GRAHAM NASH: LES INCROYABLES CONFESSIONS DE WILLY ÉPISODE 2
C’était au tout début de l’été, lorsque dans la foulée de la sortie de son incroyable « Live » où il reprenait l’intégrale de ses deux premiers LP de 71 et 73, j’avais tendu mon micro à pour une des plus extraordinaires interviews de ma longue carrière. À la veille de la publication du nouvel album de son frère d’armes, l’ex-Hollies Allan Clarke, où il signe et chante presque tous les titres et en attendant le 6ème album de Graham Nash intitulé « As Is », fabuleuse rencontre avec celui que tous ses amis surnomment Willy. Épisode 2 : de Mike McCartney au fabuleux C, S, N & Y live 1974 en passant par Reg Dwight qui n’est pas encore Elton John, Jimi Hendrix, le futur 10cc Graham Gouldman, les Everly Brothers, le nouveau CD d’Allan Clarke des Hollies et son propre nouvel opus à venir « As Is ».
Comment les Hollies sont intronisés au Rock and Roll Hall of Fame en 2010 ?
Comment sur nouvel album de l’ex-Hollies Allan Clarke qui sort en octobre, Graham Nash vocalise sur dix chansons ?
Comment Nash, Elton (qui n’était encore que Reggie Dwight ), Hendrix, Dave Mason et Paul McCartney se sont retrouvés le même jour en studio pour faire les chœurs de « Lily the Pink » le hit de Scaffold, le groupe de Mike McCartney ?
Comment Graham et Allan âgés de 18 ans rencontrent les Everly Brothers et comment six ans plus tard en tant que Hollies ils enregistrent avec eux un album intitulé « Two Yanks In England » ?
Comment Nash et Clarke enrôlent le (très) jeune et futur 10cc Graham Gouldman agé de 15 ans pour signer des tubes tels que « Look Through Any Window » ou « Bus Stop » pour les Hollies ?
Comment « Marrakesh Express » rejeté par les Hollies contribuera au départ de Nash et deviendra un hit de C, S & N ?
Comment C, S & N fut créé par deux reines de cœur Mama Cass Elliot et Joni Mitchell et comment ça s’est vraiment passé ?
Comment Nash rencontre Crosby pour la première fois assis sur le canapé qui figure sur la pochette du premier LP de C, S & N ?
Comment en interprétant pour la première fois « You Don’t have To Cry » Crosby et Stills finissent par recruter Nash ?
Enfin, comment Nash a enregistré son premier album studio depuis « The Path Tonight » sorti en 2016 et qui est pour le moment intitulé « As Is » ?
Willy/Graham répond à toutes ces questions et bien plus dans cette incroyable interview en deux parties. Épisode 2 : de Mike McCartney au fabuleux C, S, N & Y live 1974 en passant par Reg Dwight qui n’est pas encore Elton John, le futur 10cc Graham Gouldman, les Everly Brothers, le nouveau CD d’Allan Clarke des Hollies et son propre nouvel opus « As Is ».
« Il faut rendre à Joni ce qui appartient à Joni, sans elle rien ne se serait produit. Encore une histoire de choix… j’ai encore quelques questions sur ta période anglaise avec trois personnages dont Mike McCartney ou Mike McGear de Scaffold, que tu as aidé à créer une super chanson. Je l’ai rencontré à Liverpool, c’est un type aussi simple et charmant qu’il est épatant.
Et un excellent photographe également …
Absolument, un super photographe qui a su capturer des moments sublimes avec les Beatles. Je ne l’ai pas vu depuis trente ans mais j’ai beaucoup d’estime pour lui. Comment vous êtes-vous retrouvé à collaborer ensemble ?
On a joué assez souvent au Cavern de Liverpool avec les Hollies et Mike trainait toujours dans les parages. C’était le frangin de Paul. Et il avait réalisé de très belles photos des Beatles à leurs débuts. Il voulait photographier les Hollies et c’est ainsi que j’ai rencontré Mike. Il a toujours su se montrer particulièrement amical , c’est dingue car en tant que frère de Paul McCartney tu t’attendrais à ce qu’il ait la grosse tête, mais pas du tout en fait .
Non, pour l’avoir rencontré je confirme qu’ il est aussi simple que cool, les pieds vraiment sur la terre.
Exactement. Tout le monde à Londres, en tout cas tous les musiciens, savaient ce qu’était the Scaffold. C’était le nom d’un groupe constitué de trois personnes :John Gorman, Roger McGough et Mike McCartney. Et ils avaient cette chanson intitulée « Lily the Pink ». C’était une chanson assez inhabituelle et ils voulaient que tout un tas de leurs amis en assurent les chœurs. Ce fût une session particulièrement intéressante car il y avait moi, Dave Mason, Paul McCartney bien entendu, Jimi Hendrix et un certain Reg Dwight , soit le futur Elton John … nous avons tous chanté ensemble et fait que « Lily the Pink » s’impose en tant que numéro un au hit parade !
