RACHID TAHA CÉLÉBRÉ AU FESTIVAL ARABESQUES
À un jour près, cette soirée coïncidait avec le 7ème anniversaire de la disparition de Rachid Taha, mais le chanteur de l’éternelle « Ya Rayah » était bien présent, dans toutes les têtes et dans tous les cœurs, samedi toute la journée, au Domaine d’O de Montpellier, pour le festival Arabesques, lorsque Rodolphe Burger, Hakim Hamadouche et les musiciens de Taha ont fait magistralement vivre ses chansons les plus emblématiques. Dans l’après-midi, au cours de tables rondes, Martin Meissonnier, l’auteur Philippe Hanus et moi-même avons doctement évoqué, avec ceux qui l’ont connu, quel artiste unique il était. Et surtout combien sa parole libre manquait cruellement à notre époque.
C’est une question que j’ai souvent posée depuis qu’il nous a quittés à ceux qui ont eu la chance de croiser sa route : tu te souviens de la première fois où tu as rencontré Rachid Taha ?
Si je m’interrogeais moi-même, je fournirai certainement cette réponse, une rencontre que j’ai déjà du vous narrer au fil de mes articles sur le sujet ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Carte+de+Sejour et aussi https://gonzomusic.fr/?s=Rachid+Taha ). C’était en novembre 1981 pour le magazine BEST ( Voir sur Gonzomusic ROCK À LYON ANNÉES 80 ) et Carte de séjour n’avait pas encore publié son premier maxi fondateur avec « Zoubida » et « La moda », mais Elisabeth D, alors « collègue » à Actuel où je « pigeais » également, m’avait fait écouter des titres et j’étais immédiatement tombé amoureux de cette musique. Je n’avais jamais entendu un tel cocktail de rage punk, de rock and roll et de blues magnifié par le chant en « rhoro » et le feeling oriental du groupe.
CDS incarnait à peu près tout ce que j’attendais de novateur dans l’Hexagone, une musique qui serait un alter-ego au son reggae des exilés des Caraïbes qui fleurissait si bien dans tous les faubourgs British. Déjà conquis par ce son. Et je n’avais pas encore rencontré Rachid et le groupe. Lorsque je suis monté tout en haut de ce vieil immeuble de Lyon, dans ce local mansardé sous les toits et que j’ai assisté à cette répétition de Carte, j’ai été totalement subjugué par Rachid. Dès mes premiers papiers je le comparais pèle mêle à Elvis Presley, James Brown et à Rudolph Valentino en Sheik of Arabia. L’avenir m’aura donné raison. Le jour de cette rencontre ; Rachid a prononcé ces mots incroyablement prophétiques, publiés dans le numéro 161 de BEST daté de décembre 1981 :
« Tu comprends, moi. Je n’ai pas d’idole. Il ne faut surtout pas en avoir. Je me dis : le meilleur chanteur, c’est moi. Ce métier est un métier de mégalos, la seule manière d’y arriver, c’est de croire en soi comme du béton et de bosser tous les jours. Tu peux me croire, on a vraiment envie de s’en sortir ».
Là-haut, là où tu es, tu sais que tu t’en es sorti habibi ! Et cet évènement à Montpellier, pour célébrer dans la joie et la musique le septième anniversaire de ta disparition le prouve, si l’on pouvait en douter, de la manière la plus cinglante. Baptisé « Arabesques », le festival de fusions et de cultures orientales fête ses vingt ans. Et les participants y sont merveilleusement accueillis par une équipe technique aussi cool que pro. Le regretté Alain Maneval parlerait de « bon esprit » et c’est bien ce qui règne au pays magique d’Arabesques. Invité pour interviewer Philippe Hanus face au public, pour sa minutieuse et si bien documentés biographie « Carte de séjour : un groupe de rock dans la « Douce France » des années 1980 » ( Voir sur Gonzomusic CARTE DE SÉJOUR par Philippe HANUS ), je suis bien entendu resté pour assister au concert du Couscous Clan, l’autre groupe de fidèles musicos de Rachid avec l’Armée Mexicaine ( Voir sur Gonzomusic 7 ANS DEJÀ SANS TAHA ), dont l’immense joueur de mandoluth Hakim Hamadouche ( Voir sur Gonzomusic LA SAGA RACHID TAHA Épisode 5 : Hakim Hamadouche ) et le bassiste Idris Badarou, qui assurent sur les deux formations. On ne dira jamais assez combien Rachid était drôle et combien il aimait les calembours… alors Couscous Clan… c’était tout lui cette joyeuse provoc’, avec au micro son frères d’âmes Rodolphe Burger et quelques guests dont Justin Adams – qui a produit l’album « Zoom sur Oum», Sofiane Saidi et Yousra Mansour.
Et comme lorsqu’il partageait la scène avec Rachid Taha, Rodolphe Burger, ex leader de l’impeccable Kat Onoma, le show démarre et dès la toute première mesure, je reconnais le « Walk On the Wild Side » de Lou Reed qu’il aimait tant, métamorphosé en rêve oriental. Et dans l’amphithéâtre en plein air, les chansons les plus emblématiques de Taha résonnent sous les étoiles, les plus fameuses comme « Voilà voilà » ou « Rock la Casbah » et la festive « Ya Rayah », mais aussi d’autres moins connues comme la vibrante « Écoute moi camarade ». Mention spéciale à Hakim Hamadouche, en directeur musical à la douceur et la bienveillance exacerbée qui n’ont d’égales que la vertigineuse dextérité musicale de son mandoluth magique. Déjà sept ans sans Taha, et si l’on pouvait l’oublier, un concert comme celui de ce soir nous rappelle combien dans une période aussi troublée que celle que nous vivons, l’ouverture d’esprit, le pacifisme, le respect et l’amour des autres, l’humanisme et l’athéisme et surtout… surtout… tout le pouvoir de la culture et de la dérision dont faisait preuve Rachid Taha nous manque si cruellement. Aux côtés des Lennon, Marley, Mayfield, Hendrix et Gaye, primus inter pares, l’esprit Taha saura longtemps résonner à nos oreilles pour nous inspirer.
Remerciements à Malika Aboubeker, Alexia Armengot, Soraya Khelfa et aux super runners Lilian et Hakim