PULP STORY

Pulp-movieLa sortie en salle du film « Pulp : a film about life, death and supermarket » consacré au génial groupe de Sheffield me file un sacré coup nostalgique : en septembre 1994, je filmais pour la première fois Jarvis Cocker et Candida Doyle… Au fil des albums, j’aurai souvent l’occasion de croiser ces stars les plus atypique du rock british. A chaque fois, avec le même plaisir….et les mêmes crises de fous rires.

Pulp-Common-People_8C’est avenue Trudaine, juste devant le lycée Jacques Decour que j’ai rencontré Jarvis et Candida. J’avais craqué sur l’album « His n’ Hers » publié quelques mois auparavant et j’avais choisi Pulp pour figurer au générique du pilote de mon émission de télé « Buzz Tee Vee » diffusée sur Paris Première. « Do You Rember the First Time » était un putain de hit, qui compte sans doute parmi les plus beaux joyaux de la brit-pop. Comme je cherchais un décor british, je les ai installé dans ma Triumph Stag de 1974 décapotée pour filmer l’interview. Et de suite le courant est passé. On a parlé de Sheffield, de son homonyme Joe, des Human League et Heaven 17 que j’avais rencontré au tournant des 80’s. Et Jarvis s’est mis à délirer comme il aimait tant le faire durant les entretiens. Quelques mois plus tard, je retrouve Jarvis Cocker à Londres, au studio Town House, et c’est une toute autre dimension. Entre temps, le 22 mai 1995 Pulp a publié le single annonciateur de leur album à venir « Different Class » ( qui sortira en octobre) : « Common People »…juste une bombe atomique ! Du jour au lendemain, Pulp s’affiche en couve de tous les magazines et la « pulpmania » secoue la vieille Angleterre. Mais notre Jarvis n’a pas changé, il se livre sans pudeur et de manière incroyablement candide. Des années plus tard, c’est à Paris, justement dans ce même quartier où il va s’installer…mais c’est une autre histoire.

 PULP REALITY/ REALITE PULPEUSE

Pulp-Common-People_8

The Face, le NME, VOX, Top Of The Pops…Jarvis le front-man affiche sur toutes les unes la pulpeuse réalité de son charme indéniable. Sur la lancée de leur colossal “Common People”, les anglais de Pulp balancent ce qui constitue sans doute le meilleur single pop de l’année. Jarvis Cocker, sans statue kryto-Stalinienne, écrase Jacko (Michael Jackson) dans les charts, et son charme dandy en fait l’être le plus sexy du Royaume Unis. Rien de surprenant donc si “Common People” évoque équivoquement Bowie et Ferry au zénith de leur époque “décadente”. A période trouble, sensualité trouble. Jarvis Cocker s’en explique aux studios Townhouse de Londres.

“ C’est surtout une chanson sociale qui décrit un état d’esprit très répandu, que j’ai découvert en arrivant à Londres de ma province. J’ai commencé par rencontrer des gens aisés, ce fut pour moi une véritable révélation. Ceux là regardent de haut les classes les moins favorisées comme des extra-terrestres. Car si les fauchés vivent dans les endroits les plus glauques et délabrés, ils semblent plus s’amuser que les rupins dans leurs restaus à la mode. Ces derniers ne comprennent pas ce phénomène, et leur mépris tourne en jalousie. D’autres au contraire se décident à plonger dans la fange. Comme cette fille qui m’a inspiré ma chanson. Je l’ai connue à l’université . Elle voulait s’installer dans un quartier pauvre de Londres pour vivre comme les gens simples. Ainsi, elle était persuadée qu’elle souffrirait et que cela décuplerait son pouvoir artistique. Mais comme elle était très riche, j’ai essayé de lui expliquer qu’elle ne vivrait jamais dans les conditions réelles. Son père pouvait toujours lui envoyer de l’argent en cas de coup dur. Alors que, ce qui fait avancer les pauvres, ce qui abreuve leur énergie et leur motivation, c’est justement le fait qu’ils sont coincés dans une sale situation, qu’ils sont frustrés, et qu’ils doivent s’en sortir au plus vite. Paul Young a chanté « Living in the Love of the Common People », où « l’homme simple » est présenté comme une sorte de noble sauvage. Mais en réalité, la vie dans ces quartiers n’a rien de noble : elle est agitée par de vrais barges. Là où je vivais avant, il me fallait éviter certains durs qui voulaient me frapper parce que je portais un t-shirt rose, et que, par conséquent, je devais être homosexuel, donc apte à recevoir des coups. .

