PRINCE Piano & A Microphone
Un nouveau Prince ? Pour de vrai ? Plus de 2 ans après sa disparition ? Eh oui, Coco, on parle de Prince Rogers Nelson, là, l’Artiste ultime, l’homme aux mille et un trèsor planqués dans sa chambre forte située dans les sous-sols de son légendaire Paisley Park. Et, avec « Piano & a Microphone » on peut dire que le Kid de Minneapolis nous a gâtés. Capturé en vrai faux live intimiste en 83, entre « 1999 » et « Purple Rain », s’il ne sait pas vous arracher une larme, c’est que vous n’avez décidément pas de cœur 😉
Pour avoir dirigé la première équipe télé in ze world autorisée à filmer le Paisley Park from the inside, j’avais visité à peu près tous les recoins du complexe de Chanhassen, des accessoires de tournées, en passant par les montagnes de flying cases de matos, la moto de « Purple Rain », sur laquelle je me suis juché pour que mon cameraman immortalise ce pur moment rock et les portes de métal de la fameuse chambre forte ( the « vault ») où étaient déjà ( à l’époque en 87) réputés se trouver des centaines de titres inédits, trésors cachés du génie princier. La plupart inachevés, bien entendu. C’est sans doute ce qui a du motiver les exécuteurs testamentaires de Prince, qui ont choisi, après la réédition fort étendue de « Purple Rain » l’an passé, de contourner cet obstacle artistique en publiant l’intégralité de cette simple mini K7 enregistrée dans son vieux studio de Minneapolis en une seule prise. Car comme son nom l’indique « Piano & a Microphone » a été capturé avec un Prince solitaire assis devant son piano pour quasiment improviser ces joyaux que nous avons le privilège de découvrir la beauté à l’état brut. Et c’est aussi émotionnel que fulgurant, car ce son, ces moments de bravoures, ces poussières de génie qui nous rappellent aussi cruellement combine ce fichu nain pourpre peut nous manquer. Enfin…vous, je ne sais pas, mais moi en tout cas. Et cela démarre par « 17 Days ». « Is that my echo ? demande-t-il à l’ingénieur. Puis juste un peu plus tard : « Could you please turn the lights down »…et c’est parti sur une sarabande infernale au piano. Super rythme, super voix, super feeling, géniale interprétation « Let the rain come now », chante-t-il, avant de monter de sa plus haute voix jusqu’aux sommets pour mieux nous donner la chair de poule. Comme un virtuose à la Chopin il fait preuve d’une hallucinante maitrise du clavier en noir & blanc. Le titre deviendra une face « B » pour « When Doves Cry ». Même réduite à sa plus simple expression de moins de deux minutes, cette ébauche de « Purple Rain » belle un « Let It Be » est un joyau éblouissant qui nous éclaire dans la nuit. Quelle composition géniale, quel talent, quel interprète, quel pianiste…
Un feeling illimité, halluciné à fleur de peau
Puis « A Case of You » s’enchaine avec naturel, sur un mode presque a capella dans ce medley insensé. Et l’on succombe à cette puissante émotion pure et dépouillée qui est en fait un cover d’une chanson de Joni Mitchell. Pour mémoire, le Kid était si fan d’elle, qu’il lui avait envoyé un jet privé pour l’inviter à la première de son film « Under the Cherry Moon »en 86. Prince, comme nul autre ne savait si bien faire battre la chamade à nos cœurs …lorsqu’il enchaine le classique gospel « Mary Don’t You Weep », chantant comme si sa voix pleurait des rivières. Mais le plus surprenant c’est lorsqu’il rugit comme Louis Armstrong. Carrément. Si l’on pouvait encore en douter, Prince est un grand fauve. C’est bouleversant. « Strange Relationship » slow et émouvant, percuté sur les touches du piano en mode virtuose, jazzy dévertébré un peu à la Madhouse ce groupe de jazz formé par lui sur Paisley Park. Le titre développe un feeling illimité, halluciné à fleur de peau…on songe à Thelonious Monk. On retrouvera cette composition bien plus tard, en 87 sur « Sign O the Times ». Joyau caché de « 1999 », composé un an avant cet enregistrement, « International Lover » offre son intro percutée, pour un slow ralenti au maximum, comme s’il était en apnée….strophe par strophe…susurré au micro …comme s’il chuchotait à notre oreille sur un mode incroyablement intimiste. « Wednesday » est un quasi instru mélancolique et tendre puis jazzé et nerveux comme pour mieux illustrer l’art du contraste princier. Sans doute le plus brillant inédit de ce « Piano & a Microphone » , voici « Cold Coffee and Cocaine » rythmé par les cris de Prince. C’est un pur swing évanescent tandis qu’il balance ses irrésistibles « baby » puis « last time baby » de sa voix rauque de vieux jazzman à la Ray Charles- son héros- ….incroyable Prince, quel caméléon génial ! Enfin, cet album si surprenant s’achève en apothéose avec un autre inédit : « Why the Butterflies », un slow intimiste et cool pour le titre le plus long de l’album. C’est à tomber par terre. « « Mama » lance-t-il plusieurs fois comme une complainte enfantine. Comment résister à cette voix qui demande : « maman pourquoi les papillons volent-ils ? ». C’est puissant comme une hallucination . Avec tout juste un « Piano & a Microphone » et aussi sa voix, bien entendu, Prince Rogers Nelson parvient à créer la magie : une relation intime, au-delà de la mort, entre lui et moi, entre lui et toi, entre lui en nous et c’est bien la sa force. Thanx Kid !