STEELY DAN « Aja VS the Scam »
Et si ce live, capturé en 2009 durant les performances du fameux groupe de Donald Fagen et de Walter Becker au Wang Theater de Boston, était tout simplement LE meilleur enregistrement en public de tous les temps de Steely Dan ? Certes, plus coloré jazz que rock and roll, ces ré-interprétations de leurs deux LP de 76 et de 77 soit « The Royal Scam » et « Aja » sont juste exceptionnelles. Boosté par quelques covers originaux, dont un cinglant « Love is Itching In My Heart » des Supremes, le groove ensoleillé de Steely Dan n’aura sans doute jamais été autant sublimé.
2009 : en ce temps-là, l’immense Walter Becker était encore parmi nous puisqu’il nous a quittés en 2017 (Voir sur Gonzomusic MY STEELY DAN STORY…SO LONG WALTER BECKER ) terrassé par un cancer de l’œsophage et les vibrations de sa guitare nous touchaient tel un direct au plexus solaire. Bien plus puissant que son prédécesseur, « North East Corridor » (Voir sur Gonzomusic STEELY DAN “North East Corridor” DONALD FAGEN “The Nightfly Live” ), dès les toutes premières notes, « Aja VS the Scam », cette ré-interprétation des deux fameux 33 tours du duo feuj new yorkais- plus quelques reprises et deux titres extraits de leur « Countdown To Ecstasy »- incarne la quintessence de tout ce que pouvait représenter l’idéal de perfection sonic de Steely Dan. Car on parle ici de mecs capables de passer deux ans en studio à peaufiner un disque… pour tout balancer à la corbeille et recommencer à zéro, car la première bouture ne parvenait pas suffisamment à les satisfaire ! C’est dire si cet enregistrement daté du 22 juillet 2009 se révèle précieux. D’abord, le son y est juste incroyable, mais de surcroit ls versions des chansons souvent étendues se révèlent assez bluffantes, à l’instar de ce groovy « Hey Nineteen » qui passe de 5 minutes à 7 minutes et 30 secondes ou « Josie » qui s’étire sur 5 minutes et 38 secondes. Vous me direz, on ne paye certes pas au poids, mais c’est justement la qualité et l’art de l’improvisation qui rendent ces versions aussi addictives. Dès le premier titre, un instru total jazzy intitulé « Teenie Blues », on tombe sous le charme. Mais c’est « Black Cow », extrait de « Aja » qui nous subjugue de sa perfection délicatement groovy portée par ses cuivres dorés à l’or fin. Et si la chanson-titre « Aja » se révèle très proche de l’originale studio, c’est au tour de « Deacon Blues » – qui a inspiré son patronyme au fameux groupe Écossais – de nous séduire de ses harmonies si mélancoliques dans cette version face au public de Boston avant le hit « Peg » porté par l’énergie vive des cuivres. Bien moins connue, on redécouvre « Home At Last » et sa perfection aux vocaux satinés, tout comme la très jazzy « I Got the News », avant de retrouver la chaloupée « Josie », l’autre grand hit de cet « Aja ».
Après une courte intervention de Donald Fagen, on balance sur les versions « en public » de « The Royal Scam » et au premier ce « Kid Charlemagne » si parfaitement tubesque, ce qui n’avait pas échappé à Kanye West qui l’avait samplé pour son « Champion » de 2007. Et en version live c’est juste parfait : groove enflammé, chœurs funky en diable et toujours cet extraordinaire savoir-faire qui distingue décidément le Dan de tous ses contemporains, cette quête inlassable de la perfection dont ce « Kid Charlemagne » en est la plus parfaite démonstration. Quant à la nostalgique des années légendaires d’Hollywood « The Caves Of Altimira », elle nous fait carrément dresser le poil sur le dos, un peu comme si les Beach Boys percutaient Wes Montgomery… vous voyez le tableau ? Quant à la suite du concert, c’est un festival de good vibes qui enchaine la précieuse « Don’t Take Me Alive » à la méconnue « Sign in Stranger », ode de Steely Dan … aux zombies. Suit la carrément burnée jazzy mais funky « The Fez » – oui comme le petit chapeau rouge turc qu’Atatürk avait interdit tout comme l’écriture arabe et le voile lorsqu’il a révolutionné la Turquie en soldant l‘Empire Ottoman- et interprétée uniquement par des chœurs féminins… un petit bijou ! De même, ce live nous permet de redécouvrir ainsi la cool « Haitian Divorce », au beat presque reggae si précurseur et novateur, ou bien la chanson-titre « The Royal Scam », sacrément réarrangée pour le live, avec ses solos de trompette et son piano en avant. Back to the hits avec l’irrésistible « Hey Nineteen », la perle de « Gaucho » (Voir sur Gonzomusic STEELY DAN « Gaucho » ) au groove si délicat… mais qui, dans ces nouvelles années #metoo serait aux confins du détournement de mineure sous double ivresse de Cuervo Gold et de weed Colombienne, mais il faut se souvenir que le texte date de 1980 et ces années-là étaient bien plus permissives. Puis c’est au rythme de « Love is Itching In My Heart », que vient la plus grosse surprise de cet album, avec cette incroyable cover de ce mega-tube des Supremes, sur lequel Donald, en parfait maitre de cérémonie, présente les musiciens avant de remonter le temps, pour retrouver le « Black Friday » de « Katy Lied » de 75 et ses puissantes harmonies avant « The Boston Rag » de 73, sur « Countdown To Ecstasy », en surprenante version ralentie. Mais c’est avec le cover de « Dirty Water » de the Standells, obscur groupe psyché des 60’s de LA, que vient la plus grosse surprise du concert. Et, après la pop « My Old School », elle aussi millésimée 1973, ce grand show s’achève en apothéose sur le sublime thème instrumental de « Le dernier tango à Paris » de Gato Barbieri. Et franchement, on ne regrettera pas d’avoir pris son billet…