THE PSYCHEDELIC FURS “Made of Rain”
Presque trois décennies d’un silence assourdissant, on les croyait perdus corps et biens, et soudain voici à nouveau la formation des frères Butler en ordre de bataille. Contemporains de Cure et de Depeche Mode, les Psychedelic Furs font un retour fracassant avec leur huitième album-studio en plus de 40 années de carrière et c’est comme si le temps s’était arrêté. Sombres émotions, incantations profanes et romantisme exacerbé dans la complainte des guitares, les Furs n’ont manifestement rien perdu de leur force de conviction et ce « Made of Rain » si inattendu est incontestablement l’une des meilleures surprises rock de cet étrange été 2020.
Dés le tout premier titre, « The Boy That Invented Rock and Roll” le climat des Psychedelic Furs est posé : pulsé , saccadé, sombre et puissant. On se dit alors que ce n’est pas une fake news et que Richard Butler est de retour. Et sa voix n’a pas bougé d’un iota depuis ces 80’s bénies où les Furs nous entrainaient dans leur New Wave submergeante. Quant aux textes, ils portent toujours de manière intrinsèque le pouvoir poétique de la griffe Butler. « L’air sans souffle, la marée glacée/ Le printemps sans vert, la nuit sans temps/ La danse de l’ivresse suicidaire/ Le sentiment que les choses vont s’effondrer/…Je suis le garçon qui a inventé le Rock ‘n’ Roll… » et c’est juste addictif, comme retrouver un vieux pote que l’on croyait disparu. Et ce garçon-là a un je ne sais quoi de Bowie ! La suivante, « Don’t Believe » porte en elle tout l’ADN des Psychedelic Furs, on y retrouve toutes les vibes de « Pretty In Pink » ou encore de « Heaven », c’est une ténébreuse mélancolie qui vous enveloppe comme un brouillard et qui vous porte dans son voyage au-delà de la nuit par la force de son pouvoir émotionnel et romantique. Avec « You’ll Be Mine » après son intro guitare entêtante, la voix si particulière du chanteur résonne comme dans une cathédrale, pour une étrange cérémonie profane, comme un écho de Joy Division et du fantôme de Ian Curtis, comme une téléportation de… « Venus In Furs » du Velvet. « Ne sois pas surpris quand tous tes jours appartiennent au passé… » chantent justement, les Furs dans un des titres-choc de l’album. Et on veut bien les croire !
« Wrong Train » est une lente mélopée qui nous submerge peu à peu, portée par la voix de Richard Butler, comme un « Heartbreak Beat » au ralenti avec tout le lyrisme ténèbreux dont sait être capable le groupe de Londres. Slow incandescent, « This’ll Never Be Like Love”, ressemble à une une cérémonie funèbre, et cette ode à un amour perdu aurait tout aussi bien être composée au cœur des 80’s car c’est bien tout le pouvoir spatio-temporel de ces fourrures psychédéliques. Suit « Ash Wednesday » avec son beat enivrant, sa voix empreinte d’une incommensurable passion, une composition toute en slow motion, un peu à la Blue Nile et juste intemporelle. « Come All Ye Faithful » entêtant comme une prière, porté par un beat aussi puissant que dark, marque l’incontestable retour des barrissements du saxo, une des marques de fabrique des PF. Avec « No One », on atteint un des must de cet album, un hymne à la solitude, qui marque cette superbe grandiloquence du groupe dans toute sa splendeur portée par entêtante mélodie qui nous enveloppe comme le brouillard de leur Londres port d’attache, mais sans Jack l’Éventreur… heureusement ! « Tiny Hands » évoque le Pink Floyd du début, avec en même temps une guitare acoustique 60’s à la « As Tears Goes By » ou « Lady Jane », un rétro cool et aérien, sombre nuage mélancolique de la plus pure élégance British , pour un superbe petit bijou de composition. « Hide The Medecine » est juste étrange, poétique et décalée , lorsque « Turn Your Back On Me” se livre, mélodique et lyrique, comme un navire sombre peu à peu dans la tourmente, comme une tempête de neige recouvre inexorablement tout ce qui se trouve devant elle, pour ne laisser que le silence dramatique. Enfin, tout s’achève avec « Stars » sombre et émotionnelle, spectaculaire et planante, dramatique montée en puissance jusqu’au paroxysme sonique pour un feeling en clair-obscur post apocalyptique. Au tournant des 80’s, le rock des Psychedelic Furs était souvent taxé de « chaos magnifique », on peut dire qu’avec ce “Made of Rain”, leur chaos n’a rien perdu de sa magnificence, bien au contraire. Welcome back, dear Butler brothers !
On n’a pas écouté le même album.
Je le trouve d’un ennui sans nom. Et pourtant, que j’aime leurs productions des années 80…