Waw… quelle incroyable histoire ! Merci de la partager avec nous. L’autre personnage dont je voulais te parler c’est Graham Gouldman , que je n’ai jamais rencontré mais j’ai tout de même interviewé ses frères d’armes de 10cc Lol Creme et Kevin Godley … mais tu as aussi travaillé avec lui.
Avec les Hollies nous avions ce manager du nom de Michael Cohen. Un jour Michael vient me voir et me dit : il faut que tu m’aides. Je lui réponds : Mike tout ce que tu veux, dis-moi ce que je peux faire pour toi. Il me dit : tu vois, j’ai cette voisine et elle n’arrête pas de me bassiner en ma parlant de son fils, qui écrirait des chansons. Elle n’avait de cesse de tanner notre manager, lui demandant constamment s’il ne pouvait pas aider son fils. Mike Cohen m’a dit : s’il te plait, rends-moi ce service, essaye de passer chez elle pour aller écouter ce que fait son fils. Donne-lui une petite tape sur la tête, encourage le et fiche le camp, ainsi je n’aurais plus cette femme constamment sur le dos. Donc nous débarquons chez elle, Allan, Tony, Bobby et moi …
… Tout le groupe…
… presque car Eric n’était pas là,. Bref on y va. Les Hollies avaient déjà décroché quelques hits à l’époque …
En quelle année sommes-nous 65 ? 66 ?
Oui nous sommes en 65. Nous avions décroché au moins 5 hits, nous étions un groupe déjà très populaire. On dit à ce gamin Graham Gouldman : alors qu’est-ce que tu veux nous faire écouter ? Il prend alors sa guitare ( Graham Nash prend alors sa propre guitare et se met à jouer) et nous dit : je viens d’écrire cette chanson, qu’est-ce que vous en pensez ? ( Graham se met alors à interpréter « Bus Stop ». Allan et moi on s’est regardé et on savait très bien ce que nous pouvions tirer de cette chanson. Donc nous disons au gamin : super, tu crois que nous pouvons avoir cette chanson pour qu’on l’enregistre? Il nous répond : absolument. Super. Merci beaucoup. Nous nous apprêtions à partir lorsque Allan se retourne et lui dit : attends une minute…
… tu en d’autres comme ça ?
Exactement… qu’est-ce que tu aurais d’autre à nous faire écouter ? Et il répond par l’affirmative avant de se lancer dans « Look Through Any Window ». Et là à nouveau on lui dit : attends une minute, est-ce qu’on peut aussi avoir celle-là ?
(rires)
Il nous répond à nouveau oui. Et bien entendu notre question suivante était : mais tu en as encore d’autres comme ça ? et là il nous dit : « Ah ça tombe bien, je viens juste d’écrire cette chanson ce matin, mais je suis désolé je l’ai déjà promise à mon copain Peter Noon qui était le chanteur de Herman’s Hermit… (Et Graham se met à jouer le premier couplet de « No Milk Today )… voilà c’est tout Graham Gouldman !
Mais il n’était qu’un gamin !
Tu parles, il avait tout juste 15 ans !
C’est juste dingue d’être aussi talentueux à 15 piges !
Pour nous c’était fantastique. Ses compositions ont été cruciales dans le succés de notre groupe
Et « No Milk Today » est une de mes chansons favorites au monde. Un petit mot sur le jeune pianiste Reg Dwight, comment l’as-tu déniché ?
En fait, les Hollies devaient donner un concert au London Palladium, un show très important pour nous. Pete Seger était la tête d’affiche. On a fait notre sound-chek aux alentours de 16 :30 et soudain backstage on entend le téléphone sonner. Rod Shields, notre tour manager décroche le combiné et il hoche la tête : okay… oui il est là, ne quittez pas… » et il me tend l’appareil. Je lui demande qui c’est, il m répond c’est Phil Everly. Je lui dis : franchement ce n’est pas cool de me faire une blague pareille. Mais il insiste et chuchote : je te jure que c’est bien Phil Everly. Je prends donc le téléphone et je dis : allo. Il me dit : hey salut c’est Phil. Je dis : c’est fantastique, un de mes chanteurs préférés au monde des Everly Brothers me téléphone… Et Phil m’explique alors que Don et lui sont arrivés à Londres pour enregistrer un album qui sera intitulé « Two Yanks In England » (deux yankees en Angleterre). Il me demande si nous avions des chansons inédites que nous n’avions pas encore enregistré à leur proposer. Et en fait on en avait puisque nous avions dix chansons que nous n’avions pas encore enregistrées. Nous les avons alors rejoints à leur hôtel à Londres, je crois que c’était le Ritz et on leur a joué nos chansons. Ils en ont pris sept tout de même. Puis je leur ai demandé quand allaient-ils commencer à enregistrer ce disque. Ils répliquent : oh demain matin à partir de 10 heures. Ça vous dirait de venir nous aider ? Et c’est ce que nous avons fait !
