury, aime perpétuer son patrimoine. Ainsi, le 13 novembre sort une réédition de l’album « The Miracle » paru en 1989 et qui contenait le bouillonnant « I Want It All ». En avant première, ô les formidables règles du marketing, est sorti ces jours-ci « Face it Alone », un titre inédit enregistré durant les sessions de l’album, un titre qui n’a manifestement pas laissé indifférent notre Queen expert number one.
Par Arnaud BERREBY
The Queen is dead… god save the Queen… en tout cas celle de l’ami Freddie Mercury qui se rappelle à notre bon souvenir 31 ans après sa triste disparition ( Voir sur Gonzomusic GOD SAVE THE QUEEN ). Oh stupeur, car il s’agit d’une balade au crépuscule d’un glacial janvier londonien, tout sauf une promenade de santé. C’est un choc tellurique, primal, effrayant. Effrayant, pensez-vous donc, Freddie semble revenu d de l’autre cité du Styx tant sa voix est d’une présence rarement captée de cette façon. Car, intelligemment, le mixage du titre est un fervent hommage à son chant, les instruments ne servant que de faire valoir ; ils se déploient autour et non avec, servent d’écrin de velours pour une voix de poitrine massive, agressive et d’une chaleur ! Et on ne trouve aucunes harmonies vocales sur ce titre, fait rarissime sur une production de Queen, on laisse le patron officier, seul en scène. Il se lance en prenant sa voix de basse, l’heure est grave, mauvaises nouvelles des étoiles moribondes et minoritaires sous une lune se faisant porter pâle. La reine est nue. Et la mélodie est touchante, sensible, commence en mi mineur et se poursuit sur ce même mode si nostalgique. Et pour cause. Jugez plutôt les mots de Freddie :
« Lorsque quelque chose/ De si proche et si cher à ta vie/ Explose en toi/ Tu sens ton âme/ Se consumer ( …) Tes pleurs pourtant si forts et clairs/ Personne ne les entend/ Tu dois affronter tout cela seul (…) Lorsque la lune a perdu sa lueur/ Lorsque la lune a perdu sa lueur. »
Au milieu du titre Brian May, le guitariste, prend un court solo rageur, quelle injustice que cette pute de vie qui délaisse son bel ami semble t’il exprimer, faisant ainsi échos aux bruits de séparation du groupe démentis par un Freddie hargneux sur la scène de Wembley lors d’un été 1986 : « Je suis certain que nous resterons ensemble jusqu’à la mort », avait-il martelé ce soir là devant une foule de 80 000 spectateurs ahuris. Parce que Freddie a appris sa maladie en 1986, et qu’au moment de l’enregistrement de « The Miracle », il ressent déjà les premiers signes du SIDA. Il se sent anormalement fatigué, a perdu du poids et la photo sur la pochette de l’album est un montage des visages des quatre membres du groupe fondus en un seul, afin de masquer l’évidence et faire taire les premières rumeurs.
Néanmoins le groupe est soudé comme jamais, il a balancé la vérité à ses acolytes et ils ont réagit à la britannique « stiff upper lip », serré les dents sans rien dire, juste construire une barrière d’amitié autour de lui. Et jouer. Pour lui. Et servir son chant, noblesse oblige. Avec humilité et ferveur, voici leur religion laïque. Tout l’album est stupéfiant de puissance, réussi, sincère, sublime ode en musique, et enfin ultime témoignage d’amitié, à la vie, à la mort. Un titre de « The Miracle » néanmoins détonne et intrigue et nous aide à comprendre la suite exprimée dans « Face It Alone », Freddie est lucide sur ses chances de survie, affreusement et inexorablement :
« Rain Must Fall »
« Tu trouves succès et reconnaissance/ Mais dans chaque vie une petite pluie doit tomber/ Tu vis une existence magnifique et rêvée /Mais dans chaque vie une petite pluie doit tomber. »
Cette petite pluie acide et véreuse a tristement fini par noyer l’artiste à peine deux ans après la sortie de « The Miracle ». Mais par chance, il nous reste son chant si généreux, ses compositions complexes et magnifiques et « Face It Alone » en est une parfaite illustration.Freddie Mercury est toujours en vie, aux dernières nouvelles, ailleurs. Par conséquent… la reine est morte, vive la reine.
Quel titre, quelle chronique …bravo à l’auteur qui par ces mots devient LE spécialiste de sa majesté sur cette page !