 Tu es en studio, ici à Townhouse, depuis un mois déjà. Pourquoi as-tu choisi Chris Thomas à la production ?

Nous voulions enregistrer un pur disque pop. Nous avons passés plusieurs producteurs en revue, surtout pour « Common People », une grosse chanson qui méritait un gros son.

 Quoi, tu savais depuis le début que « Common People » serait une bonne chanson ?

Oui, dès l’écriture. En outre, tous ceux qui l’avaient entendue la trouvait excellente. Nous avons joué ce morceau pour la première fois au festival de Reading, l’année dernière, et plein de gens sont venus nous voir après le concert pour nous complimenter , alors qu’ils ne l’avaient entendue qu’une fois. Nous étions convaincus de la qualité du morceau. Il nous fallait surtout un bon son, massif, sans tomber dans le pompeux. Et les collaborations passées de Chris Thomas m’ont impressionné : il a travaillé avec les Beatles, Roxy Music, les Sex Pistols, les Pretenders, INXS… sans jamais produire le même son. Il semble avoir poussé les artistes à donner le meilleur d’eux-mêmes. Il laisse à chaque groupe le son qui leur est propre. Il est arrivé avec une minerve car il sortait d’un accident de ski. Cela m’a tout de suite attiré. Il était de plus très drôle, très ouvert, et il avait vraiment envie de produire le single. Il a donc commencé par « Common People » et « Underwear », et le résultat était si probant que nous avons fait équipe pour l’intégralité de l’album.jarvis-cocker_400_3

 Dans la chanson « Underwear », la face B, tu racontes par le détail le remord de se retrouver nu ou presque dans une chambre inconnue. Dans quel but as-tu écrit ce morceau ?

Tout simplement parce que ça arrive parfois ! Imagine tu sors un soir, en boîte, et tu rencontres quelqu’un. Tu rentres accompagné, et une fois arrivé, tu dessoules, ou alors un autre déclic se produit. Soudain, cette étreinte qui t’excitait tant en boîte, entre un verre et une chanson, ne te motive plus. Comment faire marche arrière à poils, tes lèvres posées sur celles de quelqu’un d’autre ? Comment tout arrêter et dire « non, on oublie, j’ai changé d’avis ! » ? Un point de non retour a été franchi, et avec lui naît un horrible sentiment. Cela arrive parfois, c’est ainsi. Peut-être faut-il que je diminue ma consommation d’alcool, mais il faut laisser la possibilité aux gens de changer d’avis. Parfois, la fierté masculine s’en mêle, et on ne refuse pas l’acte sexuel de peur d’être pris pour un impuissant, ou quelque chose comme ça. C’est une situation très ingrate.

 Avec tous les articles que j’ai pu lire sur toi qui traitent de ta vie sexuelle, de ton image si sexy, as-tu la sensation d’être devenu un sex-symbol ?

Cette image de sex-symbol m’amuse beaucoup aujourd’hui. A l’école, je n’ai jamais réussi à sortir avec une fille. Je suis pourtant resté en cours jusqu’à l’âge de dix-huit ans !