A cette époque, tu pouvais engager des musiciens pour qu’ils viennent jouer sur ta chanson. Et sur l’une des chansons des Everly il y avait ce jeune pianiste appelé Reggie Dwight. Plus tard Reggie est devenu Elton John. Durant cette même session il y avait aussi un certain Jimmy Page et aussi John Bonham, (soit la moitié de Led Zep tout de même : NDR). C’est comme ça que j’ai rencontré Elton. Et après toutes ces années, nous sommes toujours proches ; on se parle très souvent. Le dernier message que je lui ai adressé c’était il y a une semaine et demie car il collectionne les photographies. Il possède une immense collection et il sait que je suis aussi photographe., que je possède ma propre collection. Et il a acheté sept de mes photos.
Et pourtant musicalement tu n’as jamais travaillé avec lui que cette fois unique lorsqu’il était encore Reggie Dwight ?
C’est exact.
Et donc cet album des Everly Brothers intitulé « Two Yanks In England » existe vraiment ?
Oui. Tu dois absolument l’écouter, c’est un disque merveilleux. Incontestablement les Everly Brothers occupent une place très particulière dans ma vie. Allan et moi étions allé les voir sur scène je crois bien que c’était en 1960. Ils jouaient au Free Trade Hall de Manchester. Allan et moi avions décidé que non seulement nous irions au concert mais que surtout nous allions les rencontrer. Nous avons remarqué qu’ils n’avaient pas de bus de tournée, donc on savait qu’ils ne montaient pas dans le bus pour rouler jusqu’à la prochaine date. Nous savions également que le meilleur hotel de Manchester, le Midland était à deux pas de la salle. On s’est donc dit qu’il y avait de grandes chances qu’ils soient logés dans cet établissement. Allan Clarke et moi sommes restés sur les marches du Midland Hotel jusqu’à 1 heure 30 du matin. Il pleuvait des cordes, on savait qu’on avait raté notre dernier bus pour rentrer chez nous. Que cela signifiait que nous allions marcher 10 miles ( plus de 15km) sous la pluie, mais on s’en foutait. Il est une heure trente du matin et soudain les Everly Brothers surgissent au coin de la rue.
Ils étaient un peu éméchés, ils étaient allés dans un night-club après le concert et descendu quelques verres. Mais ils tenaient la route et ils m’ont parlé ainsi qu’à Allan Clarke d’égal à égal, comme si eux et nous étions des gens banals. On avait tout juste 18 ans, pourtant ils ne nous ont pas considérés comme de simples fans. Ils m’ont tout de suite appelé par mon prénom : Graham. Et ils appelaient Allan… Allan. On leur a dit : Allan et moi on chante ensemble et peut être bien qu’un jour nous allons faire un disque. Et tout juste six ans après cette rencontre les Everly Brothers nous proposaient d’enregistrer cet album « Two Yanks In England » !
Quelle incroyable histoire Graham ! Parlons maintenant de tes chansons et de ce double live où tu reprends intégralement tes deux premiers LPs. Déjà c’est une brillante idée à la base, avec des chansons aussi essentielles de ta discographie comme « Chicago » ou « Military Madness », mais comment pouvais-tu être à ce point-là politiquement engagé ?
C’est normal que j’ai des sentiments, des opinions, je suis une personne. Je suis toujours lucide face à ce qui se produit de par le monde. Chaque jour dés que je lève, je lis les journaux de plusieurs pays, car j’ai toujours besoin d’être informa sur ce qui se passe ici et ailleurs. Lorsque je découvre quelque chose sur le quel je dois m’exprimer alors je me renseigne sur ce sujet, je vérifie les faits comme les sources, pour recueillir le plus d’information possible sur ce que je dois exprimer. Alors seulement après tout ça j’écris la chanson. C’est ce qui s’est passé avec « Chicago » puis avec « Military Madness ». Et c’est ce qui se passe pour toutes mes chansons : avant tout je dois ressentir une émotion face à une situation. Lorsque cela m’intéresse suffisamment pour que j’ai envie d’exprimer quelque chose sur ce sujet, ce n’est que là que je me mets à écrire ma chanson.
