GOD SAVE THE QUEEN
Voici 40 ans dans BEST, GBD devait sans doute avoir pris un trip avant d’assister au concert de Queen dans un immense entrepôt du Bourget. Son pourri, show grandiloquent, de surcroit un Freddie Mercury en moyenne forme, on peut dire que l’envoyé spécial de la rue d’Antin ne s’était pas montré très tendre avec le combo British. Flashback…
Franchement, à la base je n’avais rien contre Queen, bien au contraire. Avant de devenir journaliste rock, l’élève puis l’étudiant que j’étais avait même craqué pour quelques albums massifs du groupe de Londres, notamment les colossaux « A Night At the Opera » , « A Day at the Races » et l’excellent « Jazz ». Mais, ce soir-là au Bourget, le promoteur ou plutôt la « promoteuse », qui devait être Jackie Lombard avait encore eu les yeux plus gros que le ventre. Dans la carcasse de métal du Bourget, plus de la moitié des places étaient restées vacantes. Mais surtout le plus insupportable était le son moisi dont l’écho rebondissait ex nihilo dans ce hangar pour avions qui n’avait rien à voir avec une salle de concert. Par conséquent, je m’étais laissé aller à un exercice que j’ai en fait très rarement pratiqué durant toute ma carrière : le massacre à la tronçonneuse, préférant en général défendre des groupes ou des disques que j’aimais plutôt que de massacrer gratuitement des trucs que je détestais à l’instar du Libé de l’époque, par exemple. Je pense que si j’assistais aujourd’hui à ce show de Queen, je serais bien plus clément… errare humanum est !
Publié dans le numéro 150 de BEST sous le titre :
UN SOIR AU BOURGET
Sur le projecteur télévisuel, le message s’est soudain mis a défiler : mon système Antiope 30 personnalisé me prévenait de l’imminence d’un appel vidéo me concernant. Sur l’écran, Claire, la secrétaire vénusienne de Best arborait le plus candide des sourires :
« Votre mission, si vous l’acceptez, vous conduira droit au Starodrome du Bourget. Là, dans la rotonde du Show-Rock, Queen doit donner son millionième concert d’adieu. Les robots Freddie Mercury, John Deacon, Roger Taylor et Brian May auraient été enlevés par un groupe d’action néo-Baba. Des humains veulent jouer à leur place en créant ainsi une panique générale… »
Pas le temps de faire fabriquer un nouveau Queen par EMI Cybernet Incorporé ; il fallait donc les retrouver avant ce soir… Pour rejoindre le lieu-dit du Bourget, on devait d’abord affronter l’eau du ciel, le vent et le froid et atteindre un parking non éclairé où pour 12 balles on pouvait s’enfoncer à loisir de quelques centimètres dans la boue moelleuse. La Rotonde construite en 1953 est un dragon de tôle et de ferraille a demi-bouffé par la lumière crue des projecteurs. Un labyrinthe de barrières de circulation draine les troupeaux d’arrivants jusqu’à l’entrée. Après quelques contrôles automatiques, on pénètre enfin dans le grand hall : un Pavillon de Pantin écrasé par son look fifties, 10 000 M2 pour 10 000 paires de jambes, sauf que Queen se réserve pour lui seul les 84 m2 de la scène. Si substitution il y avait eu, elle avait dû s’opérer juste avant le sound-check… les robots ne pouvaient être loin. La salle n’était pas vraiment pleine : bon nombre de teen-agers avaient dû s’égarer dans les champs de boue. Sous le deuxième gradin à droite de la scène se trouvait I’entrée du passage souterrain. Les couloirs creusés dans le béton conduisaient droit à une porte blindée : il suffisait de trouver la combinaison. Pendant ce temps, dans un bain de ténèbres, Straight Eight faisait son entrée sur scène. Issu de la West Coast londonienne, son rock d’aluminium est précis, assez efficace, mais sans aucune originalité. Dans Straight 8 il y a surtout le mot « straight » et ça pèse lourd dans sa musique. Le groupe affronte courageusement le rituel traditionnel dit du sacrifice de la 1ère partie, mais c’est dur dur dur face au grand trou noir du public !
La lourde porte du compartiment blindé a enfin coulissé : dans la pénombre, les 4 robots Queen étaient encore figés. Le nouveau visage de Freddie Mercury s’accrochait à la lueur de la lampe de poche : avec sa moustache et ses cheveux courts, il ressemblait à un figurant du film « Cruisin’ ». Ses acolytes et lui se sont remis en fonction «play». Programmés pour le Show, ils ont chassé les imposteurs humains et les ont transformés aussi sec en « sandwichs au jambon sous emballage plastique » revendus sur le champ par des jeunes gens en T shirts uniformes… bon appétit ! La Queen machine se met enfin en branle ; leur light show vaisseau spatial éclaire violemment la salle. Cinq engins articulés sont porteurs de gigantesques panneaux constellés de projos. On les manœuvre dans un ensemble parfait tandis que nos robots font irruption à travers un nuage de fumée. Mercury moulé dans un pantalon de plastique rouge sang-de-bœuf ne sortira pas un instant de sa programmation « Diva ». Sa voix perchée sur talons aiguilles se mêle avec talent aux bandes magnétiques-choristes pré-enregistrées. C’est du “grand cirque Rock and Rollien, avec la prétention en plus. « Shut up and listen », hurle Mercury a son public. Une voix de môme lui répond : « T’as qu’à causer français ! » Nos Village People du rock nous trimbalent du bruyant « We Will Rock You » au bubble gum de «Need Your Lovin’ Tonight ». Pendant que Freddie semble vivre un grand roman d’amour avec son pied de micro, Roger Taylor en profite pour chanter… Ça repose ! Queen ne renie pas ses influences tubesques: leur « Another One Bites the Dust » ressemble à une mauvaise copie du Sugarhill Gang. Deuxième final: « We Will Rock You » (c’est une idée fixe) enchainé sur le mégalo « We Are the Champions », puis Queen fait trois petits tours et s’en va sur « God Save the Queen »… jusqu’à I’année prochaine même show… shit, il ferait bien de se dépêcher, God !.
Publié dans le numéro 150 de BEST daté de janvier 1981