 A l’occasion de ta chanson et de ton film “Do You Remember The First Time” tu as déclaré avoir fait l’amour pour la première fois à dix-neuf ans…

Oui, je me suis débrouillé de justesse pour faire ça pendant mes années teen-ager. C’était une véritable course contre la montre. Il ne me restait que trois mois avant mes vingt ans. Je me suis senti infiniment soulagé une fois que c’était fait. Voila pourquoi l’image que la presse donne de moi aujourd’hui me fait sourire. Dire que pendant si longtemps, j’étais considéré comme une épave… C’est d’ailleurs assez agréable de ne plus être perçu ainsi. Mais il faut avoir un grain pour se prendre pour un symbole sexuel. Je n’ai jamais été un chaud lapin, la preuve le chiffre cumulé de mes conquêtes tient sur les doigts des deux mains.

 Peux-tu me parler des autres morceaux de l’album?

Il est loin d’être achevé, n’a toujours pas de titre et les compositions sont un peu différentes de celles du précédent et de son approche assez étroite, des histoires entre individus évoluant dans de petits endroits. Cet album voit un peu plus grand alors que l’autre était très influencé par Sheffield, ma ville d’origine. Cette fois, il s’agit plus de mes observations locales, ici, à Londres. Une grande partie de mon inspiration pour l’écriture m’est venue d’expériences sociales. Je n’ai pas trop envie d’écrire sur le lavage de mes chaussettes et sur le rangement de ma maison ! “

Publié dans le numéro 10 du magazine BUZZ en juin 1995

Jarvis Cocker

Quelques mois plus tard, juste avant la sortie de l’album« Different Class », je retrouve à nouveau le frontman de Pulp…again au studio Townhouse… puis en tournée…et toujours de manière intimiste.

 PULPMANIA ET LUTTE DES CLASSES

Du fameux “Townhouse Studio” en passant par le raz de marée du single “Common People”, incontestable hymne pop de l’année, jusqu’aux routes pavée de lauriers de leur tournée sold-out à la veille de la publication de leur nouvel album “A Different Class”, les Pulp de Jarvis Cocker, tout comme leurs confrères d’Oasis ou de Blur incarnent en “néo-british invasion” et avec flammes le renouveau du “buzz” anglais.

 Townhouse Studio, Goldhawk Avenue (Londres), Juillet 95.

Inexorable dandy en chemise rose dans un brouillard de nicotine, Jarvis Cocker tire sur sa Silk Cut en dégustant un Earl Grey. So british et pourtant si atypique, le coeur de Jarvis “working-class hero” ne battra t’il pas toujours à gauche? Le chanteur le plus en vogue du royaume s’affiche à la une de tous les magazines; il surfe sur le succès de son “Common People” comme une victoire par KO de sa lutte des classes.

“J’ai vraiment été soulagé du succès de la chanson en Angleterre, où elle a pris des formes d’hymne, un genre qui se doit d’être chanté. Car si tu écris un morceau appelé « Common People », et qu’il ne plaît pas aux « Common People » (« les gens ordinaires »), c’est que tu t’es trompé quelque part…

 Avec cette “Pulpmania” as-tu   l’impression d’être devenu un dieu du sexe ?Jarvis Cocker

Non, surtout pas lorsque je me lève le matin et que je me regarde dans la glace. Là, je me dis « Mon Dieu … ! ». Voila pourquoi l’image que la presse donne de moi aujourd’hui me fait sourire. Dire que pendant si longtemps, j’étais considéré comme une épave… Quel bonheur de ne plus être le vilain petit canard.

Aucun des articles qui vous sont consacrés n’établissent une simple corrélation entre le succès de « Common People » et l’apogée des travaillistes avec leur victoire très probable aux élections…

