ROCKAMBOLESQUES MEMOIRES D’UN ROCK-CRITIC
Son nom est Reins, Sacha Reins et depuis plus d’un demi-siècle son oreille experte analyse les musiques de son temps. Journaliste historique de notre cher BEST, mais aussi à Paris-Match ou au Point, il nous fait partager dans son « Rockambolesque » ses plus belles interviews légendaires de BB King à Jagger, en passant par les Who, Clapton, Bowie, Lou Reed, Brian Wilson, Prince, Harrison ou encore Johnny et Renaud. Rencontre avec un glorieux vétéran de la planète rock…
Lorsque je suis rentré chez BEST fin 1980, Sacha m’avait déjà précédé d’une décennie. Nous, les jeunes journalistes, nous connaissions bien son inoxydable complicité avec Roger Daltrey et bien d’autres acteurs de cette rock-culture que nous vénérions. A l’instar de notre rédacteur en chef Christian Lebrun, que nous écoutions ébahis nous raconter ses concerts des Beatles ou des Stones à l’Olympia, Sacha Reins avait exercé durant ces années dorées des 70’s où il avait pu tendre son micro à tant de nos héros. Respect total ! Cependant, il nous aura fallu patienter 50 années avant qu’il ne se décide à nous faire partager ses nombreux moments de bravoure. Erreur réparée avec la parution de ce succulent « Rockambolesque » publié aux éditions Equateurs où l’on apprend entre autres que tout a commencé pour lui dans la musique en devenant le secrétaire de BB King qu’il accompagne en tournée et que, s’il n’a jamais officiellement interviewé Michael Jackson, il l’avait démasqué … travesti d’une burqa à Rome en train de visiter la basilique Saint Pierre incognito à ses cotés. Souvenirs d’un rock-critic…
« Tout d’abord, une question saugrenue, sur le titre du livre. Tu es fan de Rocambole et de Ponson du Terrail ou c’est juste le jeu de mot qui t’a fait marrer ?
C’est effectivement le jeu de mot entre rock et rocambolesque qui m’a séduit, mais je n’ai pas de passion spéciale pour le héros. Que je connais de nom uniquement.
Sacha en fait, on ne sait pas vraiment beaucoup de choses sur toi en lisant le bouquin. Donc dans quelle ville as-tu grandi ?
Je suis né à Périgueux, mais très vite mes parents sont partis vivre quelques années à Lille avant de s’installer définitivement à Strasbourg, où j’ai grandi et où je suis allé au lycée.
Et sans être indiscret, que faisaient tes parents ?
Mon père était représentant, il vendait des matériaux de construction et ma mère était esthéticienne.
Donc l’un et l’autre n’avaient rien à voir avec la musique. Quel a été ton premier choc sentimental musical ?
Le premier truc qui m’a vraiment secoué c’était Bill Haley avec « Rock Around the Clock », qui était aussi la musique d’un film. Là, ça m’a vraiment foutu par terre, complètement. Et ensuite, il y a eu le choc Ray Charles, dans le même ordre d’idée, même si ce n’était pas du tout la même musique. Ce sont Bill Haley et Ray Charles qui ont vraiment ouvert une porte pour moi.
Là nous sommes en 1956. Quel âge a Sacha ?
Je dois avoir 14 ou 15 ans, je suis ado. Et je découvre aussi en même temps, grâce à Daniel Filipacchi et Frank Ténot, le jazz qui était alors diffusé tous les soirs sur Europe vers 22h et que je ne ratais pour rien au. Et donc c’étaient mes premiers émois musicaux.
Premier album ?
Le premier album acheté était un album de Count Basie qui s’appelait « Bang Bang Count Basie franchit le mur du son ». Bien entendu, ce n’était pas le titre du disque américain, mais son titre français.
Et si le jeune Sacha Reins de ce Count Basie rencontrait le Sacha Reins d’aujourd’hui qu’est-ce qu’il lui dirait ?
J’espère suivre le même chemin que toi.
C’est vrai que c’est un long chemin puisque cela fait 50 ans !
Cela fait exactement 50 ans et c’est un chemin qui a été et qui est toujours formidable. À mon âge, il y a quelques années, j’ai découvert le classique trouvant ainsi une nouvelle sorte de musique qui me donne également es émotions émotion formidable.
