SHARON VAN ETTEN « Epic Ten »
Elle fut mon ultime interview pour Rolling Stone avant mon éviction sommaire en 2014, mais je ne l’ai pas oubliée, la surdouée Sharon Van Etten revisite doublement aujourd’hui « Epic » son deuxième album publié voici dix ans. Le voici en version « Epic Ten », un double album où la chanteuse de Belleville, New Jersey publie à nouveau ses propres chansons, avant de laisser à d’autres le soin de les vampiriser . Et quels autres puisqu’il s’agit de Courtney Barnett, Fiona Apple ou encore Lucinda Williams qui font de cet « Epic Ten » un objet musical aussi rare que précieux.
Et si elle était vraiment la nouvelle Joni Mitchell ? Depuis 12 ans, Sharon Van Etten fait vibrer ses ardentes compositions qui savent si bien nous réchauffer l’âme ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/sharon-van-etten-i-dont-want-to-let-you-down-ep.html ) et on peut toujours faire confiance en cette vibrante poétesse folky pour nous subjugue de ses puissantes vagues mélancoliques. Elle le prouve à nouveau avec ce double CD intitulé « Epic Ten » ( les dix ans d’Epic) . Sur le premier album, on redécouvre les sept titres lumineux de son « Epic » de 2010, dont l’entêtante « Do It », émotionnelle et angélique love story ou encore cet « One Day » diaphane comme un petit matin d’été, folk irrésistiblement porté par ses harmonies. De même, avec son harmonium minimaliste, comme un gospel blanc le déchirant « Love More » me fait penser à celui de Nico et c’est juste sublime. Dix ans plus tard, on reprend le même track-listing et on le fait chanter par d’autres, à l’instar du « McCartney III Imagined » de Paul McCartney, dont nous reparlerons bientôt promis, Sharon a convié ses artistes préférés pour l’accompagner.
Et cela commence très fort avec les Big Red Machine d’Eau Claire (cela ne s’invente pas) dans le Wisconsin, sortes de cousins germains des brillants the War On Drugs et petits enfants des Byrds. Le résultat est saisissant avec « A Crime » qui ouvrait déjà « Epic », rock folk torturé et virulent, porté par un indescriptible solo de guitare final digne d’un Neil Young. Puis c’est au tour de « Don’t Do It » d’être joyeusement vampirisée par la rockeuse australienne Courtney Barnett qui la rhabille entre Sheryl Crow et Courtney … Love. Repris par la vétérante Fiona Apple, « Love more » s’éloigne du gospel original pour s’aventurer du côté de la zénitude exacerbée du folk new age dont le beat rapelle un peu celui du « Biko » de Gabriel. Méconnaissable, la cool « Peace Signs » redessinée par les énervés British de IDLES met joyeusement un pied dans la punkitude avinée entre les Damned et les Pogues. Forcément plus détendue Lucinda Williams rejoue avec art la bluesy « Save Yourself » porté par sa voix puissante et caverneuse. Enfin, le CD s’achève sur « One Day » revu par la jeune brillante Californienne St. Panther qui devient ici une étrange et minimaliste pop song synthétique à la Tegan and Sara, absolument entêtante comme un prochain tube de l’été. Fort de ces sept reprises, « Epic Ten » prouve combine Sharon Van Etten n’est pas qu’une chanteuse subjuguante, elle est aussi une puissante song-writer avec laquelle il faudra désormais compter.