Je crois en effet qu’un certain changement positif s’installe en Angleterre. Et cela va bien au-delà du domaine musical, probablement parce que la musique ne peut jamais être totalement isolée, elle n’est qu’un baromètre. Les 60’s ont été marquées par un intérêt considérable porté à la musique, et ces années furent riches à de nombreux niveaux ; à l’inverse, la production musicale des années 80 a été en majeure partie pitoyable, tout comme cette décennie en général. Je suis persuadé que les deux vont de paire, que la qualité de la musique est influencée par l’état de lieux à une époque donnée. Le fait qu’il y ait de bons groupes actuellement sur la scène anglaise ne fait que confirmer mon point de vue. Et pour en revenir au parallèle entre « Common People et la montée du parti travailliste, moi j’ai toujours voté travailliste. J’ai même continué à voter quand le gouvernement de droite se servait des listes électorales pour ficher les citoyens et leur faire payer la Poll Tax. De ce fait, beaucoup de gens de mon âge ont cessé de voter pour échapper à cet impôt. Moi je me suis dit qu’il fallait que je vote de toutes façons, même si cela n’avait pas l’air de servir à grand chose… Voter permet de se plaindre, de contester. Je supporte mal les gens qui braillent dans les pubs, sans jamais avoir voté, sans jamais avoir entrepris quoique ce soit en faveur du changement. Je pense que le fait de ne pas voter interdit toute plainte ultérieure.

 Peux-tu me parler des autres titres de l’album ?

Le dernier album visait surtout le plan relationnel, c’était une approche assez étroite, des histoires entre individus évoluant dans de petits endroits. Cette fois, les chansons sont un peu différentes. Une grande partie de mon inspiration pour l’écriture découlait directement d’expériences sociales. Attends, j’essaie de me souvenir des morceaux de l’album… Il y en a un qui s’appelle « Sorted for an E and Wizz », qu’on a joué pour la première fois à Glastonburry. Cet endroit constituait le cadre idéal pour cette chanson, à cause de son titre. Un soir, en boîte, j’ai discuté avec un fille de mes expériences nocturnes lorsque les Raves ont déboulées en 88-89. A mon arrivée à Londres, il y en avait partout et j’en ai fréquentées pas mal, surtout en 89. La même année, cette fille avait assisté à la rave des Stone Roses sur Spike Island, alors je lui ai demandé comment c’était, et elle m’a interrogé sur les Raves. Je lui ai répondu que je ne me souvenais uniquement de mecs au look bizarre qui se baladaient en demandant « Is everybody sorted for E’s and wizz ? » , soit « Quelqu’un veut des Ecstasy ? ». Je trouve que c’est un bon titre. La rave se déroulait dans un énorme champ, en plein air, où s’étaient retrouvées vingt mille fêtards. C’était impressionnant, facilement comparable à « Rencontres du Troisième Type », avec tous les lasers… On aurait dit que les gens exécutaient une danse mystique pour inviter les extraterrestres à venir se poser auprès d’eux. Tout se déroulait dans un esprit très fraternel. Les choses se sont un peu gâtées lorsque j’ai perdu les amis avec lesquels j’étais venu. A sept heures du matin j’étais complètement paumé. J’ai tenté de faire du stop pour retourner à Londres, mais personne ne voulait me prendre. Je n’arrivais pas à comprendre comment des personnes qui, sept heures durant, avaient fait la fête ensemble dans un grand élan de fraternité, pouvaient être redevenus normaux si soudainement. J’ai trouvé ça pathétique.

51lBaKp46rL« Different Class » est donc truffé de ces peintures sociales ?

J’ai réfléchi à des sujets d’écriture en m’efforçant de m’écarter des thèmes que j’avais déjà abordés. J’ai donc passé en revue les choses que j’avais vécues jusqu’alors, du moins celles qui valaient le coup d’être racontées. Je n’ai pas trop envie d’écrire sur le lavage de mes chaussettes ! Ce n’est pas un album-concept. Certains morceaux exposent une petite histoire. « Monday Morning » explique pourquoi j’ai fini par quitter Sheffield. J’ai arrêté les cours… Je faisais partie d’un groupe, mais je n’avais pas de boulot. Ma vie était complètement désarticulée. Travailler permet de structurer sa vie : il faut être présent de 9h à 17h pour ensuite profiter du temps libre et des week-ends. Tout s’agence en petits compartiments différents… Je n’ai pas connu ça à Sheffield. . Pour moi, tous les jours ressemblaient à ces affreux lundis matin, chaque journée était un calvaire. C’est alors que j’ai décidé de réagir. Quand j’ai quitté Sheffield pour Londres, j’ai réalisé que j’avais perdu les cinq dernières années de ma vie. J’aurais aussi bien pu rester au lit , plutôt que de faire partie de ce groupe sans succès. Lorsque tu cherches du travail et que tu expliques au recruteur que tu as passé cinq ans dans un groupe, il ne pense pas que tu aies pu faire quoique ce soit d’autre que de boire et de te droguer toutes les nuits…

Tu penses parfois à l’échec?