Mais toute la puissance de tes compositions Graham, c’est que tu ne proclames pas « ooooh la guerre c’est mal », tes chansons poussent à la réflexion, elle portent des idées, un feeling et elles ont ce pouvoir rare d’ouvrir les esprits. Lorque tu as chanté « Military Madness » je n’étais qu’un ado, j’étais au lycée, mais elle m’a ouvert l’esprit.
Fantastique car elle a été conçue exactement pour cela. Réfléchis une peu, ne te contente pas de danser et de remuer ton cul, pense à ce qu’on essaye de te transmettre. On peut dire que cela a rudement bien marché pour ceux de ta génération.
Pourquoi « Wild Tales » est-il si sombre comparé à « Songs For the Beginners » ? Est-ce parce que ton grand amour avait pris fin ?
Très certainement. Oui c’est sans doute l’une des raisons majeures. Je dois t’avouer que j’étais pas mal déprimé cette année 1973 et « Wild Tales » éclaire un autre aspect de ma personnalité. Normalement, je fais des chansons joyeuses, fantastique, va t’éclater mais réfléchis un peu tout de même en remuant les fesses ! Mais ces chansons bien plus sombres et bien plus intimes, bien plus proches de mon moi intérieur, ils ont toujours été en moi. Et j’en avais beaucoup en réserve. Que devais-je en faire ? Je les remise sur une étagère et je n’en fais rien ? Ou alors j’en fais tout un album et je leur donne vie. Je les partage avec les gens. Et c’est ce que j’ai décidé de faire.
Ai-je le droit de me plaindre ?
Oui, tu peux.
SIX ALBUMS SOLOS EN CINQUANTE ANNÉES ! N’aurais-tu pas pu en faire un peu plus ?
Cela tombe bien car j’ai un tout nouvel album studio qui va sortir. Nous l’avons essentiellement enregistré à distance sur internet. J’enregistrais une chanson à la guitare acoustique puis je l’envoyais à Shane Fountayne qui est mon guitariste. Moi je vis à New York et Shane en Californie, donc je lui envoyais les fichiers. Il plaque quelques parties de guitares, peut-être un peu de basse et quelques chœurs. Puis il me renvoie son fichier. Une fois réécouté je le passe à Todd Caldwell qui produit mon nouvel album. Lui vit à Brooklyn. C’est à coté de NY mais quand même à des kilomètres. Lui va rajouter les claviers… avant de renvoyer les fichiers à Lubock, au Texas où vit son frangin Tobbie. Tobbie Caldwell est un très grand batteur. Il rajoute sa batterie sur la chanson avant de me renvoyer le fichier ainsi modifié. Puis Todd et moi on assemble tout ça et donc je suis fier de t’annoncer que j’ai ce tout nouvel album qui va sortir soit en fin d’année soit au plus tard début 2023.
Il porte déjà un titre ?
Peut-être bien.
Mais tu ne veux pas nous le révéler ?
Nous avons cette expression ici en Amérique « as is » (en l’état). Quand tu veux montrer un objet que tu vends mais qui possède un petit défaut, qui n’est pas parfait, tu dirais en l’état, c’est définitif mais au jour J. Bref je me suis dit que cette petite expression pourrais faire un bon titre. Mais je n’en suis pas certain. Je ne sais pas. Je ne suis pas convaincu à 100%, mais à ce jour c’est son titre.
Mais l’album avec Allan Clarke va sortir avant ton propre disque ?
Celui-là parait effectivement en octobre.
Et il a un titre ?
Ça, il faut le demander à Allan. Je crois que ce sera un album d’Allan Clarke et que mon nom sera écrit n tout petit. C’est le disque d’Allan. Et il chante vraiment admirablement
Un mot sur le dernier Crosby, Stills, Nash & Young qui m’a ébloui, c’est ce live de 74 au son juste hallucinant publié voici 8 ans. C’est vraiment un chef d’œuvre !
J’ai vu passer tant de pirates pourris de ces concerts. Cette dernière tournée des stades de C,S,N & Y en 1974 passait par Wembley en Angleterre devant 70.000 personnes. J’ai entendu un pirate de ce concert et là je me suis dit : mais nous étions un bien meilleur groupe que ça tout de même ! Et je voulais m’assurer que les générations présentes et futures comprennent que Crosby, Stills, Nash & Young était vraiment un groupe décent. J’au-i donc travaillé sur ce coffret en 4 CD avec mon copain Joel Bernstein qui est de surcroit un ai proche sans oublier notre ingénieur de son Stanley Johnson on a bien bossé quatre ans sur ces chansons pour obtenir le résultat final des albums que tu as découvert. »