Un Barbier pas rasoir à l’Opéra de Paris
Porté par une distribution haut de gamme, dans une mise en scène très inspirée du cinéma d’Almodovar, « Le Barbier de Séville » se donne à l’Opéra de Paris sublimé par la vision du metteur en scène italien Damiano Michieletto qui transpose l’œuvre de Rossini dans une ville espagnole de la movida des années 80.
Par Jean-Christophe MARY
Créé en février 1816 à Rome, le Barbier de Séville fut l’un des premiers triomphes européens de l’opéra. S’inspirant de la comédie de Beaumarchais, Rossini en a conservé toute la fougue pour créer ce bouillonnant opera buffa. Le metteur en scène italien Damiano Michieletto qui faisait ses débuts à l’Opéra de Paris lors la création de cette nouvelle production en 2014, vient d’ajouter une page éclatante à la longue et glorieuse histoire de ce chef-d’œuvre populaire entre tous. Cet opéra bouffe, le plus célèbre de l’histoire de la musique, reste une éternelle source de délices comme dans ce finale du premier acte, ou Rossini mêle tous les styles et enchaîne avec une virtuosité stupéfiante duo, trio, quintette et sextuor.
Chef-d’œuvre du genre buffa, Le Barbier de Séville connaît toujours le même succès qu’à sa création en 1816. Inspiré de la pièce éponyme de Beaumarchais, l’opéra de Rossini reste fidèle à la simplicité narrative de la pièce, tout en mettant en scène des personnages bouillonnants au rythme effréné de la partition. L’ouverture comme les airs gagnent rapidement leur célébrité. Originaire de Venise, berceau de la commedia dell’arte, Damiano Michieletto est sensible à la veine burlesque de la musique rossinienne. Il transpose l’action de cette « précaution inutile » dans une Séville contemporaine inspirée du cinéma d’Almodovar. L’immeuble monumental de Bartolo, tuteur de la jeune Rosina, au sein duquel Figaro tourbillonne en électron libre, permet au metteur en scène de donner libre cours à son imagination déjantée. Sa mise en scène endiablée alterne avec une extrême aisance entre un réalisme pittoresque et un fantastique onirique à travers ce décor monumental un immeuble plus vrai que nature qui fait du Barbier de Séville une comédie loufoque mais aussi criante de vérité.
Cette reprise est un triomphe annoncé pour plusieurs raisons : la présence de grandes voix telles la mezzo-soprano Aigul Akhmetshina dans le rôle de Rosina, du ténor américain René Barbera dans le rôle du Tuteur Le Conte d’Almaviva, le baryton basse Renato Girolami dans le rôle de Bartolo, le baryton polonais Andrzej Filończyk dans le rôle de Figaro et une direction d’orchestre confiée à Roberto Abbado qui succède à Carlo Montanaro (2014) et Riccardo Frizza (2016), ces magnifiques décors d’une ville espagnole de la movida des 80’s signés Paolo Fantin et enfin la scénographie colorée et vitaminée de Damiano Michieletto, réputé pour le souffle et la précision de ses mises en scène dans cette façon de mettre à nue l’âme des personnages. Un triomphe annoncé dès la première.