On n’est jamais à l’abri de l’échec. Nous avons eu beaucoup de chance durant les quatre dernières années, nous sommes toujours allés de l’avant. Un jour sans doute, on se crashera en flammes, et on verra bien ce qui restera. J’ai tendance à être trop pessimiste, et je m’efforce de lutter contre cette tare. Ce trait de caractère peut gâcher bien des opportunités. En vivant avec une fille, ou même en se mariant avec elle, il ne faut jamais penser à la séparation, au divorce, pour le bien de la relation, pour ne justement pas détruire cette union. Je m’oblige donc à ne pas envisager l’échec, par peur de tomber dedans. “

Dans la cabine-son, le producer Chris Thomas pianote sa console digitale concentré sur son mixage. Candida et les autres s’adonnent aux joies du billard au premier étage et Jarvis allume une nouvelle Silk Cut en attendant les prochains interviewers. En cet été anglais, il semble décidément que chaque plumitif, chaque reporter n’ait qu’une seule phobie, cible unique dans son viseur médiatique: Jarvis Cocker et cet album qui n’a pas encore de titre.

Corn Exchange, Wheeler St (Cambridge), Octobre 95

Pulp Live

Le travail en studio enfin achevé, les Pulp se sont embarqués dans une tournée sold-out du Royaume Unis. L’album “A Different Class” ( une classe différente) ne sortira qu’à la fin du mois. Dans l’ancienne halle à grains du 18 éme siécle, le groupe achève sa balance. Jarvis over-dosé d’interviews salue d’un sourire amical, il ménage sa voix. C’est donc Candida Doyle (claviers) et Russell Senior (guitare) qui assurent la relève médiatique, sous le soleil exactement, face au gothique flamboyant de la dentelle de pierres sculptées du légendaire Trinity College.

 « Le titre de l’album a plusieurs degrés de lecture ?

Russell : Tu veux parler du thème de la lutte des classes ? Oui, il est omniprésent sur plusieurs morceaux de l’album. Comme dans “L’amant de Lady Chatterley” c’est une sorte de revanche prolétarienne sur les classes aisées par le biais de la séduction Nous aurons peut-être cet effet ce soir…

En Juillet vous terminiez l’enregistrement de l’album. Que s’est-il passé depuis?

Candida : Nous avons tout mixé. Cela a pris beaucoup de temps. Heureusement que le champagne a coulé à flots pour célébrer la fin du mixage et mon anniversaire ! Nous avons ensuite tourné la vidéo de notre dernier single, “Mis Shapes/Sorted For E’s and Whizz”. Puis je me suis mis à préparer des samples pour la tournée. On bosse sans arrêt !

 Est-ce que la Pulpmania a changé votre vie ?

Russell : Non, la nouvelle attention que l’on nous porte ne nous a pas transformés. Pas trop, en tout cas. Nous continuons à faire ce que nous avons toujours fait. C’est juste agréable d’atteindre un certain niveau de confort, de découvrir de nouveaux endroits. Ça me plaît ! Les Français semblent persuadés que le succès fait disparaître l’âme et le cœur de toute œuvre, qu’il rend esclave d’une importante maison de disques et que quelque chose de merveilleux disparaît alors. Je ne suis pas d’accord. D’après les questions qu’on nous a souvent posées en France, je sais que les gens croient qu’un contrat avec une major peut compromettre la démarche artistique. C’est faux !

 Maintenant que Jarvis est devenu l’homme le plus sexy du monde, où en sont vos relations avec lui ?