Donc ça ne s’arrête jamais. En fait, c’est ça le secret.
Oui, pour moi, ça ne s’arrête jamais effectivement. Même si je ne connais rien au classique j’y prends beaucoup de plaisir.
C’est très agréable de de lire tes rencontres, car ce qui fait leur originalité c’est qu’elles sont humaines. Il n’y a pas de rapport d’agressivité de journaliste à artiste ou de fan à idole ? En fait, tu es une sorte de James Taylor cool de la rock-critique. Il y a un côté très naturel quand on lit tes rencontres. Moi celle qui m’a le plus bluffé par son contenu journalistique, c’est d’ailleurs la plus longue, c’est celle de Mick Jagger. En fait tu as reconstitué un entretien à partir de plusieurs interviews à différentes époques, non ?
Oui, oui, c’est fait de plusieurs interviews. Que j’ai ensuite retravaillées pour les remettre ensemble en enlevant tout ce qu’il pouvait se rattacher à une période précise de l’actualité. Je voulais que ce soit une interview intemporelle, qui ait toujours autant de sens aujourd’hui qu’il y a 30 ans.
Elle est top. C’est un super boulot de journaliste.
Merci.
Cela donne envie de lire des interviews comme ça plus souvent. En revanche, c’est un peu ce qu’on peut reprocher à tes chapitres, c’est qu’ils ne sont pas assez long. Tu aurais pu laisser parler plus longtemps tes personnages.
En fait, je ne suis pas fanatique des trop longues interviews.
C’est donc un choix rédactionnel.
Je trouve que le plus souvent les longs entretiens ne sont pas très bons. Car il y a forcément des moments bien moins intéressants. Donc effectivement c’est un choix rédactionnel.
L’autre difficulté que tu as dû rencontrer, c’est le choix crucial des chapitres. Parce que tu as dû hésiter entre beaucoup d’artistes interviewés au fil de toutes ces années.
J’y ai réfléchi pas mal de temps. J’ai fait une rencontre très sympathique avec JJ Cale et j’ai songé à la mettre, mais je me suis dit que les gens ne connaissaient pas trop. Or je ne voulais pas non plus que le bouquin soit destiné aux amateurs de rock purs et durs. Non cependant, je me suis fait reprocher par certains de ne pas avoir consacré un chapitre à Madonna, que je déteste notablement. J’ai failli faire un chapitre sur elle, mais pour dire à quel point c’était un personnage désagréable.
En même temps, tu l’as fait avec Lou Reed !
Je l’ai fait avec Lou Reed et je l’ai fait avec Renaud ; je ne voulais pas non plus profiter de ce bouquin pour régler des comptes personnels. Mais avec Lou Reed, je ne suis pas le seul. C’était vraiment un cas à part.
Moi je me souviens que la dernière fois que je l’ai vu sur scène, ça devait être au Casino de Paris et il faisait chier : il ne fallait pas fumer et il s’arrêtait carrément de chanter si un mec clopait ou fumait un joint.
Si c’est le même concert, moi je me souviens surtout qu’il a fait virer un spectateur par la sécurité parce que le mec lui réclamait des titres de chansons entre deux morceaux. J’ai trouvé ça vraiment scandaleux. L’autre a piqué sa crise, il a appelé la sécurité, il a fait évacuer le spectateur. Et aujourd’hui encore je me reproche de ne pas m’être levé à ce moment-là, de ne pas avoir dit à Lou Reed tout ce que je pensais et de ne pas être sorti. Car il n’avait aucune raison de virer un mec qui avait payé sa place et qui demandait « Walk On the Wild Side » ou telle autre chanson. C’était un sale con tout de même !
Et en même temps, tu as des échos d’artistes qui l’ont accompagné à la fin de sa vie, je pense à Suzanne Vega que je connais bien depuis longtemps, à qui je parle régulièrement et qui était très proche de lui à la fin de sa vie. Et elle en parlait de quelqu’un d’une gentillesse extrême de quelqu’un de suave enfin, elle te raconte un loukoum, quoi ! Comment il pouvait-il être aussi différent ?
Je crois qu’avant tout il détestait les journalistes. C’était une vieille haine assumée.
Il y a aussi des histoires d’amour dans ton livre. Je le savais déjà en rentrant à BEST en 89, tu as toujours été proche des Who et ami à la fois de Townshend et de Daltrey. Quand on te lit, c’est très étonnant quand même, cet antagonisme entre les deux. On a l’impression que tu parles des frères Gallagher qui se balançaient des guitares à la tête. Car c’est ce que faisait littéralement Townshend et Daltrey manifestement.
Moi, j’ai toujours pensé que l’animosité entre deux musiciens du même groupe était une sorte de fioul pour leur créativité. Tous les grands groupes ont eu des problèmes en leur sein avec deux musiciens qui ne pouvaient pas se sentir. Regarde Pink Floyd, regarde les Beatles, regarde les Rolling Stones; tous ces groupes-là ont été souvent au bord de la rupture, parce que deux de ses membres se haïssaient. Et que cette haine effectivement servait la musique du groupe. Pareil pour les Eagles, je ne connais pas un grand groupe qui n’ait pas eu de problèmes personnels humains entre eux.
Seuls les Sparks échappent à la malédiction, manifestement !
Absolument !
On sent que tu t’es beaucoup amusé dans ta vie professionnelle. Il y a cette anecdote sur Michael Jackson qui est à mourir de rire, mais quels sont les moments les plus drôles de toutes ces années, les plus incongrus car tu as dû en voir passer quand même ?
Oui, le plus spectaculaire c’est cette histoire lorsque je me suis retrouvé au volant d’une grosse bagnole américaine au milieu de la foule d’un festival avec 300.000 mecs agglutinés autour de moi que je devais traverser mètre par mètre. C’était au tout début, lorsque je servais de secrétaire à BB King. Je devais le rejoindre en voiture derrière la scène, mais le type qui réglait la sécurité m’a mal aiguillé. Au lieu du parking backstage, je me suis retrouvé dans la foule. Et il me fallait traverser tout ce stade au milieu des mecs qui montaient et tapaient sur la caisse, c’était flippant ; ça c’était le truc le plus spectaculaire qui me soit arrivé.
Et drôle ?
Non pas de truc particulier à hurler de rire.
Non, alors triste ?
Je n’ai pas vu vécu de choses particulièrement tristes, mais inquiétantes oui. Un soir où l’on jouait avec BB King dans un stade, on avait reçu des menaces de mort de la part de gens qui ne supportaient pas qu’il y ait un blanc, c’est à dire le pianiste Ron Levy qui joue avec BB King. Ils ont menacé de de nous tirer dessus, de nous descendre. Alors bien sûr officiellement la police nousescortait, mais pour regagner nos véhicules, nous devions passer à travers une forêt. C’était la nuit et nous marchions donc au milieu de cette route entourée par des flics Mais au lieu d’être à côté de nous, les flics étaient à 3 mètres de distance, ce qui signifiait que si quelqu’un voulait descendre BB King, il le pouvait sans peine. Car nous n’étions pas protégés physiquement par ces flics.
Juste une précision, la menace venait de blancs qui ne supportaient pas qu’un blanc puisse jouer avec des noirs.
Tout à fait et je n’ai pas raconté cette histoire dans le livre, car je ne me souvenais plus précisément où elle s’était déroulée.
Question sex, drugs and rock and roll, toi qui en as vu passer à la fois dans le monde du rock et dans celui du cinéma, lequel est le plus rock and roll, le plus fun, la musique ou le cinéma ?
La musique, sans hésitation. Je ne connais pas le cinéma aussi bien que je connais celui du rock mais c’est la musique. Je te confirme qu’on consomme beaucoup plus dans le monde de la musique, !
Dans ce sens-là, drugs d’accord. Je présume que tu prépares le tome 2 ?
Non, vraiment pas pour l’instant, non je ne prépare rien du tout on va voir comme réagit celui-ci, bien sûr si ça marche bien, si on me le demande il y aura un tome 2 avec des gens moins connus, bien sûr.
Oui, car tu as fait très fort dans celui-ci ! »
ROCKAMBOLESQUE
par Sacha Reins aux éditions Equateurs
Pourrait on connaitre la nature du différent avec Renaud ? Sacha Reins lui a consacré quelques papier plutôt bienveillants notamment dans Paris Match .
Sasha REINS,Patrick EUDELINE…..toute ma jeunesse avec best…. nostalgies…