Candida : Je pense que nos rapports sont restés intacts. Je l’aime et je le déteste parfois, comme cela a toujours été le cas. Son attitude s’est cependant améliorée. Il fut un temps où il rendait la vie de groupe infecte.

Russell : Jarvis a toujours été très arrogant, et il est resté fidèle à ce trait de caractère !

S’il n’a pas trop changé avec les années, comment s’ est-il métamorphosé en play-boy ?

Candida : C’est grâce à la musique et à un “je ne sais quoi”. Et il faut avouer qu’on a découvert un truc très bien dans le milieu de la pop : le maquillage. Ça aide !

Je suis sûr que la presse vous rabat les oreilles avec Oasis et Blur…

Russell : Qui ? Qui sont ces groupes ? Des Français ?

Candida : Nous ne les connaissons pas. Mais eux nous connaissent !Pulp live

 Existe-t-il réellement une forte compétition entre vous tous ?

Candida : Non, nous sommes au-dessus de leur petite bataille rangée, qui tourne d’ailleurs au ridicule. Oasis a récemment craché sur Blur, ce qui était loin d’être nécessaire. Damon et sa bande n’ont pas répondu : ils ont raison, c’est inutile. Nous, on essaie de rester en dehors de ces affaires de pop britonne.

 Votre musique diffère de la leur, mais vous partagez tous la marque britannique…

Russell : J’aime bien Oasis et Blur. Je préfère la comparaison avec eux qu’avec d’autres groupes auxquels on nous associait par le passé. Quoiqu’il en soit, notre musique est différente. Et puis, comme tu le sais sans doute, nous n’avons pas beaucoup changé. On a toujours été flamboyants et grandiloquents. Ces caractéristiques sont aujourd’hui à la mode. Tant mieux pour nous, mais je ne vois pas pourquoi on devrait s’associer à la mouvance du moment. Nous ne l’avons pas créée : elle était là avant nous. Ils se trouve qu’elle nous va bien, c’est tout. On reste pourtant un peu à l’écart. Blur sera toujours leader de la pop anglaise, parce qu’ils sont plus “british” que nous. Leurs chansons tournent toutes autour de la vie britannique, alors que les nôtres se penchent plutôt sur le sexe…

Candida : Nous souhaitons dépasser ce ghetto de la pop anglaise. Blur est peut-être le champion de cette catégorie, mais personnellement, je compte en sortir et aller plus loin

Quelles sont les différences entre vos interprétations live et celles du disque ?

Candida : Sur scène, j’utilise beaucoup mes claviers, ainsi que des samples, pour retrouver le son de l’album. Les structures des chansons (basse, guitares et batterie), elles, ne changent pas. Il y a seulement plus d’effets dus aux synthés et aux pédales pour grattes.

Votre tournée passera-t-elle par Sheffield ?

Russell : Oui, pour la dernière date.

 Êtes-vous heureux de revenir à Sheffield ?

Russell : Moi, j’y vis, donc j’ai l’habitude. C’est fantastique de jouer dans l’endroit où j’allais voir mes pop-stars favorites ! L’endroit est magique. C’est bon d’être les conquérants qui reviennent au bercail. On va juste essayer de garder la tête froide …”

PulpEn regagnant la salle, Candida et Russell sont alpagués par les fans. Séance d’autographes en travelling avant, nos pulpeurs dédicacent de bonne grâce. A 21h, dans la halle sold-out, la fièvre monte. Projections, stroboscopes, lights à vous décrocher les bretelles le grand show pop de Pulp fait vibrer le bois du Corn Exchange, un bois dont on fait les héros. Volubile et charismatique, incroyablement charmeur Jarvis ondule dans la clameur entre Iguane et “thin white Duke” pour griffer la légende du rock. Beau oui, comme Bowie, luxueusement décadent à la Roxy, le culte Pulp est en marche.

 

Publié dans le numéro 15 du magazine BUZZ en novembre